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Sébastien Henry (RTE) : « la transformation numérique est directement couplée à la transition énergétique »

Sébastien Henry, DSIT de RTE, va recruter une centaine de collaborateurs dans les dix-huit mois à venir (photo Bruno Lévy).

Venu de la R&D, Sébastien Henry est directeur des systèmes d'information et des télécoms de RTE où il déploie un nouveau coeur digital.

PublicitéCIO : Pouvez-vous d'abord nous présenter RTE et nous situer vos responsabilités ?
Sébastien Henry : « En quelques phrases, RTE, Réseau de transport d'électricité, assure le lien entre les centres de consommation et de production électrique. Nous devons garantir l'équilibre du système électrique, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Une activité où il faut surveiller en permanence 105 000 km de lignes et 2 700 postes électriques.
Dans cette organisation, la DSIT, direction des systèmes d'information et des télécoms, crée les nouvelles solutions numériques et exploite les infrastructures associées. Elle dispose d'un système d'information industriel pour conduire en temps réel le trafic électrique et les échanges en fonction du marché, et d'un système d'information d'entreprise pour les ressources humaines ou les finances. Figurent dans le périmètre les infrastructures associées, comme les datacenters ou les réseaux de télécommunications avec 20 000 km de liaisons sen fibre optique.

CIO : Que signifie pour vous la transformation numérique ?
Sébastien Henry : Elle est directement couplée à la transition énergétique. Pour une raison très simple, les modes de production évoluent, avec par exemple les énergies renouvelables, ainsi que les modes de consommation électriques, liés aux nouveaux usages comme les véhicules électriques. Le réseau physique va suivre cette évolution. Le système d'information est là pour gérer ce réseau, en rendant le système plus agile.
Je vais donner un exemple de projet qui montre bien ce couplage entre transformation numérique et transition énergétique, celui d'Apogée, une intelligence artificielle qui permet d'optimiser la gestion des flux d'électricité circulant sur le réseau. On va la déployer dans nos dispatchings, les centres de pilotage du réseau électrique, où nos agents travaillent aujourd'hui devant une dizaine d'écrans. La transition énergétique va entraîner l'arrivée de nouveaux moyens de production sur le système dépendants du soleil et du vent produisant donc une énergie intermittente. Nous devons également prendre en compte les nouveaux modes de consommation.
Comme nous avons des capacités limitées sur nos lignes, la gestion des flux électriques doit être optimisée. Nous installons des capteurs sur des centaines de lignes, qui font remonter de plus en plus d'informations. Pour aider les opérateurs dans les dispatchings, Apogée propose un système de pilotage automatique. Grâce à une technologie d'intelligence artificielle, elle permet d'alerter et d'aider les opérateurs. Ils pourront ainsi assurer le lien entre les nouvelles productions et les nouvelles formes de consommation en gérant le trafic sur le réseau avec des moyens d'alertes innovants.
Nous réalisons Apogée en interne. D'ici 2020, nous devons nous renforcer pour développer de tels systèmes numériques. Une centaine de collaborateurs supplémentaires sont en cours de recrutement, dans les 18 mois à venir, pour concevoir et développer nos systèmes digitaux. La DSIT représente actuellement 400 collaborateurs.

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CIO : Comment répondez-vous aux demandes internes ?
Sébastien Henry : Les demandes internes viennent de plusieurs sources : les métiers spécifiques de RTE comme le pilotage temps réel du réseau ou la maintenance des infrastructures électriques. De nouveaux usages transverses arrivent aussi, en ressources humaines, dans le commercial ou les achats. En fonction de ces différentes sources de demandes, nous établissons la feuille de route des systèmes d'information, avec une implication de plus en plus forte des métiers dans nos projets. Elle se traduit par des développements en mode agile et de nouveaux modes d'interactions avec les utilisateurs.
Dans cette évolution, les frontières entre les systèmes d'information et les métiers doivent s'effacer. La transformation numérique implique de travailler à partir des besoins des métiers et des utilisateurs.

CIO : Quel est votre rôle dans l'amélioration de la relation utilisateurs ?
Sébastien Henry : La mobilité doit devenir un standard pour nos utilisateurs. Ils disposent d'une offre d'équipements IT correspondante avec des PC portables, des smartphones, des tablettes pour les interventions terrain. Nous allons déployer des solutions de type réalité augmentée et assistance à distance pour les personnels travaillant sur nos chantiers. Nous allons également regrouper plusieurs implantations parisiennes actuelles dans une nouvelle tour à La Défense au cours du deuxième semestre 2018. Des offres de mobilité accompagneront le déménagement, de nouveaux espaces de travail ou de rencontres seront proposés.

CIO : Et dans celle des clients externes ?
Sébastien Henry : Ils sont au nombre de 500, de gros consommateurs d'électricité avec de forts besoin en puissance, des producteurs d'électricité, des distributeurs.... Nous rénovons nos systèmes clients, un projet emblématique. Il comprend le déploiement d'une nouvelle gamme de compteurs électriques sur IP, qui permettront à ces gros consommateurs, de suivre l'état de leur consommation en quasi temps réel. Nous sommes en phase de montée en charge, avec le déploiement en cours de 8 000 compteurs sur nos systèmes.

CIO : Sur quels nouveaux sujets technologiques travaillez-vous ?
Sébastien Henry : L'agilité est très présente, avec le DevOps ou Scrum, qui permettent d'entamer des cycles de développement plus rapides avec les utilisateurs. Nous cherchons à généraliser ces approches. Le traitement de la donnée est l'autre grand sujet. Nous avons ouvert des espaces open data externes. Nous sommes présents sur les plateformes nationales, mises en oeuvre par l'Etat, où l'on donne accès aux données sur le fonctionnement du système. En temps réel, l'app Eco2Mix permet à chacun de nos concitoyens de connaître la consommation et la production en France ou dans sa région à l'instant « T ». L'open data interne assure une forme de décloisonnement de nos SI pour offrir de nouveaux services à nos salariés. L'« apéisation » de notre SI est également au menu.
Côté IoT, nous comptons aujourd'hui des dizaines de milliers de capteurs mais peu de capteur IoT comme on l'entend généralement. On travaille donc avec des industriels partenaires sur de nouveaux types de capteurs, ils permettront de surveiller notamment nos disjoncteurs et nos sectionneurs.
De manière générale, nous encourageons les innovations. Une structure interne permet d'accompagner nos utilisateurs, en détectant leurs bonnes idées, y compris celles autrefois cachées dans le shadow IT, et en accompagnant l'incubation de projets technologiques.

CIO : De quel type de cloud est équipé RTE ?
Sébastien Henry : Chez RTE, Il est de type privé pour la quasi-totalité de nos usages. Nous restons ouverts pour le futur. Nous avons une particularité, nos datacenters sont récents, deux ans seulement, avec des technologies à l'état de l'art. Nous gardons un peu de cloud public pour certains projets d'innovation ou de recherche. Mais le cloud reste évidemment un sujet particulier étant donné la criticité de nos équipements pour le pays.

CIO : Comment se présente votre budget d'investissements, quelle a été son évolution ?
Sébastien Henry : Les investissements chez RTE sont très forts pour accompagner nos projets IT. Le budget d'investissement a doublé ces quatre dernières années, on va rester sur cette tendance. C'est 145 millions d'euros d'investissements par an. Dans le même temps, on assure une stabilité des couts d'utilisation du SI.