Sterne anticipe le reporting CSRD à grand renfort de travail sur la data
Le transporteur Sterne a publié fin 2024 son 2e rapport de durabilité conforme en grande partie à la directive européenne CSRD. Anticipant l'obligation qui le concernera l'an prochain, il a identifié les indicateurs indispensables et collecté la data nécessaire, voire l'a créée lorsqu'elle n'était pas disponible.
PublicitéFin 2024, le groupe de transport Sterne a clôturé son 2e rapport durabilité. Dès la publication du premier en 2023, l'entreprise en a profité pour se conformer à près de 90% à la directive européenne CSRD (Corporate sustainability reporting directive), selon Loïc Chavaroche, directeur qualité, sécurité, sûreté, environnement, RSE - ESG. L'entreprise ne sera officiellement soumise à la CSRD qu'en 2026 sur son activité 2025, mais elle a voulu se préparer en amont. Et pour cause. Les exigences liées à la nouvelle régulation européenne imposent de mesurer plusieurs centaines d'indicateurs applicables à l'activité de l'entreprise, dont beaucoup n'étaient jusque là tout simplement pas mesurés par le groupe.
Première étape, l'audit de gap analysis
Qui plus est, la CSRD concerne non seulement les impacts liés à l'environnement, mais aussi ceux liés à la gouvernance, au social, y compris pour la sous-traitante. Pour construire sa comptabilité et son reporting extrafinanciers, Sterne a d'abord réalisé un audit de « gap analysis », puis travaillé sur les indicateurs identifiés et sur la collecte de toutes les data nécessaires à la CSRD, quitte à créer de nouveaux processus de collecte et de mesure lorsque nécessaire. Puis il a construit un cube PowerBI interfacé avec sa comptabilité. Aujourd'hui, si le groupe ne dispose pas encore d'un SI unique, le cube communique lui avec toute l'entreprise.
Dans une première phase, le directeur RSE a donc enclenché la démarche obligatoire du gap analysis avec l'aide de sa DSI. Il s'agit de comparer les pratiques et les résultats RSE de l'entreprise avec les exigences réglementaires de la CSRD. « Une fois que l'on dispose de tous les indicateurs, ajoute Loïc Chavaroche, il faut aussi s'assurer qu'ils sont fiables. La CSRD, c'est plus d'un millier d'indicateurs [les entreprises ne contraintes de mesurer que ceux qui les concernent directement], dont un tiers est plutôt de l'ordre d'une action rédactionnelle itérative, mais les deux tiers sont des données chiffrées ».
Collecter data et éléments de preuve
Pour collecter ces data et se conformer à la précédente directive, la NFRD (non financial reporting directive), Sterne travaille depuis cinq ans avec le logiciel ESG et extrafinancier Reporting21. Mais le transporteur a décidé de changer d'outil, car il a besoin d'une solution multilingue d'une part, et capable d'autre part de s'interfacer avec d'autres systèmes que la seule CSRD, comme le GHG protocole, la Science based targets initiative (SBTI), l'Ademe, etc.. « Nous regardons d'autres logiciels, insiste le directeur RSE. Mais un des aspects complexes de la CSRD, c'est qu'il s'agit d'un processus ascendant de collecte. Il faut aller chercher la plus petite entité possible. Dans notre cas, cela se traduit par la collecte de données environnementales, sociales, éthiques, gouvernance et conformité pour les scopes 1 à 3 - avec les prestataires -, sur 85 sites dans 14 pays, tous les ans, site par site ».
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Loïc Chavaroche, directeur qualité, sécurité, sûreté, environnement, RSE - ESG. La CSRD, pour Sterne, exige « la collecte de données environnementales, sociales, éthiques, gouvernance et conformité pour les scopes 1 à 3 - avec les prestataires -, sur 85 sites dans 14 pays, tous les ans, site par site » (Photo Sterne)
Mais Sterne réalise aussi une collecte locale trimestrielle, car il souhaite aussi utiliser le reporting extra financier comme un outil de pilotage. « Remplir la CSRD uniquement pour avoir le document à la fin de l'année, ça ne sert à rien, estime le directeur RSE. En revanche, il y a un véritable intérêt à s'en servir pour créer un pilotage complémentaire avec des données extrafinancières ». Enfin, autre niveau de complexité, comme l'explique Loïc Chavaroche, ces démarches nécessitent un logiciel qui remonte non seulement de la data, mais des éléments consolidés avec des éléments de preuve, comme la facture. « Nous disposons de la totalité de nos factures en énergie, carburants, eau, etc. Et cela représente des milliers de documents. Si vous affichez une consommation d'énergie de 1000kw, il faut disposer dans le logiciel de la facture associée et de la piste d'audit ».
Créer les indicateurs manquants
La complexité de la CSRD provient aussi de certains types de data complexes à collecter, voire inexistantes. « Sur la dimension sociale par exemple, mais aussi pour mesurer les émissions de CO2 des employés, la CSRD demande une granulométrie au niveau de l'âge et de la distance en km entre le lieu d'habitation et le lieu de travail, du moyen de transport utilisé, raconte Loïc Chavaroche. Ce sont des informations que nous ne remontions pas ». Le SIRH de Sterne téléverse déjà directement certaines data anonymisées dans le logiciel de reporting RSE, mais l'entreprise a aussi dû mobiliser le progiciel pour calculer le kilométrage parcouru quotidiennement par les employés pour se rendre sur leur lieu de travail et en repartir. Et elle a rédigé un questionnaire à destination des employés pour identifier les moyens de transport qu'ils utilisent. « C'est un travail qui est réalisé avec un niveau de granularité qui est celui de l'agence, précise Loïc Chavaroche. Et à partir de là, la mesure peut être calculée au niveau régional, puis national, puis d'une business unit, etc. »
En 2023, le groupe Sterne a aussi par exemple cherché à mesurer sa capacité à payer ses prestataires dans les temps. « Une information dont nous ne disposions pas, poursuit le directeur RSE. Ce travail sur le respect du délai de paiement légal nous a demandé près de 6 mois ! Cette fois, nous avions la data, mais la comptabilité ne savait pas la traiter. » Loïc Chavaroche précise que l'entreprise choisit uniquement des prestataires logiciels certifiés ISO 27001 pour sécuriser les échanges de data, car elle utilise beaucoup de solutions SaaS. « Nous avons besoin de redondance, insiste-t-il. Et quel que soit le cube utilisé, nous devons absolument penser à la réversibilité. Si un prestataire disparaît, nous ne voulons pas perdre de la data ou la ressaisir. Nous gardons toutes les données au moins cinq ans ».
Un sprint trimestriel
Le groupe réalise sa gap analysis chaque année. Et il lui faut à Sterne entre 6 et 8 mois pour faire le point sur la définition de nouveaux indicateurs, les évolutions de méthodologie, etc. « Nous le faisons une fois par an, tout comme la création des batchs pour les nouveaux indicateurs, explique le directeur RSE ». Dès le début de l'année, le groupe réalise une précollecte des données, et la collecte proprement dite à partir d'avril, pour une finalisation des indicateurs dès septembre. « C'est une forme de sprint itératif trimestriel, en quelques sortes. Si la data ne remonte pas bien, je vais voir la DSI. Nous trouvons une solution, et nous recommençons le processus ».
Lors de la préparation de son premier rapport en 2023, le groupe a par exemple constaté des disparités de compréhension d'indicateurs, sur lesquelles il est revenu en arrière ou qu'il a corrigées. « Certains pays avaient un turnover très élevé, par exemple, raconte Loïc Chavaroche. Nous avons dialogué avec les équipes locales, et nous nous sommes aperçus qu'elles comptaient les CDD et les intérimaires. Il a fallu retravailler la data pour correspondre à la formule juste ». Le directeur RSE donne également l'exemple d'indicateurs qui diffèrent d'un pays à l'autre et se révèlent très difficiles à comparer. « Certains indicateurs comme la fréquence et le taux de gravité des accidents sont très complexes à calculer et à comparer. Nous comparions des taux qui n'étaient pas comparables. Sur un autre sujet, l'Allemagne recense les hommes, les , mais aussi les personnes non genrées. Nous n'avons pas le droit.».
S'inspirer d'analyses extérieures
Pour faire évoluer son reporting, le directeur RSE du groupe Sterne s'appuie aussi sur des analyses extérieures de retours d'expérience comme ceux de l'ANC (autorité des normes comptables) ou de l'Efrag (European Financial Reporting Advisory Group). Loïc Chavaroche est présent au Collège d'experts de l'ANC sur les normes sectorielles du transport et est intervenu sur le sujet de la CSRD en tant que représentant de TLF (Union des Entreprises Transport et Logistique de France) au sein de l'Efrag dont il copréside un comité technique avec son homologue de chez Geodis. L'Efrag porte la perspective européenne dans le développement des normes comptables IRFS et travaille sur les standards de reporting RSE.
Enfin, deux facteurs principaux ont malgré tout empêché Sterne de compléter ses rapports en totale conformité avec la CSRD. D'une part, l'absence de certaines notes techniques dans la directive au moment de la rédaction du document, d'autre part, l'intégration des données du spécialiste allemand de la livraison express de nuit Nox NachtExpress que l'entreprise a acquis en février 2022. Mais comme le précise son communiqué, le groupe a réussi à fournir néanmoins « une photographie très réaliste de son impact avec un périmètre du reporting 2023 qui couvre 88,1 % du chiffre d'affaires consolidé fin 2023 et 92,1 % de l'effectif en fin de période ».
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Article rédigé par
Emmanuelle Delsol, Journaliste
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