Stratégie

PostNord, quand les services postaux nordiques se muent en entreprise logistique

PostNord, quand les services postaux nordiques se muent en entreprise logistique
La siège de PostNord, à Solna en Suède. L’entreprise, qui emploie quelque 26 700 personnes, a vu le nombre de lettres acheminées en Suède et au Danemark être divisé par 3 entre 2009 et 2022. (Photo : Holger Ellgaard, CC BY-SA 3.0)

Hier service postal, aujourd'hui de plus en plus prestataire pour le e-commerce et la logistique, le Scandinve PostNord doit repenser ses systèmes d'information pour s'adapter à cette nouvelle donne.

PublicitéLa numérisation modifie les modèles économiques des services postaux dans tous les pays. En France évidemment. Mais aussi dans les pays nordiques, où PostNord, fusion des postes en Suède et au Danemark, observe une réduction continue du nombre de lettres envoyées, en lien avec la numérisation croissante des relations interpersonnelles et des activités économiques. Depuis plus de 20 ans, le volume de lettres a chuté de 65 %, les tournées des facteurs n'ont désormais plus lieu qu'un jour sur deux. En revanche, la croissance du commerce électronique a entraîné une augmentation exponentielle du nombre de colis.

« Nous sommes passés d'une entreprise postale qui gérait également des colis, à une entreprise de colis, qui gère également du courrier. Or, le parcours du client pour les colis est essentiellement numérique et il doit être sans friction », explique Jörgen Hellberg, DSI de PostNord. L'entreprise détenue à 60% par la Suède et à 40% par le Danemark, traite 245 millions de colis par an.

Repenser la plateforme de production

Outre la réduction des coûts et la recherche de gains d'efficacité, la stratégie de PostNord consiste à s'imposer sur le marché très concurrentiel des colis. L'une des transformations clef au service de ces ambitions est d'ordre technique et consiste à mettre en place une plate-forme de production entièrement nouvelle.

« Lorsque j'ai rejoint l'entreprise il y a trois ans, nous nous sommes retrouvés avec un paysage informatique propriétaire très fragmenté, composé de nombreux systèmes spécifiques construits en interne, ainsi qu'avec une diversité de systèmes dans les quatre pays où nous sommes présents : Suède, Danemark, Norvège et Finlande, explique le DSI. Nous nous sommes donc penchés sur ce que nous achetions et sur ce que nous développions par nous-mêmes. »

Cette remise à plat aboutit à un principe : privilégier l'achat de produits du marché lorsque c'est possible et développer des composants en interne uniquement lorsqu'ils ne sont pas disponibles. Sans oublier de mettre l'accent sur la mutualisation des systèmes entre les pays nordiques. « Si un système est meilleur en Norvège, mais qu'un autre fonctionne mieux dans l'ensemble de la région nordique, nous choisissons toujours celui qui profite à l'ensemble de la région », tranche Jörgen Hellberg.

L'agile revisité

Une autre transformation majeure consiste à introduire l'approche agile dans l'ensemble de l'organisation. Mais Jörgen Hellberg se veut pragmatique : la façon dont on aborde les tâches importe plus que le sens des méthodes elles-mêmes. « Pour moi, l'agilité n'est pas un outil ou un processus, mais une approche, explique-t-il. Vous pouvez être agile avec des projets adoptant un cycle en V : il s'agit de raccourcir les délais d'exécution, de passer par du prototypage, de livrer rapidement une première version pour tester une hypothèse, puis de construire à partir de là. »

PublicitéLe fait de travailler sans deadline ne fait pas partie de l'approche agile à laquelle le DSI souscrit. « Cela ne fonctionne pas pour une entreprise. Il faut être en mesure d'établir un planning qui permette de savoir quand les différentes étapes du projet s'achèvent. Je pense qu'en cours de route, dans trois ou quatre ans, nous verrons que nous travaillons de manière agile en nous appuyant plus ou moins sur des méthodes, mais d'une manière qui nous convient. »

Parallèlement, l'entreprise procède également à une autre transformation métier majeure, qui consiste à développer des emballages communs pour ses différents marchés. « Et nous devons réussir toutes ces transformations en même temps », souligne Jörgen Hellberg.

Mise en place d'une plateforme de données

La qualité des données auxquelles le DSI et son équipe peuvent accéder est essentielle à la réussite de toutes ces initiatives. « Les données sont peut-être le domaine dans lequel nous avons le plus progressé, dit Jörgen Hellberg. Nous avons mis en place une plateforme de données, une équipe centrale solide et un centre d'excellence en matière d'analytics. Nous disposons également d'équipes chargées des données et de l'analyse pour soutenir nos différents métiers. La plateforme étant désormais en place, nous apportons des données en fonction des différents cas d'utilisation dans l'entreprise. »


Jörgen Hellberg, DSI de PostNord : « L'innovation la plus importante est celle qui a lieu tous les jours, lorsque nous rendons les processus un tout petit peu plus intelligents. » (Photo : Karin Lindström)

L'un des défis à relever est d'identifier les domaines qui seront d'actualité à l'avenir afin de prendre de l'avance dans la collecte de données pertinentes. « Quel est le type de données dont nous avons besoin aujourd'hui et celui dont nous aurons besoin plus tard, et comment les données sont-elles produites ? Lorsque nous parvenons à le définir, nous devons modifier le processus de production pour consolider cette source, car les données de qualité sont l'un des actifs les plus précieux des entreprises. »

Se concentrer sur la solution la plus simple

Au milieu de tous ces chantiers, la question pour le DSI consiste à savoir comment gérer l'innovation et tester les nouvelles technologies. Jörgen Hellberg souligne tout d'abord que de nombreuses personnes commencent par le mauvais bout : l'outil et ce qu'il permet de faire. Il est préférable de partir des problèmes à résoudre ou de voir comment exploiter les opportunités qui se présentent. « Il s'agit ensuite de trouver la méthode la plus simple, juge-t-il. Il peut s'agir d'un papier et d'un crayon, d'Excel ou du Machine Learning. Il faut utiliser ce qui est le plus facile. Et s'il s'agit d'IA, nous devons d'abord bien la comprendre pour pouvoir l'utiliser correctement. »

Parmi ses usages innovants de la technologie, PostNord exploite une solution permettant de surveiller le degré de remplissage des camions, à l'aide de caméras de surveillance et d'un jumeau numérique utilisé dans un terminal de tri pour simuler les flux et leurs modifications fréquentes.

Même si la DSI de PostNord se réunit une fois par an pour tester des idées et faire preuve de créativité, Jörgen Hellberg estime qu'il est surtout essentiel de maintenir une culture permanente de l'innovation. « L'innovation la plus importante est celle qui a lieu tous les jours, lorsque nous rendons les processus un tout petit peu plus intelligents. C'est ce qui se passe au quotidien dans la relation entre les métiers et l'IT, entre l'entrepôt et nos spécialistes. Il ne s'agit pas d'imaginer des projets miracles. »

Une culture de la sécurité

PostNord étant une entreprise socialement critique, elle se sent donc exposée à la montée des cybermenaces. « Nous sommes conscients d'être très visibles en tant qu'entreprise, souligne le DSI. Nous avons une grande surface d'exposition au monde extérieur. »

Outre la protection contre les attaques elles-mêmes, le DSI met l'accent sur la restauration des systèmes. « En combien de temps pouvons-nous remonter nos systèmes et limiter les dégâts ? » Une mission essentielle pour une entreprise qui s'inscrit dans le long terme. « Notre PDG dit que nous existons depuis 400 ans et que ce que nous faisons maintenant, nous le faisons pour exister encore 400 ans », résume Jörgen Hellberg.

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