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Olivier Malvezin (Compass Group) : « Nos restaurants sont des labs »

Olivier Malvezin (Compass Group) : « Nos restaurants sont des labs »
Olivier Malvezin, DSI de Compass Group et responsable du digital au niveau européen, promeut une démarche cloud first.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°169 !
Quand le numérique transforme l'entreprise pour de bon

Quand le numérique transforme l'entreprise pour de bon

La transformation numérique est un terme tout à fait galvaudé. "Galvauder" a un sens précis : déprécier, gâcher, gaspiller un talent ou une action pour des fins médiocres. Car, aujourd'hui, tout le monde prétend mener une transformation numérique. Il en résulte une défiance, ou un haussement...

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Le métier de la restauration collective est en pleine évolution à travers le digital. Une transformation qu'Olivier Malvezin, DSI de Compass Group et responsable du digital au niveau européen, a pris à bras le corps via la modernisation du backoffice ou de l'innovation avec les caisses intelligentes. Le dirigeant revient sur cette mue numérique.

PublicitéCIO : Pouvez-vous nous présenter Compass et votre périmètre d'action ?

Olivier Malvezin : Compass Group est le leader mondial de la restauration sous contrat dans plusieurs secteurs d'activité. Nous servons plus de 5 milliards de repas par an dans plus de 50 pays avec 550 000 employés. Sur mon rôle, je suis DSI de Compass Group France que j'ai rejoins il y a près de 3 ans et, depuis l'année dernière, je suis en charge de la direction digitale Europe, rattachée à la direction générale Europe. Je suis membre du comité exécutif de Compass Group à la fois en France et en Europe. La DSI France représente 40 personnes en interne et la direction digitale se projette sur plusieurs dizaines de personnes (externes compris)
 

CIO : Sur la direction digitale, pouvez-vous nous en dire plus ?

Olivier Malvezin : Nous avons un objectif de transformation pour devenir le leader sur le marché en France, pays qui est le troisième plus important au sein du groupe. Les racines françaises sont importantes à travers les rachats d'Eurest et de SHRM, il y a près de 25 ans. Sur le plan mondial, nous sommes une fédération d'acteurs locaux. Un modèle qui a atteint ses limites et que le nouveau dirigeant Dominic Blakemore est en train de refondre. Dans ce cadre, la France est un pilote pour la modernisation du backoffice pour la partie finance/achat et pour les opérations dans les restaurants. Une autre facette de la transformation digitale est à destination des « convives » pour à la fois leur fournir de meilleures informations et faciliter leur expérience dans les restaurants et au-delà. Une des concrétisations de cette mue digitale est la caisse intelligente que nous avons développée. En parallèle, nous avons créé une plateforme digitale pour connaître les convives, leurs besoins et apporter des services tout au long de la journée, de la pause-café lors d'une réunion à la récupération d'un panier bio à la sortie du bureau.

CIO : En ayant ces agrégats de structures, comment est architecturé votre SI ? Centralisé ou délocalisé ?

Olivier Malvezin : Il y a une DSI par pays avec un partage sur certains sujets. Sur le digital, cela va au-delà de la seule DSI, car il y a le marketing digital et l'excellence opérationnelle pour que les services déployés ne soient pas simplement technologiques, mais en harmonie avec les processus opérationnels des restaurants. Il faut arriver à bien cibler les bénéfices que l'on attend et prendre en compte le volet humain qui est très présent.

CIO : Quel est votre cadre en matière d'infrastructures IT ?

Olivier Malvezin : Difficile de résumer ce cadre qui s'est constitué à travers l'histoire de la société et comprend plusieurs couches. On a de plus en plus d'infrastructures pour gérer un ERP tourné vers le coeur de métiers, la finance et les achats. On développe autour des systèmes propres à nos métiers par exemple sur les menus, les recettes, avec des déclinaisons et des adaptations de version pour répondre aux spécificités. Le paysage applicatif est relativement large et pour la partie infrastructures, nous misons sur l'hybride pour répondre à l'obsolescence des outils et des nouveaux enjeux comme la transformation digitale. L'hybridation s'entend à la fois pour les systèmes centraux, mais aussi entre ces derniers et les systèmes localisés. Avec la digitalisation d'un restaurant, on a de plus en plus de points de contact dans les locaux, mais aussi à l'extérieur, comme l'installation d'un pod pour commander des choses avec la voix. Les environnements de nos clients sont variés, mais nous disposons d'un backbone.

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CIO : Comment vous vous positionnez par rapport au cloud ?

Olivier Malvezin : Notre démarche est cloud first avec malgré tout un point attentif sur la nature de l'applicatif. La priorité des nouvelles applications est d'aller vers le cloud, aujourd'hui sur AWS. Nous avons par ailleurs le projet de porter notre ERP SAP sur le cloud d'AWS, la version retail de S4/HANA. L'éditeur est à la fois un fournisseur, et aussi un client. La France est pilote sur ce projet.

CIO : Sur la partie backoffice, quelles sont les orientations de la transformation ?

Olivier Malvezin : Nous visons une transformation métiers. Pour résumer, l'amélioration du backoffice doit simplifier la vie de nos Chefs d'établissement. La partie outillage et infrastructure peut apparaître presque secondaire, même si c'est un défi avec plusieurs milliers de restaurants. L'objectif est d'avoir une ergonomie adaptée aux multiples tâches des Chefs d'établissement des restaurants. Il faut que les coeurs de processus soient bien en place et les interfaces agiles. Nous développons une surcouche spécifiques à nos métiers sur SAP et l'équipe digitale travaille aussi sur le développement d'applications métiers complètement customisées.

CIO : Les rôles de DSI et de la direction digitale sont fortement liés. Comment on gère cette dichotomie ?

Olivier Malvezin : Les deux mondes sont très liés avec des besoins technologiques et architecturaux qui se recoupent. La DSI doit avoir vis-à-vis des métiers le langage qu'il faut pour soutenir par exemple nos commerciaux vis-à-vis des clients ou de s'immiscer dans le processus opérationnel pour comprendre le quotidien d'un Chef d'établissements. Le groupe est pragmatique où chaque projet doit avoir son retour sur investissement.

CIO : Le digital implique un partage d'informations. Comment gérez-vous cette partie collaboration et plus globalement le digital workplace ?

Olivier Malvezin : Il y a du mixte avec des postes fixes, du flex, des espaces collaboratifs. Pour les outils, nous disposons d'un catalogue en fonction des besoins. Nous avons capitalisé sur la suite sur Office 365 et récemment sur Teams. Le projet SAP au niveau mondial se réalise à travers ces solutions.

CIO : Y a t'il une évaluation des usages de ces outils collaboratifs ?

Olivier Malvezin : On suit les usages avec le nombre de personnes sur Outlook, sur SharePoint ou sur Teams. On travaille beaucoup sur la formation avec du e-learning. La DSI doit montrer l'exemple, mais il y a encore à faire. Le besoin de partage existe parmi les restaurants pour montrer par exemple des recettes à sa communauté. Il y a pas mal de groupes Yammer sur les plats cuisinés.

CIO : Existe-t-il une demande de connectivité et d'applications spécifiques de la part des convives au sein des restaurants ?

Olivier Malvezin : Cette demande est assez lente, car la pause déjeuner reste une pause avec une notion de détente. Néanmoins, il y a quelques clients qui sont demandeurs de ce type d'expérience, notamment la jeune génération. Elle est avide d'espace de collaboration.



CIO : Pour connaître le client, vous avez besoin de données. Quelle est votre stratégie en matière de big data ?

Olivier Malvezin : Nous avons plusieurs types de données : des données de références qui sont structurées pour gérer les processus de référence, des données transactionnelles. Il y a un travail important pour s'assurer que l'on partage les mêmes recettes, les mêmes produits avec des codifications. Au-delà du travail de qualification des données, nous sommes dans l'ère du big data avec la compréhension de la consommation avec des impacts de facteurs externes en étudiant des données clients ou météo. Un exemple est pour arriver à créer un parcours convive personnalisé, il est essentiel d'accumuler de la donnée sur le convive, pour obtenir des profils types et mieux cibler l'offre et les services. Une analyse conforme à la réglementation sur la protection des données personnelles.

CIO : Le RGPD a été un gros travail pour vous ?

Olivier Malvezin : C'est un travail permanent. Il y a eu des efforts au départ pour être conforme, mais ce travail évolue en permanence, car nous traitons de plus en plus de données. Par exemple sur la Borne Express, le sujet de la protection des données personnelles a été intégré dès le départ du projet. Tout ce que l'on prend sur un plateau et qui est un objet personnel comme une carte de crédit, un badge est flouté.

CIO : Pour revenir sur les données, est-ce que leur analyse vous permet de créer de nouvelles marques, comme la dernière-née Exalt ?

Olivier Malvezin : Elle est issue aussi d'une analyse de marché, car cette marque a vocation de proposer une offre de restauration avec service, y compris du service à table. Cela passe par des piliers qui sont l'humain, mais aussi le digital. Le fait d'avoir analysé le type de convive, d'acuité générationnelle permet de proposer ce type de service. Aux Etats-Unis, cette analyse des données est utilisée dans le domaine du sport et de l'éducation, elle aide à optimiser les offres de restauration dans les stades.

CIO : En matière d'innovation, quelle est votre politique de relation avec les start-ups ?

Olivier Malvezin : Nous sommes à l'écoute en collaborant, en partageant des idées avec un écosystème notamment en France celui de la foodtech. Nous testons à la fois des cas d'usage et nous facilitons le développement de jeunes pousses en mettant à disposition des restaurants pour voir l'impact de leurs services. La demande d'accès à notre SI est assez faible. Par ailleurs, nous avons des relations plus étroites avec certaines start-ups comme Deepomatic dans le cadre de la Borne Express. Avec une DSI de 40 personnes, la prise de décision est courte et nous sommes le fer de lance de l'innovation.



CIO : Il n'y a pas de vocation à structurer cette démarche d'innovation à travers un lab par exemple ?

Olivier Malvezin : Nos restaurants sont des labs. Ils testent et accueillent des services innovants. Nous avons un cycle d'innovation. Il y a peut-être un effort à faire sur la structuration, mais les résultats sont là. La borne express est une première mondiale et nous en sommes fiers, car nous avons innové de manière ciblée sans nous disperser.

CIO : Comment voyez-vous votre rôle de DSI à l'avenir par rapport à votre casquette digitale ?

Olivier Malvezin : C'est un vieux débat. Les terminologies changent. Au sein de la société, nous nous appelons « digital and technology services », l'important est cette notion de service autour de la restauration. Le digital est au service des métiers. Le titre de DSI a besoin de rajouter le digital pour éviter la confusion et montrer l'ambition qu'il y a derrière. On pourrait rajouter le mot innovation, en aiguillant les bonnes options technologiques avec comme but de satisfaire les besoins métiers et nos clients. La DSI est donc éminemment technologique, très orientée vers les clients et c'est cela qui change. On traite aussi bien du back office que du front office. On est proactif sur les appels d'offres, on marquette nos offres et services, on est présent aux côtés des opérationnels dans les restaurants et on apporte du contenu. Dans ce cadre, on est plutôt dans un service « digital et technology ».

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