Pour permettre l'innovation, il faut accepter de l'acheter
Une quinzaine de DSI et de dirigeants d'entreprises ont échangé autour du financement de l'innovation, notamment en terme de logiciels en compagnie de Jacques Attali et de la députée Laure de la Raudière.
PublicitéA l'initiative de l'éditeur de Blu-Age, Netfective, une quinzaine de DSI et de dirigeants d'entreprises ont déjeuné avec Jacques Attali et Laure de la Raudière, Députée d'Eure-et-Loir, Vice-Présidente de la commission des affaires économiques à l'Assemblée Nationale, autour du sujet du financement des entreprises innovantes en général et des éditeurs de logiciels en particulier. Le vrai problème qui a surgi est que l'innovation doit surtout être financée par ceux qui l'achètent mais... acheter une solution innovante est loin d'être naturel. Il a été convenu avec les participants issus d'entreprises qu'il ne soient pas nommés ici afin que leur parole reste libre. Laure de la Raudière, ingénieur télécom et ancienne chef d'entreprise, s'est récemment lancée en politique et nous a accordé une interview vidéo exclusive sur ce sujet. En ouvrant le déjeuner, la députée a regretté que certaines étapes aient été ratées dans le passé, par exemple Alcatel a raté le virage IP, de belles positions dans les bases de données ont été perdues, etc. Malgré tout, investir dans le numérique est un choix intelligent car c'est dans ce secteur qu'est surtout l'innovation aujourd'hui. Aux premières loges du Grand Emprunt, comme elle l'a mentionnée dans son interview vidéo, elle a cependant insisté sur la nécessité pour le Parlement de contrôler le dispositif d'affectation, qui n'est pas encore très clair. Non aux turpitudes des déficits Jacques Attali a appuyé cette démarche car, pour lui, « rien ne serait pire que d'utiliser les 35 milliards du Grand Emprunt à des dépenses que l'on aurait faites de toutes façons et ainsi d'en profiter pour financer mille turpitudes, maquillant ainsi un déficit croissant ». Il a regretté que, dans son rapport sur les 300 décisions pour changer la France, dont les grandes lignes ont inspiré le Grand Emprunt, la partie consacrée au logiciel ait été trop légère. Selon Jacques Attali, en effet, il n'y a pas d'industrie verte ou de neurosciences -par exemple- sans logiciel pour concevoir ou gérer les innovations. Le grand problème qui a fait l'unanimité de la tablée reste qu'il n'y a aucun succès mondial durable et resté indépendant dans l'industrie du logiciel en France (hors Dassault Systèmes qui reste un acteur de niche) et, en dehors de SAP, en Europe. Une représentante d'une grande banque a fustigé la tendance des DSI à défendre les capacités internes face aux éditeurs de progiciels externes, souvent plus innovants. Les DSI refusent ainsi d'être le premier client d'une société innovante et sont presque davantage près à faire confiance à une start-up étrangère qu'à des PME françaises ! Développer un grand volant d'achat auprès de PME innovantes suppose donc un acte fort de volonté de la part de la direction générale. Les français ne savent pas vendre. Vraiment ? Les français ne savent pas vendre. Vraiment ? Autour de la table, une idée reçue classique a ressurgi : les sociétés françaises seraient des « boîtes d'ingénieurs » incapables de vendre en dehors de créneaux super-pointus où les acheteurs jugeront sur la seule technique. Mais un représentant d'une grande administration a contesté cette vision qui est, selon lui, dépassée. Le véritable problème est plutôt d'obtenir des premières références, plutôt sur des petits clients avant de monter vers des clients de plus en plus gros. Une des solutions -actuellement étudiée- serait donc de proposer aux PME innovantes de monter des démonstrateurs technologiques au sein de « labs » tenus par les administrations. Pour les dirigeants de Netfective, cette approche a cependant des limites dans l'informatique car il y a une révolution technique tous les 18 mois et les « petits pas » sont trop lents. L'innovation, pour séduire un décideur, doit être « exotique » : les PME françaises ont donc plus de chances aux Etats-Unis où, par la taille du marché intérieur, la rentabilité de l'investissement commercial est dix fois supérieur à ce qu'il est en France. L'une des aides possibles de l'Etat est simplement la commande publique. S'il n'est pas question de revenir aux plans quinquennaux, des mauvaises pratiques dans les appels d'offres de marchés publics pourraient être supprimées comme l'exigence d'une certaine ancienneté de l'entreprise qui compte davantage que l'innovation. Pour une commande publique favorable à l'innovation Un représentant d'un distributeur a contesté l'aversion au risque des DSI. Les vrais demandes des DSI sont sur le bon fonctionnement, la pérennité, l'adéquation aux besoins, le coût, et la facilité d'installation d'une solution globale. Pour les dirigeants de Netfective, la solution pour répondre à ces attentes tout en innovant est de produire des éléments standardisés. Ainsi, si l'atelier Blu-Age disparaît ou n'est plus maintenu, le code produit reste dans un langage standardisé (Java, PHP ou autre) et peut donc être repris dans un produit concurrent. Mais l'innovation demeure aussi en elle-même un repoussoir : trop de décideurs se refusent à « faire autrement » puisqu'ils « ont toujours fait comme ça ». Une innovation à iso-processus et iso-fonctionnalité n'a aucun intérêt mais emporte beaucoup de risque. Jacques Attali souhaiterait qu'il y ait une véritable gouvernance globale des SI d'Etat, un « tsar de la commande publique » pour justement imposer des voies claires d'innovations au lieu que les rencontres de DSI de l'Etat n'aboutissent qu'à des échanges polis et des constats de différences.
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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