Marché du travail à l'horizon 2025 : les robots ne remplaceront pas le travail des hommes, ils le transformeront

Selon cette analyse du cabinet Forrester, il ne faut pas craindre l'arrivée de robots en concurrence d'humains sur le marché du travail.
PublicitéL'avenir morose du marché du travail fait actuellement couler beaucoup d'encre : dans les médias ou au sein du monde universitaire, les affirmations selon lesquelles les robots vont s'emparer de tous les emplois sont légion. Cette inquiétude est liée à l'apparition de nouvelles technologies qui automatisent les tâches physiques (robotique), intellectuelles (informatique cognitive) et celles liées aux services à la clientèle (des bornes libre-service aux douchettes utilisées à la caisse des magasins).
Si ces technologies sont bien réelles et présentes et qu'elles vont faire disparaitre certains emplois, l'avenir du travail n'est globalement pas aussi maussade que beaucoup le prédisent. Car en réalité, l'automatisation va stimuler le développement d'un grand nombre de nouveaux emplois, voire de métiers entièrement neufs. Mais l'impact le plus important de cette automatisation se traduira par la transformation du travail : l'homme et les robots vont être amenés à travailler côte à côte.
L'automatisation génère une nouvelle division du travail
Pour prévoir avec précision la manière dont la nature-même des emplois et du travail va se transformer d'ici 2025, nous devons nous pencher sur la division du travail définie par Adam Smith : un système collaboratif au sein duquel les individus se spécialisent dans des tâches particulières acquièrent des compétences, améliorent les processus et produisent collectivement davantage qu'ils ne pourraient le faire individuellement. Pour Forrester, une nouvelle division du travail va voir le jour d'ici 2025 entre les robots (automates physiques, logiciels intelligents et entités mécaniques et numériques autonomes et semi-autonomes), les clients qui utilisent le libre-service automatisé et les collaborateurs. À la clé, une refonte majeure de la main-d'oeuvre aux États-Unis :
Nombre d'emplois détruits : 22,7 millions. L'automatisation va se substituer à 22,7 millions d'emplois aux États-Unis d'ici 2025, ce qui représente une perte de 16 % des emplois en 10 ans. Pour établir cette prévision, nous nous sommes basés sur les catégories d'emplois de haut niveau analysées par le US Bureau of Labor Statistics. Dans notre modèle, nous nous appuyons sur l'avis unanime des experts qui affirment que 2020 est l'année où les voitures sans conducteur commenceront à prendre leur essor, accélérant la « cannibalisation » des catégories d'emploi impliquant de nombreuses tâches physiques : construction, production, soutien administratif et ventes.
- Nombre d'emplois créés : 13,6 millions. Dans le même temps l'automatisation va également créer 13,6 millions d'emplois, au cours de la prochaine décennie, soit l'équivalent de 9 % de la population active. Il s'agit de nouveaux emplois qui n'existeraient pas autrement. Pour 10 emplois cannibalisés par l'automatisation, un nouvel emploi sera créé dans les domaines du logiciel, de l'ingénierie, de la conception, de la maintenance, de l'assistance, de la formation et autres secteurs spécifiques.
PublicitéEmplois transformés : au moins 25 %. D'ici 2019, l'automatisation aura transformé chaque catégorie d'emploi à hauteur d'au moins 25 %. Qu'entendons-nous par « transformation » ? A titre d'exemple, dans les années 1960, un directeur financier passait beaucoup de temps avec sa calculatrice et ses registres pour établir le budget des différents services. Lorsque les feuilles de calcul ont permis d'automatiser une grande partie de ces opérations, son travail a évolué vers des tâches plus pointues, telles que la stratégie financière et les investissements.
Réussir le virage de l'automatisation en se concentrant sur le client, et non sur les coûts
À l'ère du client, le succès dépend avant tout de la création d'une expérience d'une qualité supérieure à celle que proposent vos concurrents. Prenons l'exemple d'une entreprise qui progresse sur la voie de « l'obsession du client » : la compagnie aérienne Delta Air Lines met en oeuvre différentes bonnes pratiques dont les responsables des technologies métier pourraient s'inspirer. Pour Delta, les bornes libre-service -utilisées depuis plusieurs décennies - représentent des éléments à part entière d'une stratégie omnicanal de plus grande envergure, dont le rôle est de nouer un lien avec les clients pour établir une relation durable basée sur la confiance et la fidélité. Au lieu de considérer ces bornes comme des éléments isolés, Delta les intègre à une stratégie d'engagement élargie qui permet aux clients d'utiliser des applications mobiles et le Web, tout en ayant la possibilité de s'adresser à des agents du service client pour résoudre d'éventuels problèmes. In fine, l'objectif de Delta n'est pas de servir le client au coût le plus bas. La compagnie propose une expérience répondant instantanément aux attentes de ses clients, tout en adoptant l'ensemble des technologies mises à leur disposition. Voici en trois points comment Delta offre à ses passagers une expérience positive :
1) En se concentrant sur les problèmes des clients, et non sur la technologie.
Delta conçoit ses stratégies « cross-canal » dans le but est de résoudre des problèmes spécifiques. Pour satisfaire le client, il est par exemple indispensable de réduire les temps d'attente. Dans cette optique, Delta intègre les bornes libre-service au sein d'un écosystème plus large associant une appli pour smartphone, un site Internet et la possibilité d'imprimer les cartes d'embarquement depuis son domicile. La combinaison de ces approches automatisées permet à 90 % des passagers de s'enregistrer avant leur arrivée à l'aéroport, ce qui rend d'emblée les voyages beaucoup plus simples.
2) En cartographiant le parcours du client pour optimiser son expérience.
Delta analyse les moindres détails du parcours de ses passagers afin de tirer le meilleur parti des technologies d'automatisation. Ainsi, les bornes prennent désormais en compte les options d'enregistrement des bagages, avec deux processus légèrement différents pour les clients selon qu'ils enregistrent ou non leurs valises.
3) En intégrant l'automatisation dans une stratégie globale d'engagement numérique.
Dans le cadre de ses stratégies visant à améliorer l'expérience client - par exemple, accélérer le parcours entre l'enregistrement et la porte d'embarquement- Delta étudie un large éventail de technologies d'automatisation, au-delà des simples bornes libre-service. À cet égard, la signalétique numérique représente un poste d'investissement de plus en plus important. Des applications d'orientation peuvent aider les passagers à se diriger vers leurs destinations sans avoir à chercher l'aide d'un employé de Delta.
Les robots, moteurs d'une révolution sociale, mais pas celle que nous redoutons
Nombre d'observateurs craignent une réduction drastique de l'emploi provoquée par l'arrivée des automates avec pour corollaire une hausse des tensions sociales. Forrester est davantage nuancé, tablant sur un futur où l'automatisation créera de nouveaux emplois qui compenseront plus de la moitié des emplois humains qu'elle éliminera, et où la transformation des emplois est l'élément le plus intéressant. Quoi qu'il en soit, une économie dans laquelle humains et robots travailleront côte à côte représente une vraie révolution, même si ce n'est pas tout à fait celle que beaucoup redoutent.
Article rédigé par

J. P. Gownder, Vice-président et analyste principal chez Forrester Research.
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