Réalités virtuelles et nouveaux boutons
De la réalité virtuelle à la virtualisation de la réalité : la boucle semble bouclée. Après les projets dans les réalités virtuelles, les géants du numériques lancent des projets de boutons connectés pour numériser une relation physique. La mise en oeuvre de ces dispositifs est liée à la transformation numérique des entreprises.
PublicitéChanger le monde ou le regard qu'on lui porte ? La réalité virtuelle serait en marche. Les images virtuelles remplissent de plus en plus notre monde réel, même si elles sont déchargées de leur vérité première, mais elles stimulent l'imaginaire et rendent en quelque sorte plus 'désirable' une réalité qui semble s'affadir.
Mais d'autres réalités bien réelles sont déjà à notre disposition. Il s'agit par exemple des boutons physiques qui se multiplient autour de nous. Petit objet fait pour fermer les vêtements, le bouton était jusqu'ici un objet courant sans valeur. Depuis que le premier réseau social mondial a mis à la disposition de plus d'un milliard de membres au niveau planétaire le bouton « J'aime », la nouvelle « guerre des boutons » a commencé. Bien sûr cette expression nous fait penser à la fameuse comédie de Yves Robert mais la prolifération des boutons connectés a une autre portée : elle peut amplifier le mouvement de conquête du monde.
Il s'agit donc d'une nouvelle « guerre » ... douce, si j'ose dire, c'est-à-dire un rapport de force soft entre l'information et l'homme. En d'autres termes, la valeur co-créée se génère par la manière dont les interfaces réussiront de plus en plus à 'plonger' l'homme dans le monde infini de l'information (Big data). La « machine à valeur » (Matteo Pasquinelli, 2014, dans L'économie de l'attention, sous la direction de Yves Citton, La Découverte) a déjà remplacé la machine à vapeur. Cette valeur s'appuie sur chacun d'entre nous qui devient producteur-consommateur d'informations. Pour l'illustrer à travers les nouveaux boutons, chaque pression de l'usager sur le bouton connecté signe l'évolution d'une cartographie des nécessités et des désirs à l'échelle planétaire, tout cela fondé sur la dynamique de la confiance. Il en sera de même pour la réalité virtuelle et les nouveaux mondes dans lesquels nous passerons de plus en plus de temps, alors que le temps compressé nous indique qu'il faut apprendre à en gagner.
Concernant les boutons connectés, l'argument des marketeurs est la facilitation de la vie de l'usager. La valeur d'usage prend appui sur « une multitude d'applications possibles » par smartphones interposés. Par exemple, une grande marque de la distribution en France diffuse déjà un bouton qui met le client en relation avec un service d'assistance en cas de panne. Autre exemple, pour appeler un taxi rapidement, il suffit d'appuyer sur un autre bouton physique (les réceptionnistes des hôtels seront-ils ravis ainsi que leurs clients ?). Il y a aussi les boutons physiques pour les personnes en difficulté, en situation de risque et qui veulent alerter quelqu'un. Il faut aussi penser aux personnes handicapées, aux personnes âgées, etc. C'est un atout considérable. Le physique et le numérique se marient. Rien ne nous empêche alors d'avoir un bouton à notre porte clé, notre bracelet numérique, notre chaussure de sport complétée par la géolocalisation, etc.
PublicitéLes DSI sont concernées mais pas seulement elles...
Les DSI sont en train de prendre la mesure de ces transformations mais il reste encore un chemin à parcourir, de concert avec les métiers, pour cerner l'ampleur des impacts socio-économico-culturels et structurels sur l'entreprise et la société en général. Big Data sans quoi tout cela ne pourrait se concrétiser pose à la fois des questions au niveau de l'éthique, de l'architecture, de la modélisation et de l'intégration, du droit et de la propriété des contenus, de leur agrégation et stockage, de leur sécurisation, du contrôle et de la prise de décision, etc..
Devant la nuée des mondes virtuels et des boutons et objets connectés qui feront partie de nos vies de plus en plus dématérialisés, le contrôle de nos goûts, nos préférences, nos désirs, nos profils, nos manques, nos urgences se déplace en effet vers des centres d'agrégation de l'information dans lesquels les marketeurs n'auront plus qu'à se servir pour mieux stimuler les pulsions de l'être humain/produit-consommateur.
La numérisation généralisée des services s'appuie sur des visées qui génèrent une vision du monde fort différente de celle d'hier : il suffit d'observer ceux qui font l'éloge du « global growth », du « first to market », etc. Le marketing 'moderne' entre dans son âge d'or et offre aux experts des 'fonctions S.I.' l'incroyable opportunité d'être acteurs de l'expérience client avec de nouvelles modélisations possibles, de nouveaux procédés d'agrégation et de recherche, de nouvelles initiatives auprès de la ligne hiérarchique au plus haut niveau, une créativité stimulée grâce à l'externalisation des outils de capture sémantique et de production d'informations, des idées nouvelles sur le partage de l'information, de nouvelles applications prototypées et de nouvelles relations et interfaces agiles à inventer, urbaniser, implémenter et à gérer.
Byung-Chul Han, qui vient de publier Dans la nuée : réflexions sur le numérique (Actes Sud, 2015) dit à juste titre : « Nous sommes dépassés par le numérique, qui, en deçà de toute décision consciente, modifie de façon déterminante notre comportement, notre perception, notre pensée et notre vie sociale ». Il faudra donc avoir conscience que le numérique peut aussi bien construire que détruire ce que nous avons de plus cher.
Conseils pour un plan d'action avisé : la règle des 5 R
Reconsidérer la question de la valeur à la lumière de ce qui nous est précieux et cher ;
Réenchanter l'entreprise en inventant un modèle de transindividuation qui nous permette de rester maîtres de nos modes de vie ;
Revisiter l'ingénierie des contenus numériques en en mettant « l'humain » au coeur de la transformation numérique et des nouveaux processus métiers afin que l'individu et le collectif ne se dissocient pas mais au contraire se rejoignent autour de leurs intérêts communs ;
Réconcilier la Croissance exponentielle à l'ère de « l' Abundance » en mettant l'information numérique au centre de la stratégie Responsable.
Article rédigé par
Gérard Balantzian, Auteur et conférencier
Pionnier dans le domaine du management et des systèmes d'information depuis 1982, Gérard Balantzian a initié en France le développement des schémas directeurs, de la cogouvernance® et des pratiques coopératives de transformation des systèmes d'information. Il a dirigé pendant plus de 20 ans l'antenne parisienne de l'Université de Technologie de Compiègne (IMI - Institut du Management de l'Information). Conférencier international, il est également auteur de nombreux articles dans la presse spécialisée.
Livres de Gérard Balantzian :
Aux éditions Masson : Les schémas directeurs stratégiques (1982, 1988, 1992) ; L'évaluation des systèmes d'information et de communication (1988) ; Aux Editions d'Organisation : L'avantage coopératif (1997) : Les systèmes d'information : art et pratiques (collectif) en 2002 ; Tableaux de bord pour diriger dans un contexte incertain, (collectif) en 2005 ; Aux éditions Dunod : Le plan de gouvernance du S.I. (2006, 2007, 2011) ; Aux éditions Hermès Lavoisier : Gouvernance de l'information pour l'entreprise numérique (2013).
Gérard Balantzian est Auteur et Conférencier.
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