Pour limiter leur impact environnemental, Colas, Meudon et Vinci adoptent un jumeau numérique

À l'occasion de BIM World 2025, Colas Rail, la ville de Meudon et Vinci Construction ont expliqué leurs expérimentations du jumeau numérique pour répondre aux contraintes environnementales.
PublicitéLe jumeau numérique a d'abord creusé son sillon dans l'industrie pour piloter et adapter les processus et les systèmes. Désormais, il fait son chemin dans d'autres organisations telles que les collectivités et sert d'autres objectifs. Il est utilisé pour réduire l'empreinte environnementale, voire pour embarquer les utilisateurs et usagers dans les projets. Et pour cela, il s'appuie entre autres sur le BIM (building information modeling), mais aussi sur les SIG (systèmes d'information géographique).
Et c'est bien pour s'adapter au dérèglement climatique que la ville de Meudon a décidé de réaliser un jumeau de certains de ses espaces urbains, soumis en particulier au phénomène des îlots de chaleur. Au-delà de la simple maquette 3D, la mairie souhaitait un outil de modélisation pour identifier ce type de problèmes, mais aussi pour tester différents scénarios de solutions. « C'est un moyen de résoudre ces questions avec des niveaux d'investissement raisonnables, sans refaire toute la place, a insisté Denis Larghéro, le maire de la commune, présent au salon BIM World 2025, à Paris le 2 avril 2025. C'est essentiel pour une ville de taille moyenne comme la nôtre, qui compte 40 000 habitants ».
Tester la réduction des zones de chaleur
Meudon a lancé un premier projet sur sa place Tony de Graaff où se posent des problèmes de chaleur, mais aussi de circulation des vents et de bourrasques, et de ruissellement des eaux - la place est située en contrebas de la ville. Réalisée en collaboration avec Dassault Systèmes, la modélisation de la place montre l'emplacement et le comportement des îlots de chaleur et la circulation des flux d'air. Des zones rouges pointent, par exemple, des zones de chaleur extrême sur les enrobés de goudron de part et d'autre des emplacements de stationnements qui peuvent monter jusqu'à 85°C, et leur évolution avec les actions prises (870 m2 désimperméabilisés, 9 arbres plantés, etc.). « Dans le jumeau, nous avons non seulement pu comparer l'impact du nombre d'arbres plantés, a détaillé Denis Larghéro, mais même l'influence des essences choisies ».
En bonus, le jumeau s'est révélé un médium de communication et de collaboration avec la population, selon le maire de Meudon. « Cela a, par exemple, permis à certains habitants qui n'avaient pas directement vu la différence après les travaux, de se rendre compte des résultats, en matière de baisse de température notamment ». Le maire de Meudon veut déjà réaliser un jumeau d'une autre de ses places, mais aussi étendre l'expérience à la communauté de communes de 120 000 habitants à laquelle la ville appartient.
Un jumeau sur tout le cycle d'un projet ferroviaire
Chez Colas Rail aussi, jumeau numérique rime avec réduction de l'impact environnemental, mais au travers d'une combinaison avec le BIM et surtout les SIG. Le concepteur d'infrastructures ferroviaires veut réduire son empreinte CO2, avoir davantage recours à l'écoconception, concevoir des systèmes ferroviaires adaptés à l'augmentation du ruissellement des eaux, de la température ou du vent et, enfin, en tant que fabricant d'infrastructures critiques, devenir cyberrésilient. « Et nous devons en même temps, pour répondre à l'engouement pour le train, réduire les délais, augmenter la qualité, améliorer la ponctualité des trains, etc. », a rappelé Erik Gardon, référent BIM CIM & digital engineering de Colas Rail, à BIM World 2025.
PublicitéPour cela, il a fallu adapter un mode de gestion des projets d'infrastructure datant d'une vingtaine d'années, incompatible avec de tels objectifs, et donc modéliser et digitaliser. Colas Rail a choisi de répondre avec un jumeau numérique Dassault Systèmes qui représente et accompagne les systèmes ferroviaires de bout en bout, dès leur conception. « La solution la plus agile et durable, sur tout le cycle de vie, c'était un modèle digital », a insisté Erik Gardon. Le projet s'inscrit qui plus est dans le programme de R&D Minerve financé par le gouvernement dans le cadre du plan France 2030.
La source unique de vérité
Erik Gardon a ajouté : « ce jumeau doit devenir la source unique de vérité », dans le cadre d'un projet. Pour la modélisation, l'entreprise digitalise d'abord l'expression des besoins, souvent sous forme de texte dans un cahier des charges à l'origine. Puis, en s'appuyant sur le BIM, elle décrit les systèmes ferroviaires proprement dits répondant à ces exigences, vus en 4 sous-systèmes (caténaires, signalisation, traction, voies ferrées) décomposés eux-mêmes fonctionnellement et logiquement à différents niveaux de granularité. « Les composants du système ainsi décrits sont ensuite instanciés et donc géoréférencés dans le SIG, a poursuivi Erik Gardon. Nous utilisons la 3D pour les visualiser, puis les modèles sont regroupés dans une même plateforme, et rendus interopérable afin de décrire toute la construction ».
Sur la base du modèle, dans de tels projets de longue durée, Colas Rail peut ensuite mesurer les éléments en cours, corriger les défauts, identifier les risques, prendre des mesures de maintenance, mais aussi tester de nouvelles exigences ou de nouvelles technologies. « Nous élaborons un embryon d'organisation concurrente, avec des revues digitales qui conduisent ensuite à une nouvelle itération », a résumé Erik Gardon.
Des constructions bas carbone, mais au juste prix
Enfin, de son côté Vinci exploite le jumeau numérique pour résoudre une équation qui combine la construction bas carbone, voire très bas carbone exigée par la réglementation, et les prix des logements construits. « On ne peut pas imaginer un logement collectif neuf bas carbone aux prix pratiqués aujourd'hui, a insisté Christophe Allaz, directeur de projet chez Vinci Construction. Le contexte de la construction en France, c'est un foncier rare et cher qui conduit les acteurs à rechercher le moindre m2 constructible, et finalement des bâtiments qui doivent s'adapter à des formes parcellaires atypiques, loin du parfait rectangle. Qui plus est, le modèle de conception est un modèle itératif entre architectes, administrations, collectivités, etc. »
C'est l'industrialisation du processus qui permet selon Christophe Allaz d'arriver à appliquer les nouveaux seuils des normes environnementales du bâtiment sans réel surcoût pour les acquéreurs ou habitants. « Pour nous, cela signifie aller au-delà du BIM vers le jumeau numérique », a expliqué le directeur de projet. Pour lui, le problème du BIM, ce sont les logiciels de CAO architecture insuffisamment stables, qui nécessitent beaucoup d'adaptations vivant ensuite à des vitesses différentes. Ils n'intègrent pas non plus suffisamment le référencement d'éléments comme la tolérance de fabrication ou d'assemblage, ni le cycle de vie des composants. Le résultat est ainsi souvent plus proche d'un design théorique. « Le jumeau numérique avec la plateforme 3D Expérience de Dassault Systèmes intègre un tolérancement au millimètre, relié qui plus est à un PLM, et une gestion de la durée de vie des composants ».
Le test des cloisons, la composante la plus complexe
Pour mettre à l'épreuve le jumeau numérique, Vinci Construction a choisi une des composantes les plus complexes dans un logement, selon Christophe Allaz, en l'occurrence les cloisons. « Tout repose sur les cloisons, a-t-il rappelé. La surface des pièces, les équipements électriques, la plomberie, etc. Or, dans un plan d'architecte sous BIM, une cloison est un simple trait. Avec le jumeau, nous allons quasiment la préfabriquer comme un mécano. Et nous avons terminé ce travail en moins de trois trimestres avec seulement 2 équivalents temps plein ». Vinci va maintenant intégrer les plaques de plâtre, la faïence des murs et le carrelage au sol dans son jumeau d'ici à 6 mois. « Et c'est beaucoup plus simple que le contexte normatif des cloisons ! ».
« Bien sûr, Catia et la 3D nous coûtent plus cher, en particulier parce que chez Vinci nous sommes organisés en PME, avec des budgets de PME, a conclu le directeur de projet de Vinci Construction. Mais la puissance de l'outil en vaut la peine. Et nous avons de vrais échanges avec la R&D construction qui nous challenge là où nous ne serions pas allés, parce que ce type de solution était jusqu'à présent plutôt réservée à l'aéronautique ou à l'automobile ».
Article rédigé par

Emmanuelle Delsol, Journaliste
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