Stratégie

Licences Microsoft : l'Education Nationale joue au mauvais élève

Licences Microsoft : l'Education Nationale joue au mauvais élève
Quelques jours avant d’officialiser son contrat avec Microsoft, le ministère de l’Education envoyait une note aux recteurs d’académie leur demandant de proscrire tout recours à des suites collaboratives non souveraines. (Photo : D.R.)

En pleine brouille transatlantique et alors que la dépendance de l'économie française à la technologie américaine interroge, le ministère de l'Education Nationale renouvelle ses licences Microsoft. De quoi s'attirer une volée de bois vert.

PublicitéAu mauvais endroit, au mauvais moment ? Le contrat passé par l'Education Nationale pour le renouvellement de ses licences Microsoft suscite l'incompréhension. L'accord, rendu public le 14 mars, a notamment poussé le député Philippe Latombe à déposer une question écrite au gouvernement, demandant à la ministre de l'Education, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Elisabeth Borne, de dénoncer ce contrat.

D'une durée de quatre ans au maximum (avec un engagement ferme de 12 mois), le contrat passé par la rue de Grenelle porte sur des licences Microsoft « couvrant les usages des agents des services centraux et déconcentrés des ministères chargés de l'éducation nationale et de la jeunesse, de l'enseignement supérieur et de la recherche, des sports et des jeux olympiques et paralympiques ainsi que pour le compte des établissements de formation et de recherche ». Découpé en trois lots, dont les deux principaux ont été remportés par la société Crayon France, il est évalué à environ 75 M€ à date (pour un montant maximum de 152 M€) et couvre quatre types de contrats du premier éditeur mondial (MPSA, EES, CSP-NCE-Educ et SPLA). Un troisième lot, plus modeste et remporté par Open, couvre le support.

Contrats publics réservés à Microsoft ?

Pour le député Philippe Latombe, qui appartient au groupe Les Démocrates, ce contrat « fait fi des directives successives qui, depuis plusieurs années déjà, alertent [les décideurs], voire leur interdisent, de continuer à utiliser ou choisir des solutions étrangères, non souveraines et, dans le cas qui nous intéresse, assujetties à l'extraterritorialité du droit américain. » Dans sa question au gouvernement, le député souligne que ces restrictions devraient d'autant plus s'appliquer que les actuelles relations transatlantiques se sont pour le moins rafraichies.

De son côté, le Conseil National du Logiciel Libre (CNLL) demande l'annulation du contrat et dénonce un marché public « attribué sans mise en concurrence réelle », pour équiper les services centraux et les établissements d'enseignement supérieur en solutions Microsoft, incluant Office 365. Un contrat qui, selon cette association d'entreprises de l'Open Source, va aggraver « une dépendance technologique déjà excessive et dangereuse à un acteur américain ». En 2020 déjà, et pour les mêmes raisons, le CNLL dénonçait un précédent contrat passé par l'Education Nationale pour des licences Microsoft couvrant les besoins des agents des services centraux et déconcentrés du ministère. Là encore, le marché se référait explicitement aux produits de l'éditeur américain. Ce marché avait d'ailleurs été attaqué par l'association Anticor, qui avait déposé une plainte pour favoritisme auprès du Parquet national financier le 2 mai 2022, arguant que les dispositions du Code de la commande publique prévoient que « les spécifications techniques d'un marché ne peuvent se référer à une marque ou à un brevet lorsque cela est susceptible de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs ».

PublicitéUne note aux recteurs qui proscrit la suite de Microsoft

Par ailleurs, l'administration de la rue de Grenelle semble s'affranchir des consignes que sa propre Direction du numérique impose aux recteurs et secrétaires d'académie. Dans un courrier datant du 28 février, le service dirigé par Audran Le Baron rappelle la doctrine de l'Etat, au sein de laquelle toute donnée « d'une sensibilité particulière et dont la violation est susceptible d'engendrer une atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique, à la santé et la vie des personnes ou à la protection de la propriété intellectuelle » doit être hébergée et traitée sur des environnements qualifiés SecNumCloud. Or, en septembre 2021, la DSI de l'Etat avait clairement indiqué que les solutions collaboratives, bureautiques et de messagerie « sont réputées relever de systèmes manipulant des données d'une sensibilité particulière ». Conclusion : l'utilisation de solution non souveraine dans l'éducation, y compris dans le cadre du fonctionnement administratif des établissements scolaires, reste exclue, rappelle la Direction du numérique de la rue de Grenelle. Autrement dit, les académies sont priées de respecter des règles dont l'administration centrale s'affranchit.

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