Linagora tente d'expliquer l'insuccès du poste de travail libre
A l'occasion de l'annonce de la nouvelle version de la suite bureautique d'Oracle, Linagora a fait le point sur ce qui bloque l'usage du logiciel libre sur les postes de travail dans l'entreprise. La société s'est exprimée lors d'un séminaire organisé le 13 juillet à Paris.
PublicitéQuelques mois après le rachat de Sun, Oracle se prépare à lancer la nouvelle version de sa suite bureautique Open Office, la version 3.3. Et c'est la société de services Linagora qui a profité d'un séminaire qu'elle a organisé le 13 juillet à Paris pour revenir sur cet outil encore méconnu et peu utilisé. Assimilable à la suite Office de Microsoft, Open Office tente depuis quelques années de s'imposer auprès du grand public et des entreprises. Et même si ses parts de marché augmentent quelque peu, Oracle - qui en a hérité lors du rachat de Sun - est encore loin d'atteindre le niveau de pénétration de Microsoft.
Faire face aux formats de la suite Office
Sophie Gautier, expert Open Office.org chez Linagora, a expliqué pourquoi cet outil est tant rejeté. Nombre d'entreprises et de particuliers disposent sur leur poste de travail de la suite Office de Microsoft, qui est parvenu à faire de son outil quasiment un standard. Lors d'échanges de documents, les formats les plus utilisés sont le .doc(x) pour les fichiers de type texte, le .xls(x) pour les tableurs et le .ppt(x) pour les présentations.
Ainsi, lorsque des utilisateurs décident de passer en Open Source et d'économiser les coûts de la licence pour obtenir un outil qui délivrera des performances similaires, ils se retrouvent malgré tout face à quelques difficultés. Tout d'abord, lorsqu'un employé envoie un fichier Open Office à un autre collaborateur, si le destinataire ne dispose pas du logiciel ou s'il n'a pas un outil pour lire le format Open Document, il ne pourra pas le lire. Il est vrai que le fichier peut être enregistré dans un format reconnu par Office, mais dans le cas des tableurs et des présentations, des différences entre les versions peuvent apparaître. Comme l'explique Sophie Gautier, « la compatibilité n'est pas totale ». Finalement, une personne qui dispose d'Open Office peut lire les formats Office, mais le plus souvent ne pourra pas faire l'inverse.
Dès lors, si une entreprise décide de migrer toute sa suite bureautique vers Open Office, elle devra prêter une attention particulière à la compatibilité des documents. Car même si les deux logiciels sont compatibles, cette compatibilité atteint des limites, surtout avec les fichiers issus des tableurs. « Une formule de calcul a toutes les chances de ne pas fonctionner dans les deux environnements » souligne Sophie Gautier. Ainsi, pour une DSI, migrer vers de l'Open Source ne se fera pas en un jour. Elle doit prévoir la gestion des ses bases de données, de ses documents, vérifier quels sont les fichiers susceptibles d'être à nouveau utilisés, qui devront être convertis et ceux à archiver, qui ne serviront que dans le cadre d'une lecture.
PublicitéPrivilégier la conduite du changement
En parallèle, la DSI doit se préparer à la conduite du changement. Les utilisateurs ne sont pas habitués à cette solution et perdent leurs repères. La suite bureautique est leur outil au quotidien. Ils peuvent avoir besoin d'une formation. La DSI doit donc ...
Illustration : Sophie Gautier, Expert OpenOffice.org, Linagora (Droits : JG)
...les accompagner dans ce projet. Comme le précise Sophie Gautier, « la personne la plus importante est l'utilisateur et la DSI doit toujours garder cela en tête.». Elle ajoute que « dès le lancement du projet, l'entreprise doit impliquer les utilisateurs, en faire de véritables acteurs ».
Open Office version 3.3
Reste que pour réduire le choc culturel, Oracle a décidé de continuer de s'aligner sur son plus grand concurrent. L'éditeur a ajouté à sa suite quelques fonctionnalités supplémentaires, telles que la mise en place d'un tableur avec 1 048 576 lignes comme pour Excel de Microsoft, l'incorporation de 14 polices PDF standards, ainsi qu'une barre de recherche rapide, évitant à l'utilisateur de devoir effectuer un « Ctrl F ». L'écran d'accueil et les couleurs de la solution seront également différentes. Etant donné le rachat de Sun par Oracle, le rouge remplacera la dominance de bleu.
Les distributions Linux font peur aux utilisateurs
Ceci dit, de nombreux logiciels en Open Source se retrouvent sur les postes de travail ou encore sur les téléphones mobiles via Android, même si leurs utilisateurs ne s'en aperçoivent pas. Certains connaissent même un succès considérable. Quel particulier n'a jamais eu recours à VLC pour lire ses fichiers vidéo ? Le geste devient tellement systématique que les utilisateurs y ont recours sans même se rendre compte que c'est du libre.
Mais côté systèmes d'exploitation, le taux de pénétration est très faible. En effet, les distributions Linux n'excèdent pas les 10% de part de marché, loin derrière Microsoft et son système d'exploitation Windows. Linux est effectivement méconnu du grand public et peine à s'imposer tant auprès des particuliers que des entreprises. Comme le précise Guillaume Degroisse, Responsable du pôle Conseil de Linagora, « l'Open Source et plus précisément Linux font peur aux utilisateurs ». Souvent considérées comme des solutions pour des développeurs et à plus large échelle pour des informaticiens, les utilisateurs ont tendance à l'assimiler aux anciennes interfaces conçues en mode non graphique, destiné à un public d'experts. « Généralement, les utilisateurs veulent du Windows sur leur poste de travail » déclare Guillaume Degroisse.
Migration du système d'information en open source
Migrer vers du 100% Open Source en entreprise peut donc s'avérer être un véritable combat avec les utilisateurs. Pour l'heure, 74% des postes de travail des entreprises sont encore sous Windows XP. Pourtant, Michel Loiseleur directeur LRS chez Linagora entend souligner que contrairement aux idées reçues, « depuis 2007, le noyau Linux est le système qui supporte le plus de périphérique externes ». Et ...
...lorsque les solutions ne sont pas conçues pour Linux, l'utilisateur peut malgré tout lancer l'application via Wine, un programme qui permet de lancer un logiciel en .exe (donc prévu pour Windows) sur un noyau Linux.
Reste que selon Michel Loiseleur, il faut miser sur le progressif. Ce que confirme Guillaume Degroisse : « une entreprise ne va pas passer immédiatement et totalement en Open Source ». Il estime que « de plus en plus d'entreprises passent à l'Open Source pour les logiciels applicatifs et non pour le système d'exploitation ». Tous les secteurs sont concernés. Ces entreprises seraient attirées par une réduction des coûts, liée à l'absence d'achat de licence, par une moindre dépendance de l'entreprise vis-à-vis de ses éditeurs, par des migrations simplifiées ainsi que par l'absence de nécessité de renouveler fréquemment le matériel.
Mais face à ces atouts, le libre présente également des inconvénients. Par exemple, Guillaume Degroisse rappelle la nécessité de mener une conduite du changement en raison d'une perception négative qu'ont généralement les utilisateurs. Et, le libre n'est pas réellement sans coûts. Certes les licences sont gratuites, mais il faut tenir compte des frais induits. Certaines entreprises réclament des services personnalisés, modifient le code source en fonction de leurs besoins. Ces services, eux, impliquent des frais. De plus, Guillaume Degroisse donne l'exemple de la reprise ou du traitement de données issues d'applications spécifiques qui s'obtient difficilement sans perte ni frais. On peut également ajouter le fait - concernant les serveurs, et non mentionné durant la conférence de Linagora - que Oracle par exemple impose à l'entreprise qui choisit la version de sa base de données disponible sous Linux d'installer la distribution de Linux de Red Hat qui s'accompagne d'un support payant !
Rendre l'outil plus intuitif et plus accessible
Pour attirer davantage et gagner des parts de marché, « les distributions Linux ont longtemps cherché à ressembler graphiquement à du Windows », s'exclame Michel Loiseleur. « Aujourd'hui, ils se différencient ». Il faut marquer la rupture. « La plus grosse erreur a été de faire un gnome [NDLR : interface graphique de Linux] qui ressemble à Windows » ajoute-t-il. Les gens étant encore plus perdus et essayant de retrouver absolument tout ce qu'ils avaient auparavant. Et ils n'y arrivent pas.
Afin de faciliter le passage à Linux dans l'entreprise, la société Linagora indique qu'elle a fait en sorte que le système d'exploitation communique le moins possible avec l'utilisateur. Car comme le résume Michel Loiseleur, « le DSI attend du « zéro question », il ne veut pas de problèmes avec Linux ». Linagora a donc programmé le système d'exploitation pour que les mises à jour soient automatisées à l'arrêt du poste de travail. L'utilisateur ne peut modifier les paramètres, et s'il le fait, tout est réinitialisé automatiquement avec les paramètres de base, assurant ainsi une uniformisation des postes de travail.
Article rédigé par
Johanna Godet
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