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Y aura-t-il assez d'énergie pour alimenter le boom de l'IA ?

Y aura-t-il assez d'énergie pour alimenter le boom de l'IA ?
Une photo de l’EPR de Flamanville. Dans le scénario de croissance des usages de l’IA sans limites, la technologie engloutirait l’équivalent de la production de 105 réacteurs de ce type. (Photo : EDF)

Une croissance sans limites des capacités énergétiques ou des crises qui limiteront les usages de l'IA ? Une étude explore quatre scénarios à horizon 10 ans. Aboutissant à des chiffres qui donnent le tournis.

PublicitéLa disponibilité de capacités énergétiques suffisantes pour alimenter le boom de l'IA suscite de nombreuses interrogations, à l'heure où les géants de la tech multiplient les investissements massifs dans les datacenters (dont Microsoft qui annonce son intention de dépenser 80 Md$ sur le sujet rien qu'en 2025). Dans un rapport paru en décembre, Schneider Electric élabore quatre scénarios d'évolution de la consommation en énergie des infrastructures nécessaires aux applications d'IA à l'horizon 2035.

La perspective est intéressante car, si, d'après l'Agence internationale de l'énergie, la consommation des datacenters ne représente qu'environ 2% de l'électricité consommée dans le monde en 2022, elle doit doubler d'ici 2026, pour atteindre 1000 TWh, soit l'équivalent de la consommation du Japon. Et, c'est clairement l'IA qui explique cet emballement, avec une multiplication par 10 de ses besoins en énergie en trois ans. Comme le précise Schneider Electric, cette situation crée déjà des tensions localement. « Dans la Data Center Alley, en Virginie du Nord, les centres de données consomment déjà 25 % de l'électricité de la région et pourraient atteindre près de 50 % du total dans un scénario de forte croissance, ce qui incite les services publics à proposer de nouvelles infrastructures de production d'énergie à base de combustibles fossiles », écrivent les auteurs du rapport.

Scénario à la Trump : une consommation multipliée par 14 en 10 ans

Ces derniers rappellent également la situation de l'Irlande, où les datacenters devraient engloutir près d'un tiers de l'électricité du pays dès l'an prochain, ou celle des Pays-Bas, avec les restrictions mises en place par la région d'Amsterdam en raison des tensions sur le réseau provoquées par les datacenters. Ces premiers accrocs dans le paradigme d'une électricité disponible partout en abondance rendent l'exercice auquel se livre Schneider Electric particulièrement pertinent.

Pour ce faire, la multinationale française élabore quatre scénarios, dont les deux extrêmes résonnent assez clairement avec l'actualité géopolitique internationale. Un de ces deux scénarios, baptisée Abondance sans limites, repose sur une disponibilité sans faille de sources d'énergie. Autrement dit, le scénario privilégié des techno-utopistes au sein duquel « les progrès technologiques résoudront toutes les contraintes en matière de ressources ». Dans cette configuration, les auteurs du rapport prévoient que la consommation mondiale d'électricité générée par les applications d'IA passera de 100 à 1370 TWh entre 2025 et 2035, avec une croissance régulière au cours de la décennie. Soit, à cette échéance, l'équivalent de 105 réacteurs EPR comme celui que la France vient de mettre en service à Flamanville ! Rappelons que ce chantier, qui s'est étalé sur près de 20 ans, est évalué à 19 Md€ par la Cour des comptes.

PublicitéL'IA catalyseur de crises énergétiques ?

Par ailleurs, comme le notent les auteurs, « bien que l'énergie nucléaire soit une source d'énergie décarbonée, elle reste confrontée à des défis importants, notamment des coûts d'investissement initiaux élevés, allant de 3 000 à 6 200 dollars par kilowatt, et une vulnérabilité aux hausses de taux d'intérêt pendant les longues périodes de construction. Par conséquent, dans le scénario Abondance sans limites, la demande croissante d'électricité de l'IA pourrait continuer à dépendre des combustibles fossiles. » Avec les conséquences environnementales qui en découlent, notamment en matière de rejets de gaz à effet de serre.


L'évolution de la consommation d'électricité des applications d'IA selon les quatre scénarios élaborés par Schneider Electric.

Si cette trajectoire est clairement celle que dessine la future administration Trump - et ses soutiens dans le monde de la tech -, elle pourrait se voir contrariée par la disponibilité des ressources énergétiques. C'est l'hypothèse qu'explore Schneider Electric dans son scénario de crise énergétique, caractérisé par une expansion rapide suivie d'une contraction sévère. « Ce scénario est déjà évident dans certaines régions où des débats émergent sur le bon équilibre entre infrastructure et demande », soulignent les auteurs de l'étude.

Une IA soutenant les efforts de décarbonation

Dans ce modèle, la consommation d'énergie due à l'IA passerait de 100 à 670 TWh entre 2025 et 2030, « tirée par la croissance explosive de l'entraînement des IA génératives et de l'inférence, en particulier dans des régions telles que les États-Unis, la Chine et l'Union européenne ». Mais ce développement rapide de l'IA, que nous observons déjà, dépasserait les capacités de l'infrastructure énergétique, entraînant des crises locales dans la droite lignes des signes préliminaires enregistrés en Irlande, aux Pays-Bas ou en Virginie. « En réponse à ces crises, les industries et les nations chercheraient d'urgence à atténuer les effets de rebond de la demande d'IA », imaginent les auteurs, qui voient la consommation globale issue de l'IA retomber à 190 TWh après le pic de 2030.

Schneider Electric, qui publie dans son rapport certains détails des paramètres utilisés pour élaborer ses quatre scénarios, imagine enfin deux autres trajectoires. La première, baptisée Limites à la croissance, repose sur un arrêt de la croissance d'énergie nécessaire aux applications d'IA à partir du début des années 2030, du fait d'un certain nombre de limites physiques (disponibilité de l'énergie bien sûr, mais aussi rareté des données, pénuries de matériaux et de minéraux), réglementaires, ou sociales. Ce scénario anticipe une consommation de 570 TWh en 2035. La seconde, dénommée IA soutenable, est « une trajectoire de progrès technologique durable, équilibrant les progrès de l'IA et la gestion de l'environnement ». Dans ce scénario, d'ici 2028, l'IA s'industrialise fortement, soutenant positivement les efforts de décarbonisation. Avec ce scénario d'IA soutenable, la consommation totale d'énergie atteindrait 785 TWh en 2035.

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