Yves Tyrode (BPCE) : « le digital c'est simple : ce sont des usages et de la technologie »


Défis technologiques au service du business, du Digital à la Blockchain
Directeur général en charge du digital de l'ensemble du groupe BPCE, Yves Tyrode a bien résumé la situation : « le digital c'est simple : ce sont des usages et de la technologie ». Du Digital, donc, à la Blockchain, les défis technologiques n'ont de sens que par les avancées business qu'ils...
DécouvrirPassé par France Télécom et Voyages-sncf.com, Yves Tyrode dirige depuis un an le digital du groupe bancaire BPCE. Il s'explique sur la nouvelle structure mise en place et sa méthode pour faire entrer le digital dans les offres et les pratiques de BPCE.
PublicitéCIO : On vous a connu chez France Télécom dans des fonctions de R&D, à la SNCF où vous avez mis sur pied la relation client digitale, vous avez rejoint BPCE et l'univers bancaire il y a un an, quel est votre titre et que recouvre-t-il ?
Yves Tyrode : « Je suis directeur général en charge du digital de l'ensemble du groupe et président de Fidor Bank, ce qui me permet d'avoir une vision complète du changement. C'est un signal fort de la part de François Pérol (Président du directoire du Groupe BPCE, NDLR) que de porter la transformation digitale et la création de nouveaux modèles économiques (tels que Fidor par exemple) à ce niveau de responsabilités et fondamental que ce projet soit pris en compte de manière globale. Le digital n'est pas un canal de distribution. Le digital est partout. Il a des impacts sur tous les métiers et à tous les niveaux de l'entreprise. C'est pour cela que vous ne pouvez pas mener de transformation en étant isolé. C'est pour cela aussi qu'une DSI ne peut pas conduire seule le changement. Nous commençons par changer les modes de fonctionnement et la manière de travailler en appliquant les méthodes du web, comme par un exemple, le fait d'interagir avec les utilisateurs lorsque nous créons des services. Avant le lancement d'une application et sa mise en production, il est important de disposer des remontées des clients et des collaborateurs. C'est nécessaire pour faire évoluer les produits : vous avez toujours le droit à l'erreur, à condition de savoir pivoter immédiatement.
CIO : Quelle structure avez-vous constituée pour développer le digital à BPCE ?
Yves Tyrode : En octobre 2016, nous étions deux ! Après, nous avons mis sur pied une task force digitale, des digital champions dans les Banques Populaires et les Caisses d'épargne, un comité de direction digital ... Mais, plutôt que d'organisation, je vais vous parler de projets et de méthodes. Nous ne sommes pas arrivés en disant : « voilà l'organisation », nous avons d'abord réfléchi aux projets. J'ai deux principes de base que j'aimerais partager avec vous :
1/ le digital c'est simple : ce sont des usages et de la technologie. L'un ne va pas sans l'autre. L'erreur serait de dissocier les deux. L'usage, c'est fondamental. Il y a une règle dans le digital : sans usage, pas de revenu ; Quant à la technologie, elle joue un rôle central. Elle n'a pas vocation à faire simplement des ajustements ou à entraîner des effets verrous : sa maîtrise est essentielle.
2/ il faut être proche des utilisateurs, les rencontrer. Pour ma part, je réalise deux visites par semaine en Banque Populaire et en Caisse d'Epargne. Cela permet à la fois de faire remonter des informations et de passer des messages. On passe beaucoup de temps sur le terrain avec les collaborateurs car ce sont eux qui font ce groupe.
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CIO : Comment se déroule votre action depuis un an ?
Yves Tyrode : Nous avons d'abord travaillé à la compréhension des besoins de la banque et de ce métier, mis en place une méthode avec des saisons de 6 mois (sur un cycle de 18 mois). La première a débuté le 21 février dernier avec une vingtaine de projets concernant trois cibles : les clients particuliers, les collaborateurs et l'écosystème digital. En saison 2, nous nous intéresserons à deux nouveaux axes : les clients entreprise et la data.
A titre d'exemple, en saison 1, nous avons initié la digitalisation du crédit immobilier afin que le la souscription du client puisse s'effectuer 100 % en ligne. C'est un projet que nous avons prévu de travailler sur les trois saisons : la mise à disposition d'une application avec la possibilité d'accéder à une proposition commerciale qui sera ensuite améliorée afin que le client puisse réaliser le montage de son dossier de manière autonome (photographie des pièces d'identité...) jusqu'à la prise de rendez-vous chez le notaire.
Autre exemple, le selfcare. Nous souhaitons que nos clients soient autonomes sur un certain nombre d'actions menées au jour le jour, comme celle de pouvoir changer le plafond de sa carte bancaire. Le conseiller reste présent aux moments importants de la vie du client. Nous voulons qu'il soit expert, et pour ce faire, il a besoin d'être allégé des tâches administratives quotidiennes sans valeur ajoutée.
CIO : Comment est constituée votre équipe ?
Yves Tyrode : J'ai un comité de direction digital pour le groupe, composé pour moitié d'experts du digital, pour moitié d'experts de la banque. Frédéric Burtz est le n°2 de l'équipe, chargé de la technologie et des partenariats, c'est le patron de l'usine ! Une partie des gens de l'IT travaille dans ses équipes projets. Trois patrons gèrent vraiment l'ensemble de l'expérience utilisateur : Emmanuel Puga Pereira a la responsabilité de l'expérience client pour les particuliers et du marketing digital, Mung-Ki Woo ,de l'expérience client côté entreprises et de tous les nouveaux modèles économiques et Marion Rouso, de l'expérience collaborateurs et du pilotage des 40 digital champions, les relais digitaux du groupe dans les territoires. Vincent Schricke est en charge de la gouvernance et de la qualité de la data. Frédéric Lantoine, des ressources et de la réglementation. Le directeur général de Fidor Group, Matthias Kröner, fait bien évidemment partie de ce comité de direction tout comme le CDO de Natixis, Luc Barnaud, rattaché à Laurent Mignon, directeur général de Natixis. Le digital est transverse. Sabine Baudin-Delmotte nous a également rejoints en tant que directrice des contenus et communautés, car la communication, c'est très important : tout va très vite, on fait beaucoup de choses et il faut impérativement le faire savoir ! L'idée est de créer une équipe très resserrée de gens qui se connaissent et s'apprécient.
CIO : Vous voulez constituer un éco-système digital, qu'entendez-vous par là ?
Yves Tyrode : Nous voulons tisser des liens avec plusieurs environnements, les start-ups, les Gafa, les universités et la recherche. Nous avons aussi pris des mesures particulières. Par exemple, en créant un « start-up pass » à la direction des achats, afin de faciliter la relation contractuelle avec les startups et leur permettre d'être payées rapidement. On se doit d'être irréprochables avec nos partenaires. Nous jouons aussi l'ouverture et la transparence en mettant à disposition, pour ceux qui le souhaitent, des données publiques structurées, fiables et à jour afin d'en faciliter l'exploitation ainsi qu'un portail API à destination des développeurs.
CIO : Comment travaillez-vous avec les structures informatiques des Banques Populaires et des Caisses d'Epargne ?
Yves Tyrode : Il existe trois structures, une pour chacune des deux banques, I-BP et IT-CE et une commune pour l'infogérance, BPCE-IT. Celles-ci mettent à disposition des équipes dédiées, sous la responsabilité de Frédéric Burtz, à ce que nous avons appelé la 89C3 Factory. Nous voulons mutualiser les plateformes digitales des Banques Populaires et des Caisses d'Epargne (collaborateurs, clients, data ...) afin de faire du volume. Ces plateformes digitales sont connectées aux systèmes des Banques Populaires et des Caisses d'Epargne via des API industrielles.
CIO : Pourquoi êtes-vous venu chez BPCE, qu'est-ce qui différencie la transformation ici de celle d'autres secteurs ?
Yves Tyrode : J'étais très bien avec Guillaume Pepy et les équipes de la SNCF. Je garde, entre autres, un très bon souvenir de l'industrialisation et du déploiement international de voyages-sncf.com ainsi que du lancement de la 4G dans le train. C'est le projet de François Pérol qui m'a séduit et m'a embarqué dans cette aventure exigeante mais passionnante. Le développement de Fidor me motive énormément ; c'est une priorité de disposer d'une banque digitale. Mais comme toujours, c'est une histoire d'hommes ou de femmes. Frederic Burtz travaillait avec moi chez voyages-sncf.com et Emmanuel Puga Pereira était directeur technique d'une start-up que j'ai créée et dirigée au début des années 2 000. Avec Mung-Ki Woo nous avons lancé ensemble Orange Money en Afrique. Nous avons formé un codir digital totalement soudé : on se parle, on se dit tout, on est sur le terrain.
J'ai passé mon temps à faire des allers-retours entre petites et grandes entreprises. Il y a des invariants dans le digital. Pour commencer, il n'y a pas deux clients : celui de la banque et celui qui utilise les transports. Non, il n'y a qu'un seul client. Quand il se sert de son smartphone, c'est le même quel que soit le secteur d'activité. Donc l'expérience et le parcours clients doivent suivre les meilleurs standards. Ensuite, les technologies et les méthodes de travail sont les mêmes. Ce qui change d'une entreprise à l'autre, c'est sa culture et ses projets.
Je suis un homme de projets. Pour que tout fonctionne, il faut avoir des échanges avec vos collègues, leur apporter quelque chose et recevoir d'eux en retour, leur connaissance du métier, leur passion, leur envie. Je n'ai aucun doute sur le fait que nous allons réussir, en particulier quand nous avons la chance d'avoir un patron comme le nôtre. »
Article rédigé par

Didier Barathon, Journaliste
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