Licensing : Microsoft s'attaque aux Accords Entreprise pour remonter ses tarifs
Au fil du renouvellement de ses contrats, le premier éditeur mondial pousse une nouvelle forme de licensing, basée à 100% sur une logique d'abonnement. La conséquence ? Une facture globale en hausse de 5 à 40 % pour les entreprises.
PublicitéEn matière de licences, la contractualisation des grandes organisations avec Microsoft passe, la plupart du temps, par un contrat appelé Accord Entreprise (Enterprise Agreement ou EA), qui permet d'acheter en lot des licences du premier éditeur mondial pour les parcs dépassant 500 utilisateurs ou appareils. Une fondation de la relation contractuelle entre les DSI et l'éditeur, que ce dernier semble déterminé à remettre en cause au profit d'un nouveau type de contrat, basé entièrement sur une logique d'abonnement à des services, dont les prix sont susceptibles d'être réévalués tous les six mois et sont soumis à la fluctuation du taux de change euro/dollar.
Baptisé Microsoft Customer Agreement (MCA), ce contrat doit être, selon l'annonce de Microsoft datant de novembre dernier, réservé à « un petit pourcentage de clients sous Enterprise Agreement ». Sauf que le Cigref en a une perception un peu différente. « Notre impression, c'est que, lors des renouvellements de contrat, Microsoft oriente systématiquement les entreprises disposant d'un Accord Entreprise vers un contrat MCA. Plusieurs de nos membres se retrouvent aujourd'hui confrontés à cette situation », dit ainsi Henri d'Agrain, le délégué général de l'association de grandes entreprises et administrations françaises.
Ballon d'essai ou rouleau compresseur ?
Et le constat est similaire au sein d'Elée, cabinet français spécialisé dans le conseil en gestion des actifs et achats logiciels. Son responsable du pôle d'expertise Microsoft, Adrien Schmitt, explique : « Lors des renouvellements de contrats, Microsoft arrive avec ce nouveau modèle. Nous avons déjà assisté à une tentative de simplification de la part de l'éditeur, avec le contrat MPSA en 2016. Mais cette initiative avait rencontré peu de succès à l'époque », note l'expert, qui s'interroge sur la détermination du premier éditeur mondial à imposer, cette fois, ses vues à sa base de clients, particulièrement aux grandes entreprises. Parmi les présents à un webinar organisé précisément par Elée sur le sujet, 11 répondants ont affirmé avoir été approché par Microsoft pour remplacer leur EA par MCA, tandis que 20 autres n'ont décelé aucun mouvement de la sorte pour l'instant.
Selon Elée, MCA est même appelé à s'imposer comme le remplaçant de tous les contrats existants (dont Select+ et Open). Une simplification massive puisque les équipes de Microsoft doivent actuellement gérer 23 types différents de contrats, comportant chacun des mécaniques différentes. « Microsoft fait valoir que MCA se concrétise par un document unique de 14 pages et par une flexibilité accrue sur la facturation, par exemple dans la gestion contractuelle de déploiements multi-tenants », indique Adrien Schmitt
Microsoft tire un trait sur toutes les négociations passées
PublicitéSauf que cette simplification pourrait bien s'effectuer aux dépens de la base installée. Et des budgets de nombreux DSI. Car MCA tire un trait sur les négociations passées et introduit quelques nouveautés qui font grincer des dents dans les entreprises. « Ce nouveau contrat semble certes présenter des intérêts, notamment en termes de flexibilité, mais il pose aussi un certain nombre de questions, du fait de la disparition des remises au volume, de l'obligation de souscrire les contrats en dollars - avec des réajustements chaque mois en fonction des taux de change - ou encore de la disparition des licences perpétuelles », souligne Henri d'Agrain. Qui pointe en particulier la dépendance au taux de change euro-dollar, « qui pose un problème de prédictibilité des coûts aux DSI. Microsoft gagne en visibilité au détriment de ses clients. »
L'arrivée de ces nouvelles conditions se traduit surtout par une sérieuse inflation de la facture. « D'après nos observations, à iso-périmètre, le changement de contrat se traduit par une hausse entre 5 et 40% des coûts pour les entreprises, principalement due à la perte des avantages négociés dans la précédente architecture contractuelle, assure Henri d'Agrain. Et cette hausse vient s'ajouter à celle subie en 2023, lors des réajustements de tarifs par Microsoft. Une première poussée que nos adhérents ont évaluée à environ 20%. »
La fin des licences perpétuelles
Dans cette inflation de la facture, la fin des remises au volume, accordées de façon quasi-automatique au sein des EA selon les experts d'Elée, pèse évidemment lourd. Celles-ci s'échelonnent entre 6 et 12% des prix catalogue. « Et vous pouviez aller chercher des remises supplémentaires, des conditions qui seront également perdues lors du passage à MCA », souligne Guillaume Geudin, directeur du pôle performance achats d'Elée. Enfin, MCA est un contrat d'abonnement, ce qui a un impact pour les entreprises ayant acheté leurs licences de produits serveurs (Windows Server, SQL Server). « Le passage à MCA signifie que, si le contrat s'arrête, les entreprises ne disposent plus d'aucun droit sur ces produits », résume Guillaume Geudin. Contrairement au modèle centré sur les licences perpétuelles.
Pour Guillaume Geudin, le passage à MCA doit pousser les DSI à renégocier toutes les clauses obtenues au fil du temps, « sur les tribunaux éligibles, sur la confidentialité, sur les affiliés, sur les conditions d'audit, sur les produits gratuits, etc., énumère-t-il. Oui à la simplification, mais non à la perte des conditions spécifiques passées ! » Or, justement d'après le Cigref, Microsoft se montre, pour l'instant, assez peu ouvert à la renégociation des clauses standards de son MCA. « Les seuls assouplissements concernant pour l'instant la possibilité de modifier la juridiction applicable prévue par défaut dans MCA, indique Henri d'Agrain. Nous sommes réellement inquiets face à ces conditions assez léonines. Ce changement se focalise sur la partie Azure, mais sera certainement étendu à l'ensemble des produits Microsoft. Dans les faits, le passage à MCA va renforcer la situation de dépendance économique des entreprises françaises, car, dans deux à trois ans, à mesure des renouvellements de contrats, MCA concernera l'ensemble des services Microsoft. »
Contacté par la rédaction, Microsoft n'a pas souhaité répondre à nos questions.
Article rédigé par
Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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