Luc Bretones (G9+) : « la France doit changer de braquet pour le numérique »

Issu des clubs d'anciens élèves de grandes écoles, l'Institut G9+ est un think tank de la transformation numérique de la société au delà des seules entreprises. Le président de l'association, Luc Bretones, nous le présente et explicite les enjeux actuels du numérique dans la France d'aujourd'hui selon la vision de cette association.
PublicitéCIO : Pouvez-vous nous présenter l'Institut G9+ ?
Luc Bretones : Notre association est issue des communautés d'anciens élèves d'écoles d'ingénieurs, d'écoles de commerce, d'universités, etc. Nous avons arrêté de compter à 9 (d'où notre nom) mais nous en sommes à 24. Issus de ces 24 communautés, à raison de deux ou trois personnes pour chacune, nos membres personnes physiques constituent notre équipe de bénévoles. Leurs cotisations sont symboliques et notre financement repose sur des mécènes qui n'ont aucune influence sur nos travaux.
Le G9+ est ainsi un Think Tank autour des thématiques du numérique dans les domaines à la fois personnels ou professionnels. Le numérique s'est en effet immiscé partout et change tout sur son passage : les comportements, les relations sociales, les modèles économiques... L'accélération de l'innovation via le numérique met une pression sur les esprits comparable à celle que met sur les corps des astronautes l'accélération des fusées. Avant, on voyait l'innovation en entreprises et on en parlait à la maison. Aujourd'hui, on essaye plutôt d'amener dans l'entreprise des innovations issues du grand public pour être plus efficace à son travail.
Ainsi, même s'il a de nécessaires vigilances, notre rôle est d'expliquer comment saisir les opportunités issues de cette transformation numérique.
CIO : Et concrètement, quelles sont vos activités ?
Luc Bretones : Nous organisons entre 40 et 50 manifestations par an, nous publions des livres blancs... toujours en respectant nos orientations d'origine. Nous oeuvrons en effet depuis vingt ans avec un triptyque sociologique, économique et technologique. Nous estimons que les trois angles sont nécessaires pour comprendre le numérique et nous nous refusons à en privilégier un seul, par exemple la technologie. Dans les thèmes de colloques récents, citons : la e-santé, l'automobile autonome et connectée, l'industrie du Luxe face au Digital, un Prix de la startup/scale-up innovante, le DevOps...
Notre prochaine grande rencontre annuelle, le 7 mars 2017, portera sur l'avenir du travail. Elle aura lieu à la Maison des Arts et Métiers, avenue d'Iena à Paris.
CIO : Vous avez récemment publié « 2017 : 100 idées pour une France numérique » chez Diateino. Pour quelle raison ?
Luc Bretones : Notre but est de positionner le numérique au coeur de la campagne présidentielle qui va s'ouvrir alors que c'est un sujet qui en est, pour l'instant, totalement absent. Et ce alors que le numérique est au coeur des bouleversements de notre société. Ailleurs, le numérique est souvent au coeur des stratégies des Etats. Il nous tarde que ce soit le cas aussi en France pour que notre pays se projette dans l'avenir.
Nous avons eu des retours de pratiquement tous les partis politiques et nous avons été auditionnés par la plupart des candidats déclarés aux prochaines présidentielles. Notre action n'est clairement pas partisane.
Nous espérons pouvoir recevoir le 7 mars les candidats à l'élection présidentielle.
PublicitéCIO : Une telle prise de position n'est-elle pas une manière d'entretenir le french bashing alors l'Etat met en oeuvre une e-administration efficace et multiplie les opérations telle que la French Tech ?
Luc Bretones : Les actions de Fleur Pellerin ou d'Axelle Lemaire sont très bien mais il faut changer de braquet. Ce n'est que le début de ce qu'il faut faire. Actuellement, le Numérique est au mieux un secrétariat d'Etat, la French Tech une association aux moyens limités. Il faut accélérer. En Asie comme aux Etats-Unis ou même en Allemagne, le numérique est beaucoup plus proche des chefs de l'exécutif. Et ce même si, bien sûr, l'Etat n'a pas à changer les choses à lui tout seul.
CIO : Justement, une initiative telle que la Franch Tech n'a aucun équivalent à l'étranger. Pourquoi l'Etat a-t-il autant à s'impliquer dans le développement d'une industrie innovante et porteuse qui devrait être purement privée ?
Luc Bretones : En Europe, nous avons pour l'instant 28 marchés nationaux et pas un seul marché continental qui reste à fédérer. Et les entreprises restent freinés par le poids bureaucratique, souvent sous le poids même du papier au sens physique, alors même que le numérique permet la simplification et la baisse des coûts. Pourtant, les solutions sont là.
En France, les innovateurs arrivent en effet à se lancer. Mais le problème est celui de la taille de l'aquarium : il ne peut pas y avoir de gros poisson dans un petit aquarium. Et ils finissent par se faire racheter par des acteurs ayant bénéficié d'un marché continental ou de financements plus importants qu'en France, par exemple aux Etats-Unis. Et ce alors que les ingénieurs français sont reconnus dans le monde entier, que nos écoles sont parmi les meilleures ! Bref, les entreprises françaises ont tout pour réussir... sauf un marché adressable assez large.
A cela s'ajoute une difficulté supplémentaire pour le marché du logiciel. Les Etats-Unis ont bénéficié d'une avance et leurs éditeurs « jouent à domicile », les écosystèmes se développant aux Etats-Unis sont autochtones. Là-bas, les gros poissons financent les petits via des fonds d'investissements avant, le cas échéant, de racheter les entreprises innovantes concernées. Cet écosystème marche très bien. Les Chinois commencent à arriver. En France et en Europe, nous n'avons pas pris la vague à temps. Et la consolidation se fait avec les acteurs américains car le marché européen est trop émietté.
CIO : N'y a-t-il aucun espoir ?
Luc Bretones : Il y a dix ou quinze ans, deux tiers des jeunes voulaient devenir fonctionnaires. Aujourd'hui, le rêve est plutôt de créer son entreprise. Il y a eu une évolution culturelle forte.
Les cerveaux vont bien. Les compétences sont là. Le terreau est très favorable. Il faut lâcher les freins et foncer maintenant.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
Commentaire
INFORMATION
Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.
Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire