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Paul Lavoquet (DSI Auchan) : « l'approche FinOps permet un retour sur investissement clair du passage au cloud »

Paul Lavoquet (DSI Auchan) : « l'approche FinOps permet un retour sur investissement clair du passage au cloud »
Paul Lavoquet a été nommé DSI de Auchan Retail France en 2020.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°192 !
Infrastructures comme applicatifs nécessitent un pilotage fort

Infrastructures comme applicatifs nécessitent un pilotage fort

Le numérique est au coeur de l'activité des entreprises, soit. Il créé de la valeur, soit. Mais il coûte également cher. Et un retard ou une faille de sécurité peuvent être générateurs de bien des difficultés et des ennuis. Il en résulte le besoin de piloter avec rigueur tant les projets que la...

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Nommé DSI de Auchan Retail France en 2020, Paul Lavoquet détaille ici la situation des SI de l'enseigne de grande distribution et ses grands défis actuels. La crise sanitaire a eu un impact considérable qui vient renforcer des tendances lourdes. L'accélération digitale s'impose au groupe comme à de nombreuses autres entreprises.

PublicitéCIO : Vous êtes DSI de Auchan Retail France. Quels sont vos liens, au niveau IT, avec le groupe Auchan dans sa globalité ? Comment se caractérise votre SI ?

Paul Lavoquet : Au sein du groupe Auchan, il y a une très grande autonomie accordée à chaque pays même s'il y a une stratégie de convergence autour de solutions répliquées sur des chaînes de valeurs baptisées « diamants ». Il s'agit par exemple du commerce (chaîne marchandise, de l'approvisionnement à la mise en rayon), du client (encaissement, fidélité...), de la data, du digital (e-commerce, click&collect, approche « hyper-plateforme »...)...
Mais les pays ont chacun leurs priorités. Avec la nouvelle gouvernance du groupe mise en oeuvre récemment, chaque pays a reçu une plus grande autonomie. La question des solutions communes est donc de nouveau posée et pas encore tranchée.
Nous avons environ 600 applications métier issues de décennies de construction IT. La logique était de construire des solutions par univers car chacun a ses règles de gestion, ses partenaires, etc. Actuellement, nous cherchons à rationaliser cet ensemble. Certains modules de notre SI sont déjà communs, comme la comptabilité sous Oracle par exemple, mais nous n'avons pas de véritable coeur ERP.

CIO : Vous avez adopté la bureautique en SaaS de Google depuis plusieurs années. Quelle est aujourd'hui votre position vis-à-vis du cloud ?

Paul Lavoquet : Effectivement, nous utilisons la Gsuite pour la messagerie, le collaboratif, etc. Nous avons aussi Salesforce dans notre SI. Et puis rien n'interdit de développer chez soi et d'héberger dans le cloud. C'est ce que nous faisons. Dans la plupart des cas, nous avons transféré chez OVH, Azure ou Google nos applications. Nous obtenons ainsi de la sécurité et de la disponibilité.
Nous sommes en train de replateformer nos applications pour bénéficier des avantages du cloud au-delà. Bien évidemment, nous travaillons aussi avec des acteurs tiers pour bénéficier d'applications cloud-based, typiquement Google ou Salesforce.

CIO : Lorsque l'on fait du lift&shift comme cela, il est couramment dit que le cloud coûte plus cher et que cela doit être temporaire. Quel est votre bilan de l'usage du cloud ?

Paul Lavoquet : Pour atteindre les niveaux de sécurité et de disponibilité que nous avons aujourd'hui, il aurait fallu investir lourdement. Et il y aurait donc eu un coût considérable pour réaliser une mise à niveau. Avec le cloud, nous avons des niveaux de performance et de sécurité supérieurs et, en plus, nous avons une élasticité qui nous nous permet de nous adapter au volume de data qui s'accroît. Si on suit bien les coûts avec l'approche FinOps, cela permet un retour sur investissement clair du passage au cloud. Aujourd'hui, par rapport à ce qui aurait été nécessaire on premise, nous sommes à un coût équivalent mais un niveau de service supérieur.

PublicitéCIO : Nous vivons depuis plus d'un an une crise sanitaire majeure. Quel en a été l'effet sur vos clients et sur l'expérience clients ?

Paul Lavoquet : Nous avons constaté une accélération de la croissance du format Drive qui n'a pas compensé la baisse des revenus des hypermarchés tandis que les supermarchés ont poursuivi leur croissance. La crise a finalement accéléré la transformation des comportements même s'il y a eu plusieurs phases avec des effets très différents selon les ouvertures variables de magasins, de rayons ou de galeries marchandes.
Nous avons, de notre côté, accéléré le développement du click&collect pour écouler les stocks, donc par picking dans les rayons des magasins physiques. Faute de logiciels dédiés pour l'optimiser, le picking a été traité essentiellement manuellement.
Pour 2021, nous avons une stratégie très agressive sur l'optimisation du click&collect et l'unification des plates-formes alimentaire et non-alimentaire.

CIO : Et, pour vous qui utilisez déjà largement des solutions dans le cloud, quel a été l'impact sur votre fonctionnement interne ?

Paul Lavoquet : Rien de particulier pour les personnels de terrain, bien sûr. Concernant les fonctions support, nous avons ajusté les capacités réseau, le VPN, etc. Comme vous pouvez le constater, il n'y a eu aucun Big Bang technologique. Techniquement, les outils étaient là.
Par contre, les habitudes n'étaient pas adaptées. Du jour au lendemain, toutes les fonctions transverses ont basculé en télétravail et les questions ont surtout été côté managérial. Nous avons dû, par exemple, organiser des réunions plus régulières en vidéoconférence. La crise a provoqué une accélération de l'adoption des pratiques digitales au-delà des seules technologies.

CIO : Concernant les terminaux, du PDA des entrepôts jusqu'aux caisses en magasins en passant par tous les PC, avez-vous mis en place un nettoyage particulier ?

Paul Lavoquet : La question fait partie de la sécurité d'exploitation, sous la responsabilité des différents directeurs d'établissements, comme toute question de sécurité au travail. L'Institut Pasteur, notre partenaire, nous a indiqué les bonnes pratiques à suivre et nous les avons appliquées mais ce n'était pas sous l'égide de la DSI.

CIO : Vous avez parlé d'approche « hyper-plateforme ». De quoi s'agit-il ?

Paul Lavoquet : Aujourd'hui, le principe est que les hypermarchés sont autonomes sur leur chiffre d'affaires, les supermarchés de même, etc. Cette approche « hyper-plateforme » consiste à briser cette logique et à faire de l'hypermarché une plate-forme au service de sa zone de vie, y compris des établissements qui s'y trouvent (supermarchés, drives, etc.) sans oublier le e-commerce. Il deviendrait donc une source de valeur pour toute sa zone. Par exemple, nous souhaiterions que les rayons frais des hypermarchés alimentent le click&collect des drives ou les livraisons de Auchan.fr. Cela pourrait aussi être le cas pour nos partenariats qui tiennent des corners comme Sushi-Shop (plats japonais), La Petite Boulangerie (boulangerie fraîche), Tête-Bêche (fruits et légumes frais), Patatam (vêtements de seconde main), etc.

CIO : Quels sont les projets que vous menez actuellement ?

Paul Lavoquet : La plateformisation des hypermarchés est évidemment une source importante de projets. Elle fait partie de l'un des deux grands programmes stratégiques, Auchan 2022, qui est en cours d'achèvement. Celui-ci inclut également le drive piéton, le click&collect, l'accélération data... Tous ces axes de développement impliquent d'importants investissements informatiques.
Le deuxième grand programme stratégique se nomme Renaissance. Celui-ci vise à reprendre l'initiative face à un tassement des parts de marché en optimisant nos process. Parmi les projets qui en font partie, citons l'unification de la chaîne marchandise (supermarchés et hypermarchés sont actuellement sur des chaînes séparées), le remplacement des solutions d'encaissement pour améliorer l'expérience client (notamment pour élargir le selfcare), la transformation des processus de service après-vente...

CIO : Dans Auchan 2022, vous avez cité le chantier de la data. Au delà de la très classique analyse des tickets de caisse, en quoi ce chantier consiste-t-il ?

Paul Lavoquet : Le champ de la data est extrêmement large. Il va de l'analyse de la performance financière à l'amélioration de la chaîne logistique et de l'approvisionnement. Nous pouvons également parler de la création de personnas [profils-types, NDLR] de clients pour adapter au mieux nos opérations marketing.
Nous réfléchissons aussi à des initiatives partagées avec les autres enseignes cousines comme Decathlon ou les restaurants du groupe Agapes, voire à créer un asset commun. L'idée est d'améliorer l'expérience de tous nos clients en travaillant sur leurs comportements.
Techniquement, l'hébergement est dans Google Cloud et divers bus de services permettent d'y déverser les données issues de nos différents systèmes. Les outils de datavisualisation sont également très variés même si nous tendons à migrer vers les outils Google. Certains utilisent des solutions comme Tableau par exemple. Parmi les chantiers techniques en cours, il y a la migration des dernières bases sous Teradata dans Google.

CIO : Pour terminer, quels sont les défis particuliers qu'il vous reste à relever ?

Paul Lavoquet : Notre grand défi réside dans la transformation des méthodes de travail. Nous devons mettre en place un maillage beaucoup plus fort entre les métiers et l'IT, organiser une meilleure collaboration entre donneurs d'ordres, les clients internes, et la DSI. Nous utilisons pour cela le terme « d'approche en mode produit ».
Les pratiques doivent évoluer. Cela passe également par une gouvernance plus saine, en évitant les silotages. Or désiloter suppose de convaincre et donc d'impliquer les métiers en leur montrant tous les avantages à procéder de la sorte.

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