Nicolas Mousquet (DSI, Champagne Louis Roederer) : « Nous devons être flexibles avec ou sans cloud »
Maison familiale spécialisée dans les vins et spiritueux, le groupe Champagne Louis Roederer est composé de cinq entités. Nicolas Mousquet assure la direction informatique de cet ensemble avec une interconnexion entre les sites français et une relative indépendance pour les filiales internationales.
PublicitéPouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel ?
J'ai un parcours assez simple. Je suis entré très rapidement dans la vie active, dès la fin de mes études en 1989. J'ai commencé comme chef de projet informatique dans un grand groupe, Rhône-Poulenc. J'ai ensuite accompagné la restructuration du groupe, avec mes premières responsabilités en tant que chef de service. Et puis, petit à petit, il y a eu une forte volonté du gouvernement de démanteler le groupe Rhône-Poulenc et c'est à cette époque que je me suis dit qu'il fallait que je change d'horizon. Parce que ce dernier commençait à devenir un peu plus sombre.
J'ai quitté Rhône-Poulenc en 1997 et j'ai ensuite intégré Champagne Deutz, qui est une filiale du groupe Champagne Louis Roederer, en tant que responsable informatique des champagnes Deutz et de la maison Delas, une autre filiale dans la vallée du Rhône, en dessous de Valence, dans la Drôme.
Quand êtes-vous arrivé chez Champagne Louis Roederer ?
En 2008. Le DSI de Champagne Louis Roederer avait décidé de changer d'horizon et donc la direction générale m'a proposé de prendre la succession du DSI en place et j'ai accepté. Le poste était beaucoup plus large en termes de périmètre puisque j'étais en charge de la totalité des filiales, aussi bien françaises qu'internationales.
Pouvez-vous nous présenter le groupe Champagne Louis Roederer ?
C'est une très vieille maison qui a été fondée en 1776 et qui est l'une des dernières maisons familiales transmises de génération en génération. Et aujourd'hui, nous avons comme président-directeur général Frédéric Rouzaud, qui est issu de la lignée familiale de Louis Roederer. C'est la septième génération. Aujourd'hui, le groupe Roederer n'est pas qu'une maison de champagne. Au fil des années, il y a eu une évolution, une diversification du métier et de l'activité du groupe avec le rachat au fil des ans d'autres sociétés, dans le rhum par exemple. Aujourd'hui Dans les années 80, le groupe possède a également investi dans le Château de Pez à Saint-Estèphe, le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande à Pauillac, les domaines Ott en Provence, le champagne Deutz à Ay, la maison Delas dans la vallée du Rhône, une maison au Portugal, la fameuse Ramos Pinto avec du Porto et du vin du Douros. Il y a également eu une volonté de s'implanter aux Etats-Unis, en Californie. Et autour de ces sociétés de production gravitent des filiales de distribution, aux Etats-Unis, en Angleterre, en France. L'Angleterre et la Suisse sont des pays importants pour notre activité, toujours autour du vin. La dernière diversification du groupe est l'acquisition, il y a quelques années, d'un hôtel cinq étoiles à Val-d'Isère, le Christiania. Donc, il y a une diversification qui permet d'élargir l'éventail de la maison.
Publicité Combien de personnes travaillent à la DSI et comment êtes-vous structurés ?
Globalement, la direction informatique des champagnes Roederer est une organisation principalement axée sur le périmètre français, puisque l'ensemble des filiales françaises sont interconnectées sur le même réseau. Par contre, les filiales internationales, elles, sont un peu plus indépendantes parce qu'aujourd'hui on a une équipe de dix personnes et nous ne sommes pas assez nombreux pour manager l'ensemble du groupe à l'international avec les problématiques de 24/7, les décalages horaires... Nous nous occupons principalement de la France et j'ai un rôle de schéma directeur ou de conseil sur les orientations et la stratégie informatique. Pour la partie internationale, nous nous appuyons sur un réseau de partenaires locaux pour les filiales internationales. Et cela nous convient bien et répond aux attentes de nos filiales.
Avez-vous des ressources déportées : des portails avec un cloud ou un multicloud ou alors hybride ?
Nous sommes une très vieille maison avec de vieilles traditions. Et, même si nous savons très bien qu'il y a un mouvement vers le cloud qui va être difficile à contrer, aujourd'hui nous hébergeons en local la quasi-totalité de nos applications entreprise. Seules quelques applications qui nous ont semblé être pertinentes à mettre dans le cloud le sont, comme la gestion des RH ou un outil de gestion du vignoble. Nous devons être flexibles avec l'arrivée des capteurs IoT et, du coup, il nous a semblé plus pertinent de le mettre dans le cloud qu'en local.
Il s'agit de surveiller l'humidité ?
C'est un milieu qui évolue énormément. Ça n'a pas bougé pendant de longues années et là nous commençons à faire entrer de la technologie dans le vignoble. C'est désormais plus simple d'interconnecter les systèmes quand on a des solutions cloud computing.
Combien d'hectares sont aujourd'hui managés ?
La maison Champagne Roederer possède 240 hectares en propriété. Et chaque maison, chaque filiale a aussi son vignoble en propre, cela nous permet d'être autosuffisant à hauteur d'à peu près 80 %.
Avez-vous aussi des outils en mode SaaS ? Et avez-vous spécifiquement développé des applications conteneurisées pour vous pour les hébergées dans le cloud ?
Oui, pour le SaaS. Mais non pour le développement d'applications spécifiques. Aujourd'hui, comme je le disais, la pression est forte. Mais ce n'est pas une volonté de résister, c'est une question de se dire que nous maîtrisons mieux les choses qui sont chez nous plutôt qu'à l'extérieur. Donc aujourd'hui, nous avons des développements autour des besoins de la maison.
Une grosse tendance aujourd'hui pour le stockage, notamment avec le cloud, est d'essayer d'améliorer la résilience contre toutes les cyberattaques envers les entreprises, que ce soit dans le secteur public ou privé. Est-ce une chose que vous regardez pour sécuriser votre sauvegarde et votre archivage ? Ou alors restez-vous encore sûr du traditionnel pour cette partie ?
C'est une bonne question qui a fait l'objet d'une grosse réflexion il y a plusieurs mois au niveau de notre DSI. Nous avons décidé de mettre un beau projet en place avec Dell avec qui nous avons mené avec Dell la une refonte complète de notre sauvegarde, en lien également à la pandémie Covid. Nous avons été obligés de réagir un petit peu dans l'urgence, mais cela a été un élément déclencheur. Cette réflexion était latente et elle est aujourd'hui en place.
Pouvez-vous nous donner une idée des volumes de données que vous stockez, que vous conservez et que vous archivez ? Avez-vous des problèmes de coûts, de conformité et de réglementation qui imposent de sauvegarder les données et de les conserver dans la durée ?
Nous sommes comme les autres entreprises, nous devons respecter la législation. Nous sommes une petite entreprise et donc nous n'avons pas de soucis de volumétrie aujourd'hui, parce que nous sommes sur quelques dizaines de téraoctets, donc ce n'est pas énorme. Nous avons la capacité, avec le nouveau système et le projet de l'année dernière, d'accueillir et de stocker nos données. Nous avons quand même d'autres projets en cours pour encore améliorer la sécurisation de nos données. Concernant nos sauvegardes, ce n'est pas terminé, nous sommes toujours en train d'y travailler.
Avez-vous des baies de stockage traditionnelles avec des disques durs ou plutôt hybrides, avec des disques durs et des SSD, ou 100 % flash ?
Nous sommes très bien conseillés par les gens de Dell. Donc aujourd'hui les baies de stockage sont de type mixte permettant une grande capacité de stockage avec des temps de réponse corrects. Et puis, nous avons des ressources flash pour les applications exigeant de la réactivité. Et ça, ce sont des travaux que nous menons conjointement avec nos partenaires.
Et pour la partie sauvegarde, sauvegardez-vous sur flash ou sur disques durs ?
Alors, aujourd'hui sans vouloir dévoiler trop de secrets, parce que ce sont quand même des données sensibles, nous travaillons avec des technologies comme Data Domain.
Avez-vous des sauvegardes en local et d'autres qui sont sécurisées et sanctuarisées chez un partenaire ?
Alors, c'est quand même un dossier sensible. Je ne voudrais pas en dire trop, surtout chez vous.
Avez-vous été attaqués par des ransomwares ou d'autres types de malwares ces derniers mois ?
Nous travaillons beaucoup sur les questions de sécurité, nous faisons le maximum pour pouvoir être très vigilants sur cet aspect-là. Nous avons bien sûr essuyé des attaques et nous avons su les contrer. Mais c'est un travail au quotidien sur lequel l'équipe est très vigilante.
Nous sortons d'une période assez difficile où il a fallu adapter l'organisation des entreprises. Comment avez-vous accompagné la direction générale pour justement permettre aux gens de continuer à travailler en toute sécurité ?
C'est un sujet sensible. Et comme tous mes confrères, nous avons été très vigilants sur ce sujet parce que c'est une évolution. Et la maison Roederer a proposé des avenants sur les contrats de travail pour aller dans ce sens. Ça va aussi dans la démarche d'écoresponsabilité et, bien sûr, le télétravail fait partie prenante de cette orientation que la maison veut donner. Au-delà de ça, nous avons été obligés de réagir assez rapidement et, avec mon équipe, nous avons pu nous adapter rapidement au télétravail. C'est un sujet qui est aussi en perpétuel mouvement, parce que nous nous apercevons que les choses que nous avons mises en place sont perfectibles. Et nous devons encore travailler sur ce sujet pour améliorer les choses. Aujourd'hui, nous menons une réflexion sur l'enrichissement de l'organisation du télétravail avec d'autres outils ou d'autres méthodes.
Combien de salariés travaillent dans le groupe Roederer ?
Aujourd'hui, nous sommes près de 1000 personnes, réparties sur l'ensemble des firmes.
Regardez-vous les bonnes pratiques dans d'autres maisons, chez des concurrents ou dans des clubs ?
Oui. C'est dans l'intérêt des DSI d'adhérer à un club comme Numica pour discuter avec ses confrères et partager les bonnes et les mauvaises expériences. C'est une source d'informations très intéressante.
Dernière question sur les projets. Qu'aimeriez-vous améliorer et étendre ?
En fait, les projets aujourd'hui sont plutôt orientés applicatifs et infrastructures, parce qu'on s'aperçoit que le monde bouge tellement vite qu'il faut s'adapter au quotidien. Nous avons plusieurs projets dans les tuyaux au niveau applicatif. Et ces projets applicatifs, bien souvent, déclenchent aussi des projets d'infrastructures. Parce que l'un ne va pas sans l'autre. Et donc aujourd'hui, nous avons pas mal d'évolution au niveau infrastructures que nous envisageons avec nos partenaires Dell et MTI.
Vous êtes un vieux client de Dell, vous avez dû comprendre que la société a beaucoup évolué, notamment depuis le rachat d'EMC, avec un portefeuille produit qui s'est étendu. Cela correspond mieux à vos besoins et à vos attentes ou cela change énormément les choses ?
Alors, il est clair que l'évolution de la société Dell nous a permis de découvrir de nouveaux domaines de manière sécurisée. Je pense, par exemple, au rachat d'EMC. Nous avions besoin de baies, nous nous sommes naturellement dirigés vers Dell et ce dernier nous a conseillé des baies EMC avec des spécialistes. L'idée n'était pas de déployer de nouveaux matériels, mais de nous accompagner avec des spécialistes maîtrisant parfaitement leur domaine afin d'assurer la cohérence de notre infrastructure. Nous n'avons pas eu de mauvaises surprises jusqu'à présent
Article rédigé par
Serge Leblal, Directeur des rédactions d'IT News Info
Suivez l'auteur sur Twitter
Commentaire
INFORMATION
Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.
Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire