Ludovic Albert (DOSI OGF) : « nous avons entrepris un gros travail de digitalisation des processus »


Sécurité et digital : il ne faut pas choisir
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DécouvrirLudovic Albert est Directeur de l'Organisation et des Systèmes d'information chez OGF, un acteur majeur des services funéraires en France. Depuis plus de cinq ans, l'entreprise a entamé une vaste modernisation de ses systèmes d'information, en mettant l'accent sur la digitalisation des processus. Pour CIO, Ludovic Albert évoque les nombreux chantiers en cours et ceux déjà menés, ainsi que ses futurs axes de travail.
PublicitéCIO : pouvez-vous nous présenter le groupe OGF ?
M. Albert : Le groupe OGF opère dans cinq grandes catégories d'activités différentes. La première englobe les services funéraires et l'organisation des obsèques, à travers plusieurs enseignes, notamment PFG, Roblot, la maison Henri de Borniol ou différentes marques et agences locales regroupées sous le label Dignité Funéraire. Nous avons ensuite une activité industrielle, avec deux usines basées à Jussey (70) et Reyrieux (01) qui fabriquent des cercueils avec du bois français issu de filières écoresponsables. L'essentiel de la production est destiné à nos services, mais une partie est revendue à d'autres acteurs. Nous avons aussi une gamme de produits de marbrerie, avec la vente et la pose de monuments funéraires. OGF assure également la construction ainsi que la gestion de crématoriums pour le compte de collectivités. Actuellement, plus de 80 crématoriums nous sont confiés, pour des durées allant de 20 à 35 ans. Nous avons enfin une activité de prévoyance, en proposant des contrats d'assurance obsèques. Notre portefeuille compte près de 400 000 contrats.
Au total, le groupe emploie près de 6000 collaborateurs, dans 6 régions et 54 secteurs opérationnels, avec plusieurs entrepôts et plus d'un millier d'agences réparties sur l'ensemble du territoire français. Chaque secteur possède son propre directeur, qui gère l'ensemble des fonctions opérationnelles, commerciales et logistiques.
CIO : au niveau du système d'information, qu'est-ce que cela implique ?
M. Albert : La stratégie verticalisée d'OGF se reflète au niveau du système d'information, qui traite des activités très différentes, allant de l'industrie à l'assurance, en passant par la vente de biens et de services. Cela se traduit par une certaine complexité. Nous avons près de 130 applicatifs et une galaxie de plus de 400 sites Internet, correspondant à nos différentes marques.
CIO : comment s'organise la Direction de l'Organisation et des Systèmes d'Information pour gérer et faire évoluer ces différents environnements ?
M. Albert : La DOSI est rattachée au secrétariat général OGF. Nous sommes environ 60 collaborateurs en interne, ainsi qu'une trentaine de prestataires. La DOSI est organisée de façon classique, en trois directions : une direction Assistance à Maîtrise d'Ouvrage, une direction Études et Développement et une direction Infrastructure et Support. Nous menons environ une cinquantaine de projets par an. Depuis trois ans, nous privilégions le mode agile, dans une approche basée sur Scrum et accompagnée par des coachs externes. Le but est de livrer le plus vite possible de nouvelles versions applicatives. Récemment, j'ai recruté une responsable méthodes et projets, pour accompagner la mise en oeuvre de l'outil Sciforma de gestion du portefeuille de projets.
PublicitéEn termes de gouvernance, nous avons opté pour un système simple. Les grands projets sont suivis par la direction générale, avec un sponsor, un directeur de projet métier qui porte le projet et un chef de projet côté IT qui le met en oeuvre. Nous suivons notre portefeuille de projets par périmètres, en fonction du périmètre géré par chaque membre du comité exécutif. Par exemple, nous avons un comité mensuel pour tous les projets rattachés à la Direction du marketing et du Développement. Nous opérons sur un mode pluriannuel, avec un schéma directeur tous les trois ans, lui-même révisé tous les ans. Les projets majeurs font également l'objet d'une présentation aux actionnaires.
Enfin, nous effectuons régulièrement des audits de sécurité du système d'information, avec un RSSI qui suit de près les plans d'action.
CIO : depuis quelques années, vous avez lancé de nombreux chantiers de refonte et de transformation du système d'information. Pouvez-vous vous présenter les principaux d'entre eux ?
M. Albert : Jusqu'à 2014, nous avons accumulé une certaine dette technique. Depuis cinq ans, nous avons entrepris une grande rénovation du système d'information, autour de plusieurs axes. Le premier a porté sur le système ERP. Nous avons déjà mis en place Oracle E-business Suite sur les fonctions support classiques, comme les achats, la finance, la logistique et la gestion des stocks. Nous avons poursuivi son déploiement pour remplacer un vieux système spécifique qui équipait les magasins par le module de gestion commerciale d'Oracle, qui couvre tout le processus, depuis la découverte du besoin client jusqu'à la proposition de prix, le devis, la commande, la facturation et le recouvrement. Ce déploiement s'est achevé en février 2017, près de 2000 collaborateurs ont été formés.
Ce projet était un prérequis pour aller plus loin dans notre transformation digitale et déployer de nouvelles fonctionnalités, comme la rénovation de notre système d'information prévoyance, qui constitue le deuxième axe. Nous avons dématérialisé la vente de contrats d'assurance, avec la numérisation de la carte d'identité, l'enregistrement des dernières volontés et le prélèvement automatique pour le paiement.
Le troisième chantier concernait la modernisation du système d'information industriel. Nous avons remplacé l'ancien système par le logiciel MES (Manufacturing Execution System) de SedApta, complété par une solution de Sage pour gérer la supply chain, la planification de la production et les stocks.
Le quatrième axe était la refonte de notre système de téléphonie, un canal très important dans l'approche omnicanal d'OGF. En 2015, nous sommes passés à la téléphonie sur IP et nous avons également déployé un système pour tendre vers le « zéro appel client perdu ». Concrètement, nous récupérons tous les appels passés aux agences si personne ne répond au bout de quelques sonneries, et nous les redirigeons vers un centre d'appel géré par Armatis.
Enfin, nous avons mis en oeuvre une stratégie digitale pour rénover l'ensemble de nos sites Internet. Nous avons d'abord migré la marque PFG et plus de 350 autres sites du réseau Dignité Funéraire et d'autres marques sous le logiciel Open Source Drupal. Nous avons ensuite conçu des simulateurs, pour permettre aux clients de faire des simulations sur les prestations obsèques, les assurances et la marbrerie. Ceux-ci ont été déployés début 2019. Nous avons aussi mis en place une agence centrale qui capte tous les flux Internet, les appels issus de nos partenaires et ceux de notre ligne urgence décès 3123. L'agence traite les appels téléphoniques en direct et rappelle les clients ayant fait une demande sur Internet, afin d'affiner la proposition de prestations en fonction de leurs besoins. Ensuite, les clients sont invités à se rendre en agence pour finaliser la transaction. Un projet de digitalisation des moyens de paiement est également en cours. Il va permettre à nos commerciaux dans les agences de proposer de nouvelles solutions de paiement. Depuis début juillet 2020, nous avons même dématérialisé tout le processus de vente sur des prestations obsèques simples, notamment la crémation en Île-de-France. Tout peut se faire à distance : devis, signature électronique et versement de l'acompte. Dans la continuité de ce travail, nous allons bientôt déployer d'autres fonctionnalités, comme un menu « mon compte » sur le site pgf.fr, où les clients pourront consulter leurs factures.
CIO : vous avez dématérialisé une part importante de vos processus client. Qu'en est-il avec les collectivités ?
M. Albert : Il subsiste encore un flux papier important dans nos échanges avec les collectivités. La numérisation de la déclaration de décès, en phase pilote, devrait permettre d'aller vers davantage de dématérialisation. Nous allons devoir équiper nos ambulanciers.
CIO : vous travaillez également beaucoup sur la digitalisation des processus internes...
M. Albert : Nous avons de nombreuses initiatives, à tel point que nous avons lancé un programme de communication dénommé « Connexion » pour informer sur tous les projets de digitalisation en cours. En 2019, nous avons démarré le déploiement de Microsoft Teams, finalisé en fin d'année pour le siège et les services centraux. Cela s'est révélé plutôt opportun durant la crise du Covid-19 : au moment du confinement, près de 200 réunions par jour ont été organisées sur l'application. Pendant l'été, nous avons étendu le déploiement aux magasins et à nos autres sites. Nous utilisons également une solution fournie par la start-up Quimeo pour organiser la collaboration de manière optimale et suivre les plans d'action.
Côté RH, nous sommes passés à la feuille de paie numérisée début 2020, avec un coffre-fort électronique pour chaque employé. Nous avons également remplacé les chèques restaurants classiques par la carte Swile et l'application mobile associée. Nous avons aussi entrepris la modernisation de notre SIRH, en déployant la paie de Pléiades e5 de Sopra Group. L'objectif est de poursuivre la dématérialisation des processus RH en optimisant notamment la gestion des absences.
Chez OGF, environ 2000 collaborateurs gèrent les prestations obsèques. Nous cherchons également à optimiser ces processus afin d'optimiser les coûts. C'est dans cette optique que nous avons par exemple équipé nos véhicules de boîtiers télématiques couplés à une solution de gestion de flotte, mis en place avec la branche Océan d'Orange Business Services. Ces boîtiers remontent des informations sur les comportements de conduite, permettant d'inciter les conducteurs à une conduite moins énergivore et écoresponsable. Nous avons aussi développé en interne une application dénommée « Pivot » qui permet de planifier les différentes opérations en optimisant les ressources humaines et matérielles, en croisant notamment le planning des collaborateurs, les réservations de véhicules et de matériel. Sur la logistique, nous développons aussi un système pour pousser les flux et approvisionner les sites de façon automatique, afin d'éviter aux opérationnels d'avoir à planifier les commandes d'approvisionnement.
Nous avons aussi beaucoup de projets sur les systèmes financiers, notamment la mise en oeuvre des normes IFRS-16. En ce moment, nous sommes en train de déployer une solution de purchase-to-pay avec Ivalua. Nous commençons par le référentiel fournisseur, afin de diminuer le nombre de fournisseurs pour nos acheteurs en région et de veiller au suivi de nos contrats-cadres. Un deuxième lot est prévu ultérieurement sur la dématérialisation de la facture fournisseur, afin d'optimiser les coûts de traitement.
CIO : quels sont les principaux sujets sur votre feuille de route à l'heure actuelle ?
M. Albert : Aujourd'hui la plupart de nos applications sont hébergées dans les data centers de deux prestataires. Nous arrivons en fin de contrat et nous avons lancé une étude sur l'hébergement dans le cloud. Nous avons déjà certaines applications .Net natives dans le cloud Microsoft Azure depuis 2019, et sur d'autres applications spécifiques, une partie est dans le cloud public et le reste dans un cloud privé. Notre cible est la mise en oeuvre d'une architecture hybride en 2021.
Parmi les autres sujets sur la feuille de route de la DOSI figure la poursuite de la migration dans le cloud public, ainsi qu'un gros projet sur notre outil de gestion commerciale, afin de revoir le parcours client dans les agences. Nous avons un turn-over important dans celles-ci, aussi nous souhaitons mettre en oeuvre un outil simple, qui guide le conseiller funéraire dans sa vente, afin que l'interaction avec le client soit la plus fluide possible. Il s'agit de poser les bonnes questions pendant l'entretien, en se concentrant sur la relation client.
CIO : et côté réseau ?
M. Albert : Notre réseau actuel, géré par Orange, repose sur la technologie MPLS. Environ 500 sites physiques sont reliés, la plupart en fibre. En 2021 nous allons définir une nouvelle architecture cible. Si nous n'excluons pas d'emblée le SD-WAN, la technologie nous semble peu pertinente dans notre contexte. Elle convient mieux aux groupes qui opèrent dans un environnement international, avec plusieurs opérateurs différents. Dans notre cas, il n'existe pas de bénéfice direct.
CIO : avez-vous des initiatives autour de la donnée et des technologies analytiques ?
M. Albert : Nous menons plusieurs projets décisionnels, avec des projets de reporting classique autour de SAP BusinessObjects, pour le suivi du commerce et l'exploitation. Nous utilisons également l'outil de data visualisation de Toucan Toco, afin d'avoir de la visibilité sur nos ventes et de suivre en temps réel l'ouverture des points de vente. En effet, certaines agences sont tenues par un petit nombre de collaborateurs, et quand elles sont fermées cela entraîne un manque à gagner. Nous avons mis en place un outil de planification pour permettre aux commerciaux d'optimiser l'ouverture, et nous avons gagné plus de 5 points sur le taux d'ouverture.
Nous avons également un pilote sur la data visualisation du chiffre d'affaires, afin de ne plus visualiser de l'Excel à tout va, mais plutôt d'identifier rapidement des indicateurs critiques, et de pouvoir effectuer des drill-down afin de pouvoir identifier rapidement les causes en cas de problème.
CIO : pendant la crise du Covid-19, vous avez dû comme beaucoup d'entreprises accompagner le passage en télétravail d'une partie de vos collaborateurs. Comment cela s'est-il passé ?
M. Albert : Lors du confinement, nous avons utilisé la solution LogMeIn qui permet d'accéder à distance à son PC. Grâce à celle-ci, nous avons pu basculer en télétravail assez facilement, en l'espace d'une semaine. Toutefois, avec des ordinateurs portables c'est encore plus simple. Le renouvellement du parc est en cours, en prévoyant une part plus importante d'ordinateurs portables. Pour l'instant, environ 3500 collaborateurs sont informatisés au sein du groupe, avec 2800 postes fixes et 700 portables. Nous souhaitons augmenter l'équipement en portables au niveau du siège pour faciliter le télétravail.
Article rédigé par

Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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