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Pascal Roche (Sacem) : « nous voulons une plate-forme ouverte, orchestrant son écosystème, centrée sur la data »

Pascal Roche (Sacem) : « nous voulons une plate-forme ouverte, orchestrant son écosystème, centrée sur la data »
Le nouveau DSI de la SACEM, Pascal Roche, détaille les grands projets IT de la société de gestion collective.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°155 !
Digitalisation et Legacy : l'équation à résoudre

Digitalisation et Legacy : l'équation à résoudre

L'existant est à la fois une force et une contrainte. Les chantiers de modernisation, de refonte et, a fortiori, de digitalisation doivent en tenir compte. Mais sans renier les racines du système d'information. Démonstration au travers de témoignages de DSI de grandes entreprises françaises.

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Récent successeur de Véronique Sinclair à la tête de la DSI de la Sacem (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique), Pascal Roche achève les projets en cours tout en apportant une vision pour mieux orienter le système d'information vers la future plate-forme de la Sacem. Ainsi, des projets innovants s'appuyant sur l'IA, la blockchain, des solutions cloud, seront fédérés au sein de cette plate-forme. Dans cette perspective, des chantiers d'API management, de stockage rapide et de décisionnel intuitif ont d'ores et déjà démarré. Ils visent à rendre la Sacem, dont les missions sont la collecte des droits d'auteur auprès de diffuseurs, la répartition aux ayant droits et le soutien à la création, plus compétitive encore. La prochaine refonte du PGI est également au programme. Pascal Roche sera le Grand Témoin de la CIOnférence Data management organisée par CIO le 23 janvier 2018 à Paris.

PublicitéCIO : Pourquoi avez-vous désiré devenir le DSI de la SACEM ?

Pascal Roche : Les technologies en lien avec l'accès aux produits culturels (et plus particulièrement la musique) ont jalonné mon parcours notamment lorsque j'étais chargé du site fnac.com et de Fnacmusic. J'ai développé, plus particulièrement, lors de mes expériences précédentes, des plates-formes ouvertes sur un écosystème avec une logique d'intermédiation sécurisée et efficiente. J'ai notamment lancé la Marketplace Fnac et développé chez Dassault Systèmes, une marketplace d'impression 3D permettant à des industriels (utilisateurs de CATIA ou Solidworks par exemple) de trouver instantanément, parmi les « Fab Labs » référencés, ceux capables d'imprimer les pièces conçues. En résumé, cette plate-forme permettait de passer du virtuel (la conception) au réel (la fabrication) en quelques heures, dans un environnement sécurisé. Pour des acteurs très sensibles aux problématiques de propriété intellectuelle, cela représente une aide cruciale notamment dans les phases de prototypage, là où auparavant, plusieurs semaines étaient nécessaires ne serait-ce que pour le cycle d'achat classique. On retrouve, à la Sacem, cette logique de plateforme globale, connectée à un écosystème de partenaires comme YouTube, Apple, Spotify ou encore Deezer. Avec Internet, la Sacem a accru sa dimension internationale et son engagement au service des créateurs et des éditeurs, pour défendre leurs droits et optimiser la valeur de leurs oeuvres.
Le périmètre du poste est assez complet puisqu'il couvre un spectre qui s'étend du mainframe à la blockchain dans un contexte en évolution constante et aux projets nombreux. C'est donc très intéressant.

CIO : Avant de parler Blockchain ou IA, revenons au mainframe. Depuis Michel Allain, tous les DSI de la SACEM, vous inclus, avez sur votre fiche de poste la modernisation du SI. Où en est-on ?

Pascal Roche : Pour être exact, entre le projet initial qui consistait à décommissioner le mainframe et les enjeux actuels, le périmètre s'est largement accru. Chaque année, des lots fonctionnels se sont ajoutés au projet « HOT » qui est au coeur de l'« outil informatique métier » de la Sacem puisqu'il concerne l'efficience de la documentation et de la répartition. Sa trajectoire a été sécurisée pour délivrer ses derniers lots, d'ici 2020. Le projet « HOT » utilise des technologies classiques de type Java sur Linux avec l'IHM en Angular.js.



CIO : En dehors de ce coeur métier, comment se caractérise le SI de la SACEM ?

Pascal Roche : Nous disposons d'un ERP Oracle On-premise, pour la facturation. Côté décisionnel, nous avons expérimenté un panel de technologies avec Qlikview, Tableau et désormais Pentaho qui reposent sur une infrastructure BI utilisant les SGBD Oracle pour le DataWarehouse avec l'ETL Datastage. Nous utilisons aussi des technologies Big Data comme Hadoop, Vertica pour le online,
Là encore, ce sont les volumes de données issus de la consommation de musique online qui nous ont amené à reconsidérer notre architecture BI, sa vélocité et son agilité. Pentaho par exemple doit nous permettre de développer l'autonomie des utilisateurs tout en se connectant sur un environnement hétérogène.
Pour les fonctions supports, nous disposons d'outils classiques comme, par exemple, HR Access pour la GRH. Concernant la bureautique, nous déployons actuellement Office 365, dont Skype et Yammer, avec un double objectif : faciliter le travail collaboratif et le télétravail. La Sacem est une entreprise qui présente un ancrage territorial important avec 70 implantations partout en France et en outre-mer.
D'une manière générale, nous avons défini notre catalogue de composants homologués pour le SI et nous nous y conformons.

PublicitéCIO : Y-a-t-il un axe d'évolution à ce SI ?

Pascal Roche : Oui et il est majeur, on peut même parler de rupture. Le SI a toujours été très important dans la stratégie de la Sacem du fait d'un environnement très mouvant. Néanmoins, le patrimoine applicatif fonctionne encore en silo, car structuré par domaines et par directions métiers. A cela s'ajoute la convergence des technologies qui nous oriente vers une logique de concepteur, d'opérateur de plate-forme ouverte capable d'orchestrer nos services et ceux de nos partenaires. L'intention est d'accroître la valeur apportée à nos membres, clients et partenaires en interagissant plus finement, en continu avec notre écosystème (qui pourrait inclure des concurrents). Le partage de données peut, par exemple, améliorer l'identification des oeuvres et accélérer la collecte des droits et leur répartition. L'intensification de l'usage des APIs va nous permettre d'avoir une plate-forme interne, privée et enfin publique. Les nombreux échanges de données, leur interprétation et leur valorisation sont au coeur de cette approche.



CIO : Parmi les grands projets autour de la Data, la SACEM mène Urights en partenariat avec IBM dans une logique de partage. Mais, aujourd'hui, n'êtes vous pas seul à partager cette technologie ?

Pascal Roche : Je viens d'une entreprise de R&D et j'y ai appris qu'il faut savoir suffisamment éprouver avant de partager. URights en est le parfait exemple. On commence par utiliser la solution pour répondre aux besoins de la Sacem avant de la proposer à d'autres. Notre activité est suffisamment significative pour pouvoir garantir, à la sortie, la plateforme la plus performante possible. URights nous permet de gérer et de faire face au volume exponentiel des échanges de données de la musique en ligne. L'enjeu n'est pas seulement d'absorber de gros volumes mais de le faire avec le bon niveau de vélocité et avec un fort niveau de granularité dans un contexte augmenté. Au-delà de la capacité à mieux opérer pour nos membres, il s'agit aussi d'enrichir les données.
Pour l'heure, nous montrons notre capacité à être très compétitifs pour opérer, de manière globale, la collecte et la répartition des plate-formes de streaming. Le premier lot opérationnel sera livré en juin 2018. Suivront d'autres lots livrés progressivement. Une fois l'outil stabilisé, nous pourrons proposer ses services à d'autres sociétés.

CIO : Le partenariat avec IBM pour Urights concerne notamment Watson. Qu'apporte l'IA dans un outil qui est finalement au service du même coeur de métier depuis l'origine de la SACEM ?

Pascal Roche : Comme pour la Blockchain [voir plus loin, NDLR], le terme « IA » peut être perçu comme un mot à la mode. Pour la Sacem, il couvre une réalité concrète. Le volume de données manipulées avec des éléments de contexte enrichis favorisent l'utilisation de l'IA comme par exemple, pour mieux se projeter sur la consommation de musique mais aussi pour automatiser la reconnaissance des oeuvres voire même la « robotiser » à terme.
Un problème classique est de relier l'enregistrement de My way, adapté par Paul Anka et interprété par Franck Sinatra, avec l'oeuvre originale Comme d'habitude composée par Jacques Revaux, écrite par Gilles Thibaut et, en partie, par Claude Francois. Chaque acteur doit mener un véritable travail de nettoyage et d'enrichissement des données pour mieux reconnaître les oeuvres et optimiser ainsi la collecte et la répartition des droits d'auteur. L'IA peut contribuer à la construction progressive d'un lien fiable et certifié.

CIO : Puisque vous parlez de blockchain, la SACEM travaille actuellement sur cette technologie. Pour quel usage ?

Pascal Roche : Le cas d'usage retenu pour l'expérimentation de la blockchain concerne justement la capacité à certifier collectivement, sur la base d'un consensus faisant autorité, la fiabilité du lien enregistrement / oeuvre que l'on vient d'évoquer. Aujourd'hui, la Sacem a mené des expérimentations autour de cette technologie, en a écarté des usages non-pertinents pour ne retenir que ceux porteurs de valeur. En l'occurrence, nous avons initié une blockchain privée, administrée par la Sacem, ASCAP et PRS for Music (ses homologues américaine et anglaise) et amenée à embarquer d'autres sociétés de gestion de droits d'auteur. Chaque société a une vision partielle, en partageant et superposant ses liens, on parvient à établir un lien fiable et à le publier collectivement. Au final, c'est l'identification des oeuvres qui est améliorée.
La blockchain est utilisée pour tracer la séquence de constitution d'un lien fiable, d'une part en horodatant qui contribue sur quoi et quand (lien suggéré et lien enrichi), d'autre part en horodatant le consensus établi par la communauté sur la fiabilité et le caractère exploitable de ce lien qui pourra être utilisé en l'état.



CIO : Vous menez également des projets beaucoup plus orientés infrastructures. Par exemple, vous avez d'abord déployé des baies XtremIO d'EMC² avant, deux ans plus tard, d'opter pour des baies Purestorage. Pour une telle évolution en seulement deux ans ?

Pascal Roche : Avec le online, nous avons connu un accroissement exponentiel des volumes. Cela a généré un problème de scalabilité. Dans ce contexte, Purestorage a été jugé plus pertinent pour l'optimisation des coûts grâce à ses mécanismes de déduplication/compression de données mais aussi via une meilleure granularité des tarifs en fonction de la typologie des besoins. Cette solution a également été jugée plus simple à administrer. Le projet achevé depuis quelques mois, nous a permis d'atteindre les objectifs que nous nous étions fixés.

CIO : Avez-vous d'autres grands projets ?

Pascal Roche : Oui, nous commençons à préparer une refonte de notre ERP Oracle On premise. A ce jour, il manque d'agilité, de modularité et d'ouverture, ce qui est normal puisque la mise en oeuvre de cette technologie date d'une dizaine d'années. Aujourd'hui, nous en sommes à la phase de cadrage, des démonstrateurs seront montés en 2018.
Nous pourrions envisager d'opter pour une solution intégrant plusieurs briques d'éditeurs différents et en profiter pour évoluer vers une solution cloud sur ce périmètre.

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