Renater dans la tourmente
Depuis un certain temps, le GIP Renater, qui assure des services d'infrastructure IT pour l'enseignement supérieur et la recherche, connaît des difficultés.
Publicité« Le jeudi 3 février 2022 à 13h, s'est tenue une réunion extraordinaire du conseil d'administration du groupement d'intérêt public « réseau national de télécommunications pour la technologie, l'enseignement et la recherche » (GIP Renater), à la demande de ses membres » indique un communiqué de presse du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Cette réunion a abouti au limogeage du directeur général, Eric Durieux. Jean Narvaez (membre de l'IGÉSR, inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche) a été nommé directeur par intérim. Actuellement en arrêt maladie, Eric Durieux a appris l'information par voie de presse. Même le communiqué publié dans la foulée de la réunion du jeudi 3 février 2022 ne lui avait pas été envoyé.
La situation du GIP Renater s'est dégradée au fil de ces dernières années. La nomination d'Eric Durieux, au 1er septembre 2020, visait d'ailleurs à redresser la barre mais la greffe n'a visiblement pas pris. Ce groupement d'intérêt public (GIP) a comme objet de mutualiser des moyens, en l'occurrence au départ d'infrastructures télécoms en lien aussi bien avec les liaisons Internet publiques qu'avec le RIE (réseau interministériel de l'État), au bénéfice de l'enseignement supérieur (universités notamment) et de la recherche (outre les universités, le CNRS et d'autres établissements). De sa mission dérive son nom : Renater, « réseau national de télécommunications pour la technologie, l'enseignement et la recherche ».
Une tourmente ancienne mais faiblement exposée
Contactée par la rédaction, la Cour des Comptes a indiqué n'avoir étudié le GIP Renater que de manière accessoire dans le cadre du tome 2 du rapport public 2020 à l'occasion d'un examen de la politique numérique de l'État. A cette époque, la satisfaction du service par les utilisateurs est jugée excellente et la Cour observe que les infrastructures ne sont, en moyenne, qu'utilisées à 40 %, ce qui est justifié par la nécessité de pouvoir absorber des pics d'usage. A l'inverse, le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'a pas réagi à nos demandes. En avril 2021, l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) a réalisé un audit financier du GIP Renater dont le rapport est disponible en ligne. Peu après, un plan d'action ministériel pour Renater a été lui aussi publié.
PublicitéD'une manière générale, en dehors des cercles de la recherche et de l'enseignement supérieur, la question de Renater et de l'éventuelle défaillance financière ou technique du GIP est restée très confidentielle. Ni la Cour des Comptes, ni l'Inspection des Finances ni aucune autre instance externe ne semblent s'être penchées sur le cas du GIP. Or la problématique est surtout financière selon les informations en notre possession au moment de la rédaction de cet article. A cela s'ajoutent des errements stratégiques et de gouvernance auxquels la nomination d'Eric Durieux devait apporter une solution. Mais l'intervention d'un tiers externe au milieu de la recherche semble avoir été mal acceptée. Eric Durieux était d'ailleurs en arrêt maladie depuis quelques temps suite à la situation très conflictuelle au sein du GIP.
Des errements stratégiques et une dégradation du service
Selon nos informations, ces dernières années ont été marquées, contrairement à ce que la Cour des Comptes avait noté en 2019-2020, par des dégradations assez nettes du service rendu. Si la région parisienne semble avoir été épargnée, des universités de province situées dans des villes moyennes auraient même subi des interruptions de service. Historiquement, Renater était initialement un outil de pure infrastructure. Or, depuis quelques années, le GIP s'était orienté de plus en plus dans une logique de prestations de services applicatifs de type SaaS (vidéoconférence, messagerie...). Mais cette logique, qui peut avoir du sens, aurait nécessité des moyens financiers qui n'étaient pas au rendez-vous, entrainant une remise en cause des fondamentaux, à savoir l'infrastructure.
C'est donc bien la solidité budgétaire du GIP qui est en cause. Des non-paiements de prestations externes auraient été à la source des interruptions et des dégradations observées. La réforme budgétaire et la soumission du GIP aux règles de la GBCP (gestion budgétaire et comptable publique) n'ont pas arrangé les choses. L'IGÉSR relevait ainsi dans son rapport d'audit « une indigence des outils de pilotage et de suivi des conventions [contrats de services rendus] comme des procédures de gestion ». Fautes d'être facturés, certains établissements ne payaient évidemment pas leur contribution normale (privant de fait Renater de moyens) et, soudain, se retrouvaient redevables d'arriérés de parfois plusieurs années, générant des difficultés dans leur propre exécution budgétaire. Parmi les étonnements de l'IGÉSR, remarquons la forte croissance de la masse salariale du GIP (+39 % depuis 2018), les innombrables secours financiers apportés et une situation économique qui restait profondément dégradée.
Nous reviendrons ultérieurement plus en détail sur la situation du GIP Renater.
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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