Tomber d'Orwell en Kafka
Vie privée outragée, vie privée brisée, vie privée martyrisée mais vie privée relevée grâce à un nouvel ouvrage des éditions FYP et de la Fondation Internet Nouvelle Génération.
PublicitéJean-Marc Manach est un passionné de la vie privée et des libertés publiques. Co-créateur des Big Brothers Awards, auteur du blog Bug Brother sur LeMonde.fr, journaliste d'investigation, enseignant, il vient de publier chez FYP/FING « La vie privée, un problème de vieux cons ? »
Si on devine que la réponse sera « non », son intitulé est clair : à côté des « vieux cons » attachés à leur vie privée, à cette capacité à faire ce qu'ils veulent en paix sans devoir rendre de comptes à quiconque, on trouverait des « jeunes cons » qui publient tout et n'importe quoi n'importe où et pour qui, au final, la vie privée n'a plus d'utilité. Mais comme disait Georges Brassens, « l'âge ne fait rien à l'affaire... »
« Aux Etats-Unis, un adolescent sur cinq et un jeune adulte sur trois ont déjà envoyé des photographies ou vidéos d'eux-mêmes, nus ou à moitié nus, via l'Internet ou le téléphone mobile [alors même que] les trois quarts des jeunes américains sondés reconnaissent qu'envoyer des contenus sexuellement suggestifs peut avoir des conséquences négatives sérieuses » mentionne l'auteur. Cet exemple est significatif : Laure Manaudou n'est pas seule à faire n'importe quoi. Il est également intéressant par le parallèle que fait l'auteur entre « la révolution sexuelle » et la « révolution de la vie privée » : dans les deux cas, il s'agit de faire tomber des carcans ancestraux... mais pas n'importe comment pour ne pas être « à poil » (au sens propre ou figuré). De même que la mini-jupe n'est pas une autorisation de viol, la publication de données personnelles choisies par les « petits cons » n'est pas, en fait, une remise en cause de la vie privée mais une nouvelle manière de l'envisager, la définition d'une nouvelle frontière entre vie privée et vie publique.
Big Brother n'est plus le véritable danger selon l'auteur, même s'il existe encore. A côté des multiples « small brothers » peu ou pas identifiés, se trouve surtout le « risque Kafka », c'est à dire l'utilisation déloyale, abusive et orientée des données personnelles collectées par des organisations ou des individus afin de nuire aux personnes surveillées de façon illégitime. Le « rien à cacher » est une illusion car tout est susceptible d'être utilisé à mauvais escient, y compris par erreur, dans le cadre de la « société de la surveillance ».
L'ouvrage de Jean-Marc Manach se lit facilement et aborde donc toutes les thématiques qui fâchent. S'il a ses thèses, il les défend après avoir clairement indiqué tous les points de vues. La vie privée de chacun mérite bien cette réflexion.
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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