Youssef Tahani, CTO groupe d'Engie : « le confinement a vraiment montré l'élasticité du Cloud »


Ce que le Covid-19 a appris aux DSI
Pendant la crise sanitaire, le business continue. Indubitablement, la crise sanitaire du Covid-19 aura eu et va continuer d'avoir un impact, probablement durant plusieurs années, sur l'économie. Plutôt que de se replier sur soi, c'est le moment de remettre à plat les processus. C'est le moment...
DécouvrirComment un groupe d'envergure mondiale comme Engie a-t-il vécu le passage au télétravail massif ? Youssef Tahani, CTO groupe d'Engie, revient sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 au niveau IT. Pour le fournisseur d'énergie, cette situation de crise inédite a mis en lumière les bénéfices d'une transformation digitale engagée il y a quelques années, dans laquelle le Cloud tient une place centrale.
PublicitéCIO : comment avez-vous vécu l'annonce du confinement au sein du groupe Engie ?
M. Youssef Tahani : même si la décision du confinement a été assez rapide, nous l'avons vu venir. Au niveau du groupe, nous avions déjà mis en place le télétravail massif dans certaines filiales, comme l'Italie ou Singapour. Les modalités étaient différentes selon les pays, mais cela nous a permis de mesurer l'état de préparation de nos installations. Une grande partie de nos collaborateurs travaillent en France et en Belgique. La France notamment représente près de 70 000 employés.
Pour nous, il était primordial de permettre à tous les employés qui allaient télétravailler de le faire dans de bonnes conditions. Comme une majorité d'organisations, nous avons vécu quelques balbutiements le premier jour très vite résolus. Ensuite, le dispositif a très bien fonctionné.
CIO : sur quelles solutions repose ce dispositif ?
M. Youssef Tahani : la transition a été facilitée par des choix effectués en amont, dans le cadre de la transformation numérique que nous avons engagée il y a un peu plus de quatre ans. Nous privilégions aujourd'hui des solutions globales, avec un seul tenant pour nos 160 000 employés.
La présence sur le Cloud a été un véritable atout. Depuis 2016, nous avons entrepris une transformation de l'infrastructure et des solutions de collaboration avec toutes les entités du groupe. Il faut savoir qu'Engie est un groupe très décentralisé, avec une présence sur les cinq continents. Avant, les différentes équipes IT s'appuyaient sur des solutions et des opérations locales. Dans le cadre du programme de transformation, nous avons entrepris la construction de solutions globales. Nous avons notamment mis en place le cloud Office 365 de Microsoft et la plateforme de gestion des identités d'Okta, avec plus de 100 000 utilisateurs déployés dès 2016. Cette dernière nous permet de bénéficier d'une authentification à double facteur pour nos utilisateurs distants. Pour sécuriser les accès, nous avons aussi largement déployé la solution de ZScaler pour le proxy et pour le « private access », qui permet l'accès sécurisé aux ressources dans nos datacenters. Près de 95% de nos utilisateurs disposent actuellement de la fonction proxy de Zscaler.
Cette stratégie centrée sur le Cloud nous a beaucoup aidés : nous avions déjà des solutions en place, même si quelques ajustements ont été nécessaires. Par exemple, nous avons dû paramétrer notre VPN pour permettre l'accès à distance à quelques applications restées on-premise et non publiées sur le Web. Nous avons également travaillé pour accroître sa capacité.
CIO : et en termes d'équipements ?
PublicitéM. Youssef Tahani : dans la plupart des entités, nous avons autorisé les collaborateurs à venir prendre leur poste de travail au bureau durant les premiers jours du confinement, notamment pour les sites qui fonctionnement en Flex Office, où parfois les employés laissent leur ordinateur portable dans un casier. Tous les salariés ont pu utiliser un équipement professionnel.
CIO : avez-vous pu mesurer l'ampleur du télétravail à l'échelle du groupe ?
M. Youssef Tahani : aujourd'hui, nous avons 160 000 utilisateurs sur le Cloud. À travers ces différentes solutions, nous avons pu mesurer l'efficacité du Cloud au moment du passage -assez soudain- au télétravail, dans tous les pays qui ont mis en place un confinement.
Nous faisons une réunion hebdomadaire avec les CIO de nos 24 Business Units régionales, durant laquelle nous passons en revue les indicateurs clés liés au Cloud. Très vite, dès le 17 mars, nous avons constaté une forte hausse des indicateurs associés au télétravail, notamment en France, en Grande-Bretagne, en Amérique du Nord et du Sud.
Par exemple, en temps normal, entre 7000 et 8000 utilisateurs se connectent quotidiennement à des réunions sur Teams. Pendant le confinement, nous sommes passés à 40 000 utilisateurs connectés chaque jour. Le nombre quotidien de réunions, qui oscillait quant à lui entre 4000 à 5000 sur la période de référence, a atteint 25 000 par jour, il a plus que quintuplé.
Nos solutions de proxy nous ont également fourni de précieux chiffres sur l'activité en dehors du réseau d'entreprise. Actuellement, environ 60 000 utilisateurs dans le groupe se connectent depuis des lieux autres que nos sites, contre 9000 utilisateurs distants par jour en temps normal.
Encore aujourd'hui, les chiffres observés au début du confinement se maintiennent, formant une sorte de plateau.
CIO : est-ce que cette situation inédite vous a amené à utiliser autrement les solutions en place ?
M. Youssef Tahani : nous avons commencé à utiliser la fonctionnalité Live Event de Teams, en particulier pour répondre aux besoins de certains PDG ou DRH de nos entités locales, qui devaient communiquer largement. Certaines sessions ont grimpé à 1500-2000 participants, notamment au niveau Corporate, d'autres au Chili, au Brésil ou en Amérique du Nord avoisinaient 1000 participants. Ces outils nous ont permis de répondre au fort besoin de communication durant cette période.
Nous avons également fait des « Teams Cafés » afin de maintenir les liens et la convivialité durant cette période.
Par ailleurs, certains employés profitaient de la fonctionnalité d'accès privé de ZScaler pour se connecter à des ressources on-premise : nous sommes passés à 19 000 utilisateurs de ce service pendant le confinement, contre près de 13 000 auparavant. Environ 20000 à 30 000 utilisateurs ont besoin de se connecter à des applications sur site, aussi cette possibilité nous intéresse fortement.
CIO : le télétravail a-t-il eu des impacts sur les équipes IT ?
M. Youssef Tahani : au total, la filière IT au sein du groupe représente environ 3 200 personnes, tous pays confondus. À l'exception de quelques petites équipes, notamment celles travaillant en datacenter, la majorité des missions IT, y compris le helpdesk, ont pu se faire en télétravail, de façon sécurisée.
Nous avons découvert quelques situations pas toujours anticipées. Par exemple, nous avons dû gérer l'arrivée de collaborateurs récemment recrutés, en réfléchissant à la manière de leur fournir le matériel. Une organisation a été mise en place pour leur livrer l'équipement à domicile, préinstallé et préconfiguré. Nous avons aussi poursuivi notre programme de remplacement et de migration des postes de travail.
CIO : même s'il est un peu tôt pour dresser le bilan de cette crise, quels enseignements pouvez-vous en tirer ?
M. Youssef Tahani : la première bonne nouvelle, si l'on peut dire, c'est que tout a bien marché. Nous avons eu plusieurs retours positifs de nos collègues, dans différents départements et entités, étonnés de voir que les systèmes ont tenu le choc.
À l'époque où nous avons lancé le programme de transformation, il a parfois fallu négocier avec certaines entités, pour faire accepter les budgets et les migrations envisagées. Aujourd'hui, celles-ci nous remercient de les avoir poussées à adopter ces solutions, car elles en mesurent les bénéfices. Nous étions loin à l'époque d'avoir prévu la situation actuelle, mais nous avions mis en avant la flexibilité du Cloud dans nos arguments. Le Cloud permet de pouvoir dimensionner les ressources en fonction de l'activité, ce qui présente un intérêt dans notre secteur, où la consommation d'énergie varie fortement avec les saisons. Le confinement a vraiment permis de montrer l'élasticité du Cloud, avec une amplitude beaucoup plus large. Concernant le VPN, l'architecture en place nous permet de faire du scale-out aisément, en ajoutant quelques machines virtuelles pour absorber la charge.
Avec cette crise, l'équipe de la DDSI s'est trouvée confortée dans ses choix, même si ceux-ci avaient été faits pour d'autres raisons, comme la promesse du Cloud en termes de capacités. Nous en voyons aujourd'hui la justesse, cela nous a permis de continuer à fonctionner avec l'ensemble de nos collaborateurs, de Shanghai à Santiago. Grâce à cette légitimité supplémentaire, nous allons pouvoir continuer la transformation.
Nous avons déjà une infrastructure multicloud, avec Azure et AWS sur la partie infrastructure. Nous tirons également parti des fonctionnalités spécifiques à chaque plateforme. Nous avions entrepris le déploiement d'autres solutions Cloud, mais à la lumière de cette expérience, il devient clair qu'il faut encore accélérer et étendre ces déploiements.
La Direction des Ressources humaines du groupe et plusieurs entités réfléchissent aussi aux leçons à tirer de cette expérience, afin d'élargir davantage les modalités du télétravail après la crise. Mais cet épisode va surement nous apporter bien d'autres enseignements, qu'il faut prendre le temps de formaliser.
Article rédigé par

Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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