Philippe Rouaud (France Télévisions) : « sécurité et coût sont des points de vigilance dans l'adoption du cloud public »


Innovation et agilité : les clés d'une DSI efficace
Les DSI doivent innover tout en assurant le fonctionnement efficient du quotidien. Ce paradoxe n'a rien de nouveau en lui même mais il s'accentue au fil du temps. Surtout, il touche désormais toutes les organisations, y compris les plus grandes structures publiques ou parapubliques. Démonstration...
DécouvrirPhilippe Rouaud, DSI et Innovation - Développements de France Télévisions, est en charge des systèmes communs et back-office du groupe audiovisuel. S'il sert les évolutions numériques destinées au grand public, son enjeu est aujourd'hui plutôt du côté du cloud, y compris avec une bascule prochaine de l'ERP en mode SaaS. La délinéarisation de la consommation audiovisuelle a bien sûr des impacts sur le système d'information.
PublicitéCIO : Comment s'organise la DSI du groupe France Télévisions et de ses chaînes ?
Philippe Rouaud : A l'exception de France Télévisions Publicité qui est totalement à part, la DSI de France Télévisions s'occupe de l'ensemble du groupe pour les socles (notamment d'infrastructures), la bureautique (y compris la messagerie) et les outils transverses. Ainsi, nous sommes en charge du réseau, des datacenters, du passage au cloud, etc. Côté applications, nous nous occupons de l'ERP (Oracle Business Suite), du SIRH, des outils de mobilités comme le mobile device management, l'enrôlement des terminaux et le store applicatif sous WSO2. Nous sommes en train d'achever une réorganisation. Désormais, en tant que DSI, je rapporte au Directeur des Technologies. A côté de la DSI groupe dont je m'occupe, il y a deux « DSI métiers ».
Tout d'abord, la média-factory va générer toute la vie des programmes jusqu'à la diffusion linéaire [sur une antenne d'une chaîne, NDLR] et/ou non-linéaire [en VoD, NDLR]. Auparavant, une partie du numérique était gérée au sein de la DSI groupe.
Le département Ingénierie & Process a, lui, en charge les solutions de broadcast, de montage et de production. Elle gère par exemple les outils tels que la suite Adobe. Par contre, l'hébergement des vidéos est sur des infrastructures gérées par la DSI groupe. Il existe également des entités techniques pour la diffusion.
CIO : Pourquoi y-a-t-il eu une telle réorganisation ?
Philippe Rouaud : Parce que la dimension projet doit l'emporter sur celle de la structure hiérarchique. Nous avons bien sûr besoin d'un socle et d'infrastructures mais, pour le reste, nous rapprochons autant que possible IT et métiers. Nous avons la volonté d'aplatir l'organigramme au maximum.
CIO : Par votre activité, vous êtes amenés à échanger des données avec de nombreux partenaires, notamment l'INA. Comment procédez-vous ?
Philippe Rouaud : Ce n'est pas très complexe. L'INA est un simple dépôt légal. Nous disposons donc d'outils pour déverser les vidéos avec leurs métadonnées. Les six entités de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, Arte, INA, France Médias Monde et TV5 Monde - Voir encadré) essayent cependant de travailler ensemble.
CIO : Comment se traduit cette collaboration des six entités de l'audiovisuel public, voire avec d'autres partenaires ?
Philippe Rouaud : La création de France Info Télévision et de France Info Numérique est un premier exemple de collaboration métier, bien sûr avec des implications IT comme le partage de données. Suite à des difficultés au sein de TV5 Monde, nous avons aussi créé un SOC [Security Operations Center, centre opérationnel de sécurité, NDLR] commun avec eux et France Media Monde.
Une autre collaboration importante est celle avec l'UER (l'Eurovision) [Voir encadré]. Nous échangeons bien sûr des données et des programmes. Et nous avons surtout des travaux en commun sur des normalisations ainsi que des actions de recherche et développement : TNT UHD, text2speech avec traduction simultanée automatique (pour interviews terrains en zone étrangère), formats de fichiers, formats d'échanges...
PublicitéCIO : Puisque vous êtes en charge des infrastructures, avez-vous basculé vers le cloud public en tout ou partie ?
Philippe Rouaud : Nous disposons de deux datacenters sur notre site principal et d'un datacenter de secours chez un tiers. S'ils sont tous globalement virtualisés, nous ne pouvons pas encore dire qu'ils sont totalement cloudifiés, avec orchestration et industrialisation. Nous travaillons sur une administration multicloud pour pouvoir mixer notre futur cloud privé et du cloud public.
Nous voulons aller vers du cloud public de manière raisonnée. Sécurité et coût sont en effet des points de vigilance dans l'adoption du cloud public. La bureautique et la messagerie Exchange sont ainsi sur du Microsoft Exchange on premise. Mais le stockage pourrait déborder sur le cloud public, pourvu que nous chiffrions les données avec des clés que nous gardions en interne.
CIO : Et côté applicatifs ?
Philippe Rouaud : Nous avons ici ou là de petites solutions SaaS, par exemple sur la fonction finances. Nous avons actuellement un ERP Oracle Business Suite on premise mais nous devrions prochainement lancer un appel d'offres pour passer à une solution SaaS. l'idée est clairement de migrer pour adopter un outil le plus standard possible, en supprimant les spécifiques qui n'apportent rien mais coûtent cher en maintenance.
CIO : Quelles sont les conséquences pour vous de la numérisation de l'audiovisuel ?
Philippe Rouaud : Tout est déjà numérique pour la production depuis longtemps. Les enjeux actuels sont la consommation numérique et, ce qui en est une conséquence, la délinéarisation, c'est à dire la consommation individualisée à la demande. Cela dit, n'oublions pas que le volume de consommation audiovisuelle via le canal traditionnel de la télévision reste très élevé.
Mais l'idée est de s'adresser à tous les publics en collant à leurs demandes. Nous avons une bonne part de marché sur les enfants et sur les adultes avec la télévision classique. La consommation numérique délinéarisée permet de mieux conquérir un public particulier, celui des jeunes adultes qui ne regardent plus la télévision de la même façon. France Télévisions et France Info doivent ainsi être accessibles via le web, une app ou au travers des box de FAI.
La vraie évolution, qui justifie notre réorganisation, est que le programme audiovisuel devient le coeur de l'activité métier. Une fois produit, le programme emprunte un et/ou l'autre canal de diffusion : télévision classique, VoD, etc. Jadis, au contraire, le numérique était juste un « replay », autrement dit un produit dérivé de la diffusion linéaire. Désormais nous achetons les droits sur la diffusion numérique quand nous achetons un programme, et la diffusion numérique peut même être la première. Les flux sont donc gérés de manière unique.
Parfois, nous créons malgré tout des programmes plus dédiés à une plate-forme numérique telle que Slash, avec des formats plus courts, destinés à une consommation en mobilité. La plate-forme est gérée et développée par la Direction du Numérique dans la média-factory, pas par la DSI comme je l'expliquais plus tôt. Et, le cas échéant, la diffusion peut reposer sur des acteurs tiers tels que Akamai.
Le replay des boxes de FAI fonctionne avec un stockage chez les FAI. Les flux linéaires passant par les boxes sont également gérés par les FAI, parfois même avec un réencodage assurés par eux.
Si la haute-définition TVHD est aujourd'hui généralisée, la diffusion broadcast en 4K pose des problèmes de disponibilité de bandes de fréquences suffisantes.
CIO : Du coup, quels sont les défis qu'il vous reste à relever ?
Philippe Rouaud : Le premier est bien sûr la mise en place raisonnée du cloud, quand il y a du sens à le faire. C'est typiquement le cas lorsque cela permet un time-to-market plus important avec une forte valeur ajoutée pour l'utilisateur. Malgré l'absence de contrats très agiles au niveau coût, nous devons développer la scalabilité et la réactivité grâce au cloud. Typiquement, les contrats vraiment agiles sont beaucoup trop coûteux par rapport à des contrats nécessitant des engagements à longue échéance.
En lien avec l'adoption du cloud, il y a celle du SaaS. Celle-ci vise notamment à supprimer les spécifiques trop lourds et sans valeur ajoutée.
On en arrive au défi majeur qu'est une baisse globale des coûts pour tout France Télévisions. Cela passe par une révision des process de back-office comme des process métiers, pour être plus qualitatifs et productifs, grâce à de nouveaux outils. C'est aussi vrai pour les outils à usage interne tels que le portail SIRH qui va être revu pour être accessible en mobilité avec plus de services (congés, opportunités de postes, etc.).
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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