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René Deist (Faurecia) : « La Blockchain est une révolution plus grande que l'IA »

René Deist (Faurecia) : « La Blockchain est une révolution plus grande que l'IA »
Pour René Deist, DSI et Digital Transformer de Faurecia, tout doit être agile.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°161 !
La transformation numérique n'est pas un vain mot

La transformation numérique n'est pas un vain mot

Mettre l'IT au service du business, assurer l'alignement stratégique de l'informatique, mettre en oeuvre une gouvernance IT alignée sur le business... Vous avez entendu mille fois ce genre d'injonctions. Même si celles-ci peuvent paraître surannées, elles n'en demeurent pas moins des nécessités....

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René Deist est un passionné de l'IT. Au sein de Faurecia, le DSI et les opérations mènent la délicate tâche d'accélérer la transformation digitale de l'équipementier automobile. IoT, big data, IA, edge computing et blockchain sont des défis à relever pour le DSI afin de préparer l'avenir.

PublicitéCIO : Comment est organisé votre DSI ? Est-elle centralisée ou décentralisée ?

René Deist : Quand je suis arrivé il y a un an au sein de la DSI, l'organisation était mature et bien organisée : Infrastructure, IT Operations, Applications Industrielles et pour Services Supports, PLM, Cyber Sécurité.
Etant une société industrielle, il existe des systèmes IT spécifiques, qui mettent en adéquation la demande des clients, les OEM et notre logistique. Il est donc nécessaire de pouvoir créer des logiciels ad hoc. Le reste de l'IT est centralisé avec une forte présence de SAP et Dassault Systèmes.
Dernièrement, nous avons implémenté un système unique SAP à l'ensemble des Centres de Services Partagés nous permettant de gagner en efficacité et en standardisation. J'ai tenu aussi à créer un nouveau département, le « Partenariat Management », au sein de la DSI qui complète notre stratégie DevOps. Cela nous permettra d'accompagner notre bascule dans le cloud, où nous avons de nombreux nouveaux partenaires. Et de répondre à la complexification de nos architectures.
Enfin, la DSI comprend une importante équipe dédiée à l'architecture. Auparavant, l'architecture était vue sur un aspect purement technique, elle est devenue une architecture orientée vers les métiers de l'entreprise pour créer plus de valeurs.

CIO : Avez-vous adapté votre infrastructure IT en conséquence ?

René Deist : Oui, comme mentionné, nous travaillons actuellement à développer DevOPs. Nous suivons notamment la tendance du marché sur l'hyper-convergence pour être plus flexible, plus évolutif et réduire nos coûts. Mais au-delà de cette tendance, il est essentiel de répondre à l'évolution de notre modèle économique. Faurecia travaille par exemple sur le Cockpit du Futur. C'est-à-dire construire les solutions technologiques nécessaires pour que les occupants puissent en toute sécurité utiliser davantage le temps libre procuré par le véhicule autonome et par conséquent mieux interagir avec la voiture. Cela passe par de l'IT, mais aussi par la création de services numériques.
A l'avenir, la gestion de l'infrastructure va continuer à être au coeur de l'IT. En se développant vers les plateformes de services utilisant les API, mais aussi vers la donnée (les flux de données, les outils de big data). Pour s'occuper de cette voie, nous avons recruté un nouveau CDO (Chief Data Officer). Dans le futur, Faurecia créera de plus en plus de modèles économiques en lien avec la data.



CIO : Sur ces aspects de données, vous avez créé un datalake, pouvez-vous nous en dire plus ?

René Deist : Notre architecture est basée sur deux aspects, SAP et un système dédié pour notre production comprenant plus de 1900 outils industriels (PLCs). Les deux sont reliés à un datalake. Nos équipes sont en train de les connecter, ce qui nous permettra de développer des modèles de maintenances prédictifs. Les premiers résultats sont encourageants.

PublicitéCIO : Les machines de production sont donc de plus en plus connectées, faut-il une structure spécifique pour s'en occuper ?

René Deist : Dans la mesure où nous développons le prédictif nous avons besoin de nouvelles compétences, comme l'IA, Big Data et Data Science. Ce qui nous a amené à créer une structure dédiée aux services numériques (Digital Services Factory) permettant aux ingénieurs et aux spécialistes de mieux se comprendre et travailler efficacement ensemble.
Prenons l'exemple de l'IA : quand Faurecia produit un siège de véhicule, des photos sont réalisées et entraînent un modèle de machine learning à base de reconnaissance d'image pour identifier les défauts. Auparavant cette tâche répétitive était dévolue à l'humain, mais l'IA le fait plus rapidement. Une chose est sûre cependant : le monde virtuel a besoin du monde réel.

CIO : Quelles sont les orientations de l'innovation chez Faurecia et quelle est votre réponse en tant que DSI ?

René Deist : Notre agenda sur la digitalisation est cadencé par notre CEO, Patrick Koller, qui est très impliqué dans la transformation du Groupe pour créer plus de valeur. Nous voulons donc mettre en place un environnement propice à ce développement. Le datalake unique apporte aux datascientist la capacité de travailler. Nous avons aussi des équipes qui travaillent sur la création de valeur par exemple sur les sièges connectés intégrant des capteurs. En disposant de ces données et avec le consentement des utilisateurs, nous pouvons proposer des services additionnels aux OEM et aux clients finaux.
Lors du dernier CES à Las Vegas, nous avons démontré plusieurs technologies liées au bien-être. Grâce à l'IA et au Big Data, il est possible d'élaborer des scénarios de conduite, de proposer de l'information au conducteur sur son état de santé (repos, position du dos, température, etc.) et enfin grâce à de l'IA lui proposer des contre-mesures pour améliorer son bien-être.



CIO : Aujourd'hui sur l'IoT, on parle beaucoup du traitement de la donnée au plus proche de l'objet à travers l'edge computing. En faites-vous ?

René Deist : Nous réalisons un POC sur la production d'équipements et plus particulièrement sur de grandes machines à souder des éléments en aluminium. La problématique porte sur la tête de la machine pour obtenir ce que l'on appelle la « golden curve » et avoir une soudure parfaite. Le traitement des données captées nécessite une latence très faible, de l'ordre de la milliseconde. Impossible de faire remonter les informations au cloud, l'edge computing est plus performant dans ce cas-là. Pour traiter localement les données, nous nous servons de Raspberry Pi. Il s'agit pour l'instant d'un test pour avoir des retours sur l'intérêt d'un tel système.

CIO : Dans une tribune postée sur votre compte LinkedIn, vous évoquiez des travaux sur la blockchain. Pourquoi vous vous y intéressez ? Et comment cela se traduit chez Faurecia ?

René Deist : J'ai attentivement étudié la blockchain et je pense que nous assistons à une plus importante révolution que l'IA. Cette dernière apporte de la valeur, de la rapidité, de l'efficience, mais la blockchain apporte surtout un élément essentiel : la confiance. Elle permet de sécuriser les transactions entre deux entités ou entreprises.
Au sein de Faurecia, j'ai créé un jeu avec la blockchain à destination du comité de direction, avec un transfert d'argent pour comprendre la technologie. Ils ont tout de suite vu l'intérêt. Après ce jeu, j'ai demandé à faire un PoC à travers notre Digital Services Factory, en partenariat avec Accenture. Nous avons donc développé notre premier démonstrateur de blockchain et nous en avons parlé avec nos clients (les constructeurs automobiles) et les fournisseurs. Quelques mois après le début du PoC, la demande de participation au test est forte. L'objectif premier est de comprendre la technologie et dans un second temps d'étendre notre savoir-faire. La blockchain peut être adaptée ensuite à la supply chain, mais aussi aux achats.



CIO : L'ensemble de ces différents projets implique-t-il le recours à l'agilité ?

René Deist : Tout doit être agile, mais plus globalement nous sommes inscrits dans un projet de transformation de l'entreprise. Depuis mon arrivée, nous avons modifié l'organisation de l'IT autour de différentes questions : comment faire pour aller vers le cloud, vers l'automatisation ? De quelles compétences avons-nous besoin ? Cette évolution doit nous préparer pour le futur. Il y a encore 5 ans un projet pouvait ne pas être agile, dans le future l'IA va devenir la normalité dans un projet et l'agilité aussi.

CIO : Comment voyez-vous la complémentarité du CIO et du CDO au sein d'une entreprise ?

René Deist : La question ne se pose pas chez Faurecia, car j'occupe les deux fonctions. Plus globalement, sur cette question, je pense que dans le futur CIO et CDO ne doivent faire qu'un. Je ne crois pas à la séparation des deux rôles. En créant deux organisations, il y a moins de synergies et s'il n'y a pas d'harmonisation sur les plateformes, c'est contre-productif.



CIO : Comment voyez-vous le rôle du CIO dans le futur ?

René Deist : Le CIO du futur sera un facilitateur, un accélérateur et passera 80% de son temps à accompagner de nouveaux modèles économiques. Il va permettre à l'ensemble de l'entreprise de créer davantage de valeur. Mon travail de CIO va être aussi d'améliorer les compétences des équipes IT avec le développement de l'automatisation et du machine learning. Il conservera plusieurs voies pour maintenir, créer, développer des solutions IT, mais l'expertise humaine restera un élément fondamentale.

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