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Les signes révélateurs d'un dysfonctionnement de l'IT - et comment y remédier

Les signes révélateurs d'un dysfonctionnement de l'IT - et comment y remédier
Nimesh Mehta, DSI de National Life Group : « restez simple et concis pour transmettre votre vision. »

Le succès d'une transformation peut être mis en péril par une culture IT qui fonctionne mal. Mais ces dysfonctionnements trouvent souvent leur origine dans des silos, des structures organisationnelles et un manque d'envie ou d'incitations à collaborer. CIO États-Unis a recueilli les conseils de DSI et d'experts du secteur pour prévenir de telles dérives.

PublicitéLe rôle de l'IT évolue et la transformation digitale s'accompagne d'une série de nouvelles responsabilités et de présupposés qui peuvent conduire à des dysfonctionnements au niveau de l'IT. L'explosion des initiatives, le besoin de produire plus rapidement, les interactions constantes avec les métiers, la gestion d'environnements de cloud public au lieu des traditionnels datacenters... Avec autant de changements au menu de l'IT, il n'est guère étonnant de voir dans le même temps les tensions et les défis augmenter dans les organisations.

Même si la technologie concentre l'attention, certains analystes estiment que les racines des dysfonctionnements que l'on peut observer aujourd'hui remontent à la persistance de silos dans l'entreprise, à des structures organisationnelles qui mesurent la performance au niveau vertical plutôt que de manière horizontale, ainsi qu'à une réticence à la collaboration, alors que celle-ci est essentielle pour avoir une stratégie digitale partagée à l'échelle d'un groupe. « Beaucoup d'organisations choisissent simplement de coopérer », lance Troy DuMoulin, vice-président de la recherche et du développement chez Pink Elephant, une société de conseil et d'accompagnement au changement. « La collaboration implique que vous et moi avons des objectifs, des valeurs, des méthodes et des indicateurs communs, dont nous sommes tous deux responsables. La coopération n'englobe rien de tout cela », ajoute-t-il. « Notre culture de la pensée en silos considère que la coopération est le meilleur scénario. Mais la collaboration n'existe pas s'il y a une distance. Nos structures, nos dispositifs d'encouragement, nos organisations managériales - toutes poussent les managers à s'occuper seulement de leurs équipes. »

En se basant sur ces constats et d'autres signes de dysfonctionnement IT, des DSI et des analystes partagent leurs conseils pour traiter ces problématiques avant qu'elles ne mènent les initiatives de transformation dans une impasse.

Des projets qui ne vont pas assez vite

Dans ce scénario, les organisations veulent aller vite, mais elles sautent d'un projet à l'autre, et souvent, il ne s'agit pas de projets prioritaires dans la stratégie digitale de l'entreprise, ni de ceux avec le meilleur ROI ou destinés à renforcer l'organisation. En réalité, ce sont les départements qui crient le plus fort qui tiennent le gouvernail.

« Vous subissez cette pression pour aller vite, alors qu'il n'est pas possible de se transformer rapidement si tout le monde ne va pas dans la même direction. Or chacun a une perception différente des priorités », pointe Troy DuMoulin. Les équipes agiles travaillent en itérations rapides avec les départements, comblant l'écart entre l'IT et le métier avec des boucles de feedback et de développement courtes. Mais quand vient le moment de déployer à l'échelle de l'entreprise, cette collaboration en petit groupe ne suffit pas.

PublicitéDevOps a été créé pour aider à résoudre ce problème, en regroupant tous les acteurs du processus et en privilégiant la collaboration, la culture et l'esprit d'équipe. « Mais beaucoup d'organisations qui utilisent DevOps ne s'attachent pas à ces enjeux de culture et d'organisation qui ont ressurgi, mais préfèrent mettre en place des éléments d'automatisation pour l'intégration continue, les tests et le développement », constate Troy DuMoulin. « Et ce concept d'équipe cross-fonctionnelle n'est plus alors qu'un emplâtre masquant la pensée en silos », ajoute-t-il.

Les décideurs métier ont peu d'estime pour l'IT

Après avoir accompagné la transformation digitale du groupe de conseil immobilier Colliers International pendant plusieurs années et connu la pression de créer de nouvelles solutions rapidement, le DSI Mihai Strusievici a été confronté à des reproches injustifiés. Les décideurs métier avaient accumulé de la frustration à cause de projets qu'ils considéraient comme à moitié achevés. « Nos partenaires métier partent parfois du principe que si vous créez des applications rapidement, vous allez également tout réussir du premier coup », observe Mihai Strusievici. En réalité, une application réussie passe souvent par de nombreuses itérations avant de pouvoir être mise en production.

Ceci n'est qu'un exemple de situation pouvant conduire les décideurs métiers à avoir une faible opinion de l'IT. Si rien n'est fait pour y remédier, cela peut mener à un désengagement de l'IT dans les opérations métier. Dans un scénario avec un niveau de confiance faible, « les autres managers de l'organisation n'ont pas d'intérêt à un partenariat avec le département IT s'ils estiment que celui-ci a peu à leur offrir », prévient Ted Ross, DSI de l'Agence des technologies d'Information (ITA) de la ville de Los Angeles. Non seulement ce type de situation conduit à une hausse du Shadow IT, mais cela génère également un manque de visibilité qui peut causer des problèmes de sécurité.

« Les conséquences d'un tel dysfonctionnement sont dramatiques », avertit Ted Ross. « Les départements IT sont perçus comme apportant peu de valeur à l'entreprise, alors même que la technologie est le plus grand différenciateur dans bien des organisations. Aujourd'hui les décideurs métier peuvent facilement accéder à toute une série d'applications en ligne simples à configurer, sans vraiment passer par la DSI. Sans un effort d'engagement concerté au niveau du département IT, celui-ci peut être perçu comme obsolète face aux solutions des tierces parties. »

Le métier divise et conquiert l'IT

Si le métier a une faible opinion de la DSI, alors ils peuvent être tentés de la manipuler. Un signe classique de dysfonctionnement apparaît quand les métiers entendent un « non » de la part d'un membre de la DSI, et tentent le coup auprès d'autres représentants IT jusqu'à ce qu'ils obtiennent un « oui ». « C'est le vieil adage - diviser pour mieux régner », estime Nimesh Mehta, DSI du fournisseur de services financiers National Life Group. « Une équipe dysfonctionnelle manque d'une vision et de priorités pour les guider, ce qui se traduit par une prise de décision inefficace et non coordonnée. Cela se termine généralement par un échec lors de l'exécution. »

Un découragement, un haut niveau de stress ou des conflits au sein de l'équipe

Ces problèmes objectivement graves débutent généralement de façon subtile - par des échéances manquées, des exécutions qui traînent, des projets insatisfaisants. « Mais ces petits soucis mineurs peuvent rapidement se transformer en problèmes plus importants, dont il peut être bien plus dur de se remettre », comme un turnover permanent ou une défaillance majeure de l'IT, note Steve Haindl, vice-président exécutif de la technologie et de l'innovation chez Holman Enterprises.

Cette baisse de moral peut être attribuée aux nombreux rôles que l'IT doit assumer, mais elle peut également provenir de structures de performance qui ne sont pas en phase avec ses différentes responsabilités, précise Troy DuMoulin.

Les collaborateurs de la DSI assument en général trois rôles. Ils exécutent les tâches fonctionnelles de l'IT, réalisent les projets qui leur sont attribués et ils participent à des équipes cross-fonctionnelles avec d'autres départements de l'organisation. Leur performance, cependant, est évaluée en premier lieu - et parfois uniquement- par rapport aux tâches fonctionnelles, sur lesquelles ils passent seulement un tiers de leur temps, ajoute le VP de Pink Elephant.

Dans le même temps, les cadres intermédiaires peinent à atteindre leurs propres objectifs de performance, alors qu'ils mettent sans cesse leurs collaborateurs IT à la disposition d'autres équipes. « Ils distribuent leur capacité, mais nous ne changeons pas la manière dont nous les évaluons, alors même que nous les tenons pour responsables de leur propre bilan et des projets qu'ils doivent mener à bien. Les fiches de postes, les fonctions et les rôles ne sont pas alignés avec cette nécessaire collaboration. Les structures de gestion de la performance sont de fait en contradiction avec ces objectifs », souligne Troy DuMoulin.

Comment régler ces problèmes

Pour remédier aux dysfonctionnements de l'IT, il faut d'abord s'assurer que tout le monde - pas seulement le département IT, mais l'organisation entière - est aligné sur les objectifs métier. Tout commence avec le leadership, insiste Steve Haindl. « Il faut une vision et une compréhension claires des priorités stratégiques de votre entreprise. »

Dans le département IT, l'alignement se poursuit en établissant une vision claire et concise et une stratégie de performance pour l'équipe. « Si votre vision ne tient pas en quelques phrases percutantes, alors vous aurez une équipe dysfonctionnelle qui navigue à vue dans le brouillard », avertit Nimesh Mehta. « Restez simple et concis pour transmettre votre point de vue. »

Avec ces fondamentaux en place, vous pouvez commencer à optimiser votre département IT et déterminer comment vos collaborateurs vont supporter et exécuter ces objectifs, conseille Steve Haindl. Pour aller un cran plus loin, cherchez à construire un environnement de travail qui favorise une collaboration fluide, ajoute Steve Haindl. « Une direction IT qui adopte la confiance, la transparence et la communication ouverte comme principes sera bien positionnée pour surmonter tous les challenges et fournir des résultats réellement pertinents pour votre entreprise. »

Pour Ted Ross, les DSI ont un rôle unique à jouer pour traduire la valeur du département IT auprès de leurs homologues métier. Pour régler les problèmes de désengagement de l'IT dans le métier, les DSI doivent aller à la rencontre de leurs collègues métier et se familiariser avec leurs opérations, et objectifs clefs, et aider à initier le dialogue pour voir comment la technologie peut les aider à progresser sur ces objectifs. Les DSI doivent aussi s'atteler à bâtir une culture de l'engagement au sein de leur département. Il doit y avoir des connexions claires entre les projets IT et les résultats métier. Les équipes IT doivent percevoir la dimension de service client de leur rôle, et ne pas se contenter de maintenir les applications et l'infrastructure. Enfin, il faut développer chez les collaborateurs de la DSI les compétences non techniques attendues dans les départements IT modernes, ajoute Ted Ross. Celles-ci englobent notamment la prise de parole en public, la communication interpersonnelle et le service client. « Même si bien des collaborateurs IT ont choisi ce domaine en raison de leur intérêt pour la technologie, ils auront besoin d'élargir leur panel de compétences pour parvenir à établir des interactions efficaces avec leurs clients », résume Ted Ross.

Enfin, quand il s'agit de diminuer le stress et les conflits autour du partage de ressources, selon Troy DuMoulin, « il faut réaligner le management et les structures organisationnelles pour offrir des perspectives davantage horizontales. » Citant la loi de Conway, Troy DuMoulin est convaincu que « la structure dicte l'architecture », comme le programmeur Melvin Conway l'a énoncé dans les années 1960. « Nous sommes l'environnement que nous créons ». La clef pour résoudre un dysfonctionnement de l'IT réside dans l'adoption de structures horizontales qui tiennent compte du rôle mouvant de l'IT et récompensent sa capacité d'adaptation.

Article de Stacy Collett / CIO États-Unis (Adaptation et traduction par Aurélie Chandèze)

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