Tribunes

Les tendances tech 2025 : industrialiser pour assurer la création de valeur

Olivier Rafal, consulting director strategy de Wenvision

Quelles innovations technologiques l'an prochain ? Nous nous posons chaque année la question. Et notre réponse en cette fin 2024 tourne davantage autour de l'opérationnalisation des technologies que des technologies elles-mêmes. Le domaine de l'IA générative continuera de nous étonner, mais nous misons surtout sur une consolidation des fondamentaux, qu'il s'agisse de technologie, de modèle organisationnel ou de culture d'entreprise.

Publicité« L'art de la prédiction est une chose difficile - surtout lorsqu'elle concerne le futur... » Quel que soit l'auteur de cet aphorisme (Groucho Marx ? Niels Bohr ? Pierre Dac ?), il avait bien raison. Ce qui ne nous empêche pas, chaque année, de nous livrer à l'exercice des tendances technologiques pour l'année à venir. Logiquement, le lecteur s'attend à ce que nous parlions essentiellement d'innovations. Pourtant, si je devais trouver un mot pour résumer notre sentiment, ce serait plutôt celui d'"industrialisation".

La notion d'industrialisation traduit la nécessité d'une prise de recul sur nos systèmes d'information et les innovations technologiques qui se bousculent pour y entrer. La période d'incertitude économique y est propice : il faut rentabiliser, démontrer qu'on délivre de la valeur. De même, les inquiétudes et réglementations liées aux enjeux environnementaux poussent à s'interroger et à faire mieux.

Cela ne veut pas dire que nos SI ne vont pas évoluer, au contraire. Revue de détail de ce que nous attendons pour les produits que nous délivrons, la data sur laquelle nous nous basons et les plateformes pour soutenir l'ensemble.

Produits : renforcement du rôle stratégique du product management

La notion d'organisation orientée produits se généralise dans les entreprises. Comme l'agilité naguère, chacune l'interprète cependant à sa manière. Au vu du contexte français et international de ce début d'année 2025, nous misons sur un renforcement du rôle des chief product officers (CPO) et des product managers (PM). Ils vont devenir en quelque sorte des boucliers stratégiques pour les Comexcomex, avec une mission : naviguer dans la complexité et traduire les orientations stratégiques en actions concrètes.

Pour ce faire, eux aussi devront industrialiser leur approche, en apprivoisant l'IA générative. D'une part, il s'agit de mettre à profit ses capacités, en se formant à ces outils. Par exemple, pour créer des personaas fictivfes ou compiler des dossiers de recherche sur un marché (les premiers agents IA obtiennent déjà des résultats remarquables). D'autre part, les PM doivent piloter l'adoption des plateformes d'IA Generative générative en en faisant de véritables produits. Cela veut dire gérer leur cycle de vie, jauger de leur pertinence par rapport aux cas d'usage et soupeser leur intérêt stratégique par rapport aux enjeux économiques et environnementaux.

Data : le retour aux fondamentaux

L'évolution technologique dans le domaine de l'IA reste bluffante, notamment sur la capacité à agréger des données fraîches avec celles contenues dans le LLM (citons les FreshLLM mais aussi le RIG (Retrieval Interleaved Generation) qui vient compléter le RAG, en intercalant des recherches dans des sources externes). L'IA générative tire aussi quelques évolutions dans la data, comme la montée en puissance des bases multi-modèles (typiquement, la capacité à traiter des données vectorisées en plus du modèle de base). L'usage accru de l'IA entraîne parfois quelques désagréments qui nous rappellent à l'ordre sur la gouvernance des données, et c'est une bonne chose.

PublicitéLa gouvernance des données est très souvent négligée, au profit d'outils de data management (dictionnaires, catalogues, etc.) auxquels on confie un rôle qu'ils ne sont pas censés jouer. Les problématiques de confidentialité et de qualité rencontrées avec les produits IA obligent à remettre cela à plat. De même, les notions d'urbanisation, d'architecture et de choix des données pertinentes (ou "small data", par opposition à ce qui fut la grande tendance des années 2010) reviennent en force.

L'industrialisation se renforce aussi avec les outils d'observabilité et de lignage, indispensables pour avoir confiance dans la donnée. Enfin il faut, en face de ces outils, des utilisateurs capables de comprendre une data, une information fournie par une IA, et la manière dont tout cela a été fabriqué ; l'acculturation - pour une montée en puissance de la "data literacy" - sera un des gros enjeux de 2025.

Plateformes : automatiser les opérations

Encore un domaine où la généralisation de l'IA met en exergue la nécessité d'industrialiser les choses. C'est particulièrement vrai pour le développement : le code généré va prendre une place de plus en plus importante, et ce serait dommage de s'en priver. Mais pour qu'il parte en production sans souci, il faut que le système d'information soit en mesure de l'absorber. Ce sera le rôle du platform engineering que de prévoir cet environnement, avec des contraintes à respecter et des tests automatisés.

Après avoir mis en place des infrastructures modernes, il est temps de s'occuper de leur optimisation et de leur gestion. Nous attendons ainsi de gros efforts sur les "ops" en 2025. Notamment le FinOps, pour démontrer la valeur du cloud, et l'API-Ops, pour commencer à traiter les API comme des produits, avec un cycle de vie, des clients, des contrats...

Montée en puissance de l'AI-Ops

De même, l'AI-Ops devrait monter en puissance dans le cloud. Gartner parlait dès 2016 de ces outils d'exploitation augmentés par l'IA, mais l'accent mis cette année sur l'optimisation des infrastructures cloud devrait enfin conduire les entreprises à y recourir massivement : pour l'observabilité et la détection d'anomalies, l'auto-scaling intelligent des ressources ou encore l'auto-remédiation des incidents courants.

Et si vous êtes friands d'innovations purement tech, regardez du côté des CPU que mettent au point les géants du cloud, sur la base des processeurs ARM. C'est une partie de la réponse aux enjeux de consommation. Pour le reste, à nous aux entreprises de suivre les principes d'éco-conception, sous la houlette de PM attentifs !

Article rédigé par

Olivier Rafal, Consulting Director Strategy de WEnvision
Olivier Rafal est Consulting Director Strategy de WEnvision, cabinet de conseil du groupe SFEIR. Consultant, auteur, conférencier, formateur, Olivier Rafal a rejoint SFEIR en 2020 et cofondé WEnvision en janvier 2022.

Ancien rédacteur en chef de lemondeinformatique.fr, Olivier Rafal a ensuite passé 10 ans dans un cabinet de conseil et d'analyse du marché IT. Il accompagne aujourd'hui les entreprises tout au long de leur démarche de stratégie numérique et de modernisation des SI, toujours dans l'optique de la création de valeur.

Olivier est ainsi l'interlocuteur privilégié des CIO et CTO pour co-construire et formaliser leurs feuilles de route, cadres de gouvernance et grands principes directeurs, ainsi que les documents et business cases requis pour expliquer la démarche aux Comex et fonds d'investissement.