Voile et IT : « Pour quelqu'un qui voulait revenir aux fondamentaux, je suis ultra-équipé » soupire Georges Epinette


Voile et IT : un mariage pour la performance
Une chose est sûre, l'IT est devenue une composante à part entière du sport quel qu'il soit. La donnée étant étant désormais au coeur de nombre d'activités, les data-scientists travaillent main dans la main avec les sportifs. Mais dans les sports mécaniques, comme la voile, l'IT ne s'arrête pas...
DécouvrirConnu dans nos colonnes comme ancien DOSI du Groupement des Mousquetaires, DG de la STIME et vice-président du Cigref, Georges Epinette est également un « voileu » de longue date. Il jette un regard plutôt critique sur la prolifération des nouvelles technologies dans le monde de la voile.
Une série d'articles sur l'IT et la voile est publiée sur CIO à l'occasion de la Transat Jacques Vabre, aussi appelée Route du Café.
PublicitéCIO : En tant que plaisancier éclairé, comment voyez-vous la navigation aujourd'hui avec tous les outils électroniques qui ont émergé ?
Georges Epinette : Aujourd'hui, les plaisanciers ont sensiblement les même besoins que des utilisateurs métiers. Ils veulent naviguer pressés et optimisent donc la route avec le numérique et des logiciels comme MaxSea. Ils veulent aussi de la sécurité. Là encore le numérique et l'électronique a beaucoup joué ces dernières années avec les AIS [systèmes anti-collision, NDLR], les balises localisées par satellite ou encore les bracelets connectés Lifetag pour le sauvetage des hommes à la mer. Enfin, il y a aussi beaucoup plus de connectivité. Nous multiplions les terminaux et les connexions pour être joignables à tout moment.
CIO : Du coup, quel est l'impact sur le plaisir de navigation ?
Georges Epinette : Avec tous ces appareils, la déconnexion mentale ne joue plus. Avant, il suffisait de partir un seul week-end en mer pour avoir l'impression d'avoir vécu une aventure avec un grand A. Aujourd'hui, on traverse l'Atlantique sans même avoir cette sensation. En plus, la réglementation n'aide pas franchement celui qui voudrait revenir aux sources. La division 241 du code des affaires maritimes oblige l'usage de balise Sarsat-Corpas et encourage l'utilisation de téléphones satellitaires. Nous n'avons plus le choix de naviguer à la « babacool », sécurité oblige.
CIO : Quel équipement emportez-vous sur votre bateau finalement ? Le numérique n'a-t-il pas permis de le simplifier ?
Georges Epinette : Oui et non. C'est finalement ce qui tombe en panne en premier sur un bateau. Du coup, je me retrouve avec des solutions en double voir en triple. Je possède ainsi un écran multifonction intégrant les cartographies alors que j'ai la même chose sur mon GPS de secours, mes deux tablettes et mes deux iPhones. En plus, bien sûr, j'emporte toujours mes cartes du SHOM [Service Hydrographique et Océanographique de la Marine, NDLR] et mon sextant que je serais bien incapable d'utiliser au pied levé. Même les principales marines nationales ont cessé de les utiliser, sauf les américains qui s'y sont remis il y a peu. Il se sont apparemment rendu compte que les satellites qui assuraient leur géolocalisation, en plus d'être vieillissant, seraient compliqués à remplacer. Ce n'est pas franchement rassurant.
CIO : C'est un peu une sorte de course à l'armement en fait ?
Georges Epinette : On se retrouve effectivement avec des bardées d'instruments de bord qui finalement émoussent le sens marin au profit d'une dépendance technol-orgiaque. En outre, ils soulèvent de nouveaux problèmes dont celui de l'alimentation. Entre le réfrigérateur, le pilote automatique et toute l'informatique de bord, il me faut 450 ampères pour naviguer 24 heures. En plus du moteur qui fait office de générateur mais qui n'est pas franchement agréable à écouter, il faut donc rajouter des panneaux solaires, une éolienne et un hydrogénérateur.
Publicité CIO : A vous entendre, il semble que la technologie ait un peu ruiné le plaisir de naviguer...
Georges Epinette : La plaisir de naviguer peut-être pas, mais le plaisir de naviguer tranquillement, oui. En résumé, pour quelqu'un qui voulait revenir aux fondamentaux, je me retrouve sur-équipé. Je le regrette avec un brin de nostalgie sans toutefois le déplorer. Étant issu d'une longue tradition maritime, je me demande juste comment faisait nos aïeux pour naviguer autour du monde uniquement avec une sonde, un compas, une montre et un sextant. Mon arrière grand oncle qui était commandant du premier Enez Eussa, le navire qui faisait la navette entre Brest et Ouessant, ce qui est loin d'être une promenade de santé, pouvait se situer sur ce trajet uniquement au bruit des vagues et à la teneur de l'écume. Ce sont des savoirs qui sont définitivement perdus.
Article rédigé par

Oscar Barthe, Journaliste
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