Les entreprises mènent une transformation digitale forcée, pour le meilleur et le pire

Le cabinet Lecko a présenté l'édition 2022 de sa traditionnelle étude annuelle sur la transformation numérique des entreprises, sans cacher les mauvaises pratiques et zones d'ombre.
PublicitéAprès deux années de crise sanitaire avec la bascule forcée et brutale vers le télétravail pour tous ceux qui le pouvaient, le monde du travail semble profondément transformé. C'est dans ce contexte que le cabinet Lecko a publié l'édition 2022 de son traditionnel « Etat de l'art de la transformation interne ». Basé sur les travaux du cabinet sur les solutions de collaboration disponibles sur le marché (55 solutions jugées selon 130 critères cette année), sur les retours liés aux missions réalisées en entreprises par Lecko et surtout sur une enquête auprès d'un millier d'entreprises (1007 cette année) représentant environ 30 000 collaborateurs, cette étude permet de faire un point sur l'évolution des pratiques en entreprises comme des possibilités technologiques. L'étude se télécharge sur son site (gratuite contre qualification).
Or le cabinet Lecko n'a pu, par la voix d'Arnaud Rayrole, son directeur général, ou d'autres collaborateurs étant intervenus lors de la présentation de l'étude, que regretter bien des côtés négatifs à la transformation en cours. Certes, la crise sanitaire a permis de bousculer les entreprises et de les forcer à adopter de nouvelles pratiques massivement, à commencer par le télétravail, mais à quel prix ? Et avec quelle efficience ? Typiquement, les mesures opérées par Lecko montrent que, d'un côté, les outils collaboratifs, les messageries instantanées, les visioconférences, etc. se développent mais, de l'autre côté, les volumes d'e-mails également s'accroissent. Il en résulte un constat de saturation de l'attention, d'émiettement de l'information entre les différents canaux, d'une accumulation désordonnée... bref, tout le contraire de la clarté et du partage attendus du développement de la collaboration digitale.
Lecko a présenté les bonnes et mauvaises pratiques en matière d'évolution du travail liées à la transformation numérique des entreprises.
Parmi les facteurs d'inquiétude, Lecko a pu observer la succession quasi-ininterrompue de réunions en visioconférences. « Il n'y a plus de temps mort » a déploré Arnaud Rayrole. Or Lecko a constaté une évidente baisse d'assiduité dans ces visioconférences comme le démontre l'explosion des envois d'e-mails en même temps. Les métriques sont d'ailleurs parfaitement cohérentes avec les ressentis des utilisateurs. Arnaud Rayrole a martelé : « la technologie seule n'est jamais la solution ».
Les dérives encouragées par les évolutions des SaaS
PublicitéL'accroissement du numérique n'est pas qu'un problème managérial ou humain, c'est aussi un problème environnemental et une inquiétude stratégique. Le SaaS a renforcé le poids des grands éditeurs. Mais comment ceux-ci décident de faire évoluer les fonctionnalités de leurs produits ? En regardant les usages mesurés. Mais, selon Lecko, une telle attitude n'encourage pas les bonnes pratiques mais, au contraire, les dérives. L'angoisse constante des grands éditeurs est d'être contournés par les utilisateurs ayant recours à des acteurs tiers. Ils copient donc ce qui marche chez de nouveaux entrants : d'abord le tableau blanc, puis le réseau social et aujourd'hui le metaverse. Côté environnement, Lecko a utilisé des métriques courantes bien que contestées pour anticiper le fait que le numérique « pèsera » plus que le transport aérien en 2027 dans la pollution mondiale. Dans la « pollution numérique », la fabrication du matériel représente environ la moitié, le fonctionnement du cloud un quart et le fonctionnement des terminaux le dernier quart. Mais 58 % des travailleurs semblent indifférents à la transformation environnementale de leurs entreprises.
Cet accroissement du numérique est bien sûr lié à celui du télétravail. Or les usages sont d'une variété considérable en la matière et semblent échapper totalement à toute décision rationnelle. Pour Lecko, il est urgent de repenser le fonctionnement des organisations pour retrouver un équilibre qui bénéficie autant aux collaborateurs qu'aux organisations. Le nouveau standard du « lieu de travail » est devenu l'Environnement Numérique de Travail (ENT), adapté au travail hybride. L'entreprise peut inciter ses collaborateurs à agir en faveur de l'empreinte environnementale minimale à au moins deux niveaux selon Lecko. D'une part, il s'agit d'encourager les mobilités douces, d'autre part en adoptant un ENT avec de bonnes pratiques, notamment en informant les salariés de l'impact environnemental de leurs usages. Typiquement, le collaboratif permet normalement de partager un seul exemplaire d'un fichier au lieu de multiplier les stockages de duplicatas. Une autre recommandation de Lecko est de fortement réduire les réunions, les réunions virtuelles devant obéir aux mêmes règles que les réunions physiques (ordre du jour, structuration, etc.).
Pour une symétrie des attentions entre les différentes catégories de collaborateurs
Ce qu'a également apporté la crise sanitaire, c'est la reconnaissance du rôle essentiel des « frontline workers » (travailleurs de terrain) alors que toute la numérisation (ou presque) se faisait auparavant au bénéfice des « knowledge workers » (travailleurs tertiaires). C'est un discours que l'on a retrouvé aussi lors de la CIO.expériences Applicatifs Métiers, organisée par CIO, notamment avec le témoignage de la start-up Wizy.io. Cette « symétrie des attentions » entre les différentes catégories de collaborateurs peut passer par des outils métiers mobiles bien sûr mais aussi par une identité numérique propre permettant d'accéder à un portail RH ou à des outils de socialisation numérique avec leurs collègues.
Pour Lecko, il importe que les nouveaux usages reposent sur une approche unifiée du classique « digital workplace » et des flux de travail. Le cabinet s'est notamment intéressé aux outils disponibles pour atteindre cet objectif. En particulier, les nouvelles offres de la gamme Microsoft Viva, issues essentiellement d'un ré-emballage d'offres techniquement pré-existantes, vont certes dans le sens de l'histoire voulu par Lecko. Mais les acteurs tiers de niche conservent une certaine avance avec des fonctionnalités plus matures et plus riches mais moins intégrées. Ce défaut d'intégration est aussi pointé dans la question de la souveraineté. La problématique est aggravée par la bascule dans le cloud. Pour Lecko, il n'existe pas d'alternative complète unique aux offres telles que celle de Microsoft et les briques possibles (notamment libres) manquent singulièrement d'intégration.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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