Vincent Cotteaux (DSI, Monoprix) : « l'enjeu est une expérience client fluide au travers de tous les canaux »


Sécurité et digital : il ne faut pas choisir
La sécurité est un enjeu. La digitalisation est un enjeu. Mais, en fait, le véritable enjeu est tout simplement le business. Et sécurité et digital ne peuvent pas s'opposer : ils doivent avancer de concert. Le développement de la cybercriminalité et du cyber-espionnage ne peuvent pas excuser un...
DécouvrirVincent Cotteaux, DSI du groupe Monoprix, détaille l'organisation du groupe et explique les évolutions apportées récemment au SI. Au delà de la pure technologie, le partenariat avec Amazon a eu des implications importantes. Le magasin autonome Black Box et les autres formes de digitalisation de la relation client propulsent Monoprix dans l'avenir. Mais des défis purement techniques comme sur le modèle business sont aussi à relever.
PublicitéCIO : Pour commencer, pouvez-vous nous représenter le groupe Monoprix ?
Vincent Cotteaux : Monoprix est une filiale à 100 % du groupe Casino. Cette filiale comprend 675 magasins en propre (Monoprix, Monop', Naturalia...) et une centaine de franchisés. Monoprix Online est une filiale séparée, filiale à 100% de Monoprix, qui développe les activités e-commerce du Groupe Monoprix, et notamment les sites Monoprix.fr, et Sarenza. Cet ensemble compose le « groupe Monoprix ».
Selon le canal de vente, le type de produits et le nombre de références varie. Le service Monoprix Express, de Monoprix.fr, permet de préparer son panier de courses du quotidien en magasin, et de livrer à domicile ou de remettre à l'accueil, à partir du magasin, dès le jour même. Nous proposons sur ce service un choix qui varie entre 10 à 15 000 références selon les magasins. Le service Monoprix Plus, né de notre partenariat exclusif pour la France avec Ocado (leader du e-commerce alimentaire anglais), lui, repose sur un site accessible sur Monoprix.fr et un entrepôt dédié, avec livraison à domicile, à partir du lendemain, d'un choix très large de 25 000 références à date, qui pourra aller jusqu'à 50000 fin 2021. Dans la boutique Monoprix disponible sur Amazon Prime Now, nous proposons environ 8000 références et 300 dans la Black Box [voir ci-après pour ces deux dernières offres, NDLR].
CIO : Et la DSI de Monoprix ?
Vincent Cotteaux : La DSI de Monoprix développe et gère les SI des magasins, des entrepôts, et des services supports du siège de Monoprix. Le SI des magasins est entièrement fourni par le groupe (infrastructures, supports, logiciels...). La DSI de Monoprix Online, celle des sites e-commerce, et les deux ensemble développent et gèrent tous les services dits omnicanaux. Depuis ce mois d'Octobre 2020, la DSI de Monoprix, historiquement rattachée à la direction des opérations et des flux marchandises (logistique et exploitation des magasins), est rattachée à Nathalie Mesny, membre du Comité Exécutif du Groupe Monoprix en charge de ces activités e-commerce (au travers des sociétés Monoprix Online, O'commerce et O'logistique qui opèrent l'activité en partenariat avec Ocado).
Si notre SI est hébergé dans les datacenters Casino, la DSI de Monoprix n'a pas de lien hiérarchique direct avec la DSI du groupe Casino. Bien sûr, nous travaillons à des synergies lorsque c'est possible.
CIO : Comme vous utilisez les datacenters de Casino, votre SI ne repose pas sur le cloud. Quelle architecture avez-vous adoptée ?
Vincent Cotteaux : Nous avons plusieurs progiciels on premise, en effet. Tout d'abord, pour les fonctions financières, nous avons SAP. La gestion des approvisionnements est effectuée sous Symphony Gold, celle des entrepôts sous Logidrive et celle des encaissements sous Storemate de Toshiba pour les caisses tapis, Fastlane de NCR pour les self-check-out, l'encaissement mobile est lui sur ORIKA etc. Par contre, les référentiels, notamment produits, sont traités dans un développement interne.
Côté bureautique et messagerie, nous disposons à la fois de fermes Exchange et d'Office365. Le datawarehouse est désormais sous Snowflake hébergé dans Azure [voir ci-après, NDLR].
Le back-office est très « Legacy » mais, à l'inverse, le front-office connaît une forte digitalisation pour la relation client, par exemple pour l'encaissement mobile, l'application coupe-file, etc. L'application coupe-file, qui permet au client de scanner ses achats lui-même avec son smartphone avant de payer, est devenue Monoprix & Moi, en intégrant l'ensemble des fonctions de relation client.
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CIO : Le choix du cloud et de Snowflake constitue des ruptures dans votre architecture. Quel en est la raison ?
Vincent Cotteaux : Nous avions un datawarehouse Teradata ancien qui nous posait de gros problèmes de performances et de volumétrie. De plus, ajouter des traitements par intelligence artificielle était problématique. Le lancement du reporting du lundi matin était souvent beaucoup trop lent pour être fourni à temps pour les réunions. Il y avait donc deux solutions : soit nous faisions évoluer notre Teradata avec une version plus moderne et puissante, soit nous faisions autre chose.
Nous avons réalisé trois démonstrateurs : un sur Teradata, un sur Snowflake et un sur Big Query de Google. Notre but était de tester les performances mais aussi d'estimer la complexité d'un projet de migration. A l'époque, Snowflake venait d'être disponible en France et n'y avait donc pas de référence. Pourtant, cette technologie s'est révélée très au-dessus des autres. En plus, nous pouvions y recourir avec un paiement à la minute en crédit de puissance. Nous pouvons donc acheter de la pleine puissance pour quelques heures au moment de générer des reportings hebdomadaires puis, le cas échéant, ne plus l'activer.
Le choix de cette technologie fait également sauter toutes les limites sur les volumes. Et nous pouvons donc analyser sans limite les comportements des clients. Enfin, quand un partenaire nous demandait un accès aux données, auparavant, il fallait construire spécifiquement un flux. Snowflake nous permet de réaliser du « datasharing », donc de partager directement les données.
Le projet a été lancé début 2019 et il a fallu un an pour le mettre en oeuvre. Dès lors, le ROI a tout simplement été immédiat !
CIO : Le recours au cloud public ne pose-t-il pas de soucis de sécurité et de souveraineté des données clients ?
Vincent Cotteaux : Côté sécurité, il y a trois clés de cryptage : la nôtre propre, celle de l'opérateur de cloud et celle de Snowflake. Nous sommes les seuls à pouvoir disposer des trois. Le groupe Casino est très sensible à la question de la souveraineté des données. Nos contrats cloud comprennent une clause impérative de localisation a minima en France, au pire en Europe. Aucun contrat n'est signé s'il n'y a pas de garantie sur ce point.
Notre base clients est unique et, en cas de demande d'effacement, le nettoyage est donc aisé. Nous sommes en train de consolider les différents consentements reçus afin de solliciter, en cas de besoin, le client si nous avons besoin d'un consentement complémentaire.
CIO : Parmi les innovations récemment opérées par Monoprix, il y a le partenariat avec Amazon. Comment ce partenariat fonctionne exactement ?
Vincent Cotteaux : Pour l'instant, le partenariat est opérationnel sur Paris et une partie de la banlieue Ouest, Nice, Lyon, Bordeaux, Montpellier et Strasbourg. Normalement, nous mettons en vente les stocks des magasins Monoprix mais il y a aussi un « darkstore », un « faux magasin » dédié à Amazon. Le chiffre d'affaires lié à ce partenariat est significatif [mais non-communiqué, NDLR] et c'est un vrai service pour nos clients, complémentaires à Monoprix Express, et Monoprix Plus.
C'est un partenariat très exigeant, focalisé sur les objectifs à atteindre sur les indicateurs de respect de la qualité de la promesse clients, qui demande de véritables ressources en termes de réseau notamment. Pour garantir la qualité de notre réseau sur les magasins concernés, nous avons conclu un partenariat avec Jaguar Network Les stocks sont mis à jour toutes les heures sur les 6000 références mises à disposition sur Amazon. En retour, Amazon nous renvoie les ventes puisqu'ils gèrent le process de commande.
CIO : Vous avez également lancé d'autres expérimentations comme la Black Box. Où en êtes-vous ?
Vincent Cotteaux : La Black Box est un magasin de proximité 100% automatisé, basé sur l'intelligence artificielle proposant une offre très courte de dépannage : 300 références pour des paniers d'au plus une dizaine d'euros. Ce format est destiné à être déployé dans des lieux de flux (gares, aéroports., hôpitaux, universités..). C'est aussi une vitrine d'innovation technologique.
Concrètement, le client présente sa carte bancaire en mode contact ou sans contact pour entrer dans le magasin, prend ses produits et part sans passer par la caisse ni à scanner ses articles. Une technologie de pesée permet d'identifier les produits choisis. Le client doit juste valider son panier sur un écran tactile pour pouvoir sortir du magasin. Il n'est pas nécessaire de télécharger une appli spécifique. Pour l'instant en test sous enseigne Monop', accessible aux collaborateurs du siège de Monoprix, la « BlackBox » sera installée avant la fin de l'année dans une zone ouverte au public.
En termes de SI, c'est quelque chose de très simple.
CIO : Où en êtes-vous de la digitalisation de la relation client ?
Vincent Cotteaux : Un des enjeux de l'adoption de Snowflake, c'est de calculer des promotions pertinentes à « pusher » aux clients ayant notre application mobile. Il n'y a rien de plus casse-pied que d'acheter un vélo et, durant six mois, d'être sans arrêt sollicité pour en acheter un !
L'enjeu de la digitalisation est une expérience client fluide au travers de tous les canaux. Par exemple, le client se fait reconnaître par sa carte de fidélité et, ensuite, s'il veut se faire livrer, l'adresse sera par défaut celle renseignée dans son compte. Des bornes de livraison à Domicile sont à sa disposition pour enregistrer sa livraison et laisse son chariot en magasin. De même, le client pourra bientôt obtenir son ticket de caisse de façon dématérialisée dans l'application. Cela est déjà déployé dans 25 magasins et le sera dans tous d'ici la fin d'année.
CIO : Du coup, que vous reste-t-il comme défis à relever ?
Vincent Cotteaux : D'abord, il y a des défis technologiques à relever en 2021. Le premier consiste à refondre l'architecture réseau. Pour accompagner la digitalisation, nous avons besoin de performance et de sécurité et nous allons donc adopter une approche SD-WAN. Pour la même raison de performance, nous allons APIfier notre SI. Au lieu de descendre toutes les données en permanence pour chaque application ayant un usage, les applications vont appeler les informations dont elles ont besoin.
Certaines innovations testées dans notre magasin de Montparnasse sont destinées à être généralisées. C'est d'ores et déjà le cas pour l'encaissement mobile ou les bornes showroom ou encore les étiquettes digitales. Celles-ci sont mises à jour automatiquement, y compris pour annoncer les promotions. Là, le ROI de la digitalisation se fait par la suppression des multiples opérations manuelles pour changer les prix et indiquer les promotions.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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