Stratégie

Les DSI se préparent pour le travail hybride sur le long terme

Les DSI se préparent pour le travail hybride sur le long terme
Amir Arooni, vice-président exécutif et CIO de Discover Financial Services : « un défi majeur est d'assurer l'inclusion de chaque employé. »

Avec le variant Omicron qui progresse, les décideurs IT passent en revue les leçons apprises durant les mesures provisoires mises en place pour stopper la Covid, afin d'établir des stratégies de travail hybride planifiées et adaptées pour réussir sur le long terme. CIO États-Unis a recueilli le témoignage de quatre d'entre eux.

PublicitéComme la plupart des DSI le constatent, le travail en mode hybride et distribué est là pour rester. Avec le nouveau variant Omicron qui prolonge les politiques de travail hybrides ou entièrement à distance jusqu'en 2022, la plupart des membres exécutifs, y compris les DSI, reconnaissent la nécessité de développer des stratégies de travail hybrides à plus long terme. Selon plusieurs DSI interrogés récemment, il s'agit de se baser sur les nouvelles technologies que les employés peuvent utiliser pour améliorer la collaboration et la productivité, tout en équilibrant le travail et la vie privée. Les DSI s'attendent à ce que ces stratégies combinent des enseignements appris durant la pandémie avec les politiques de télétravail antérieures à la Covid-19. Mais élaborer des stratégies de travail hybride autrement que de façon provisoire soulève de nouveaux défis.

« Malgré une certaine expérience prépandémie avec le travail hybride, celle-ci n'était pas sur la même échelle que ce à quoi nous nous attendons à l'issue de la pandémie. Nous devons considérer les défis des réunions hybrides, où une partie de l'équipe est sur place et l'autre partie travaille à distance », pointe Amir Arooni, CIO de Discover Financial Services, entreprise spécialisée dans les cartes de crédit, basée à Riverwoods, dans l'Illinois. Comme la plupart des entreprises, Discover évalue de nouvelles technologies pour améliorer la collaboration au-delà de Microsoft Teams et Zoom. Elle repense les processus métiers et la culture de base de l'entreprise moderne, y compris la stratégie d'implantation, le leadership et la collaboration, ainsi que les politiques RH. Selon Amir Arooni, l'évolution des stratégies d'entreprise hybride comme chez Discover bénéficie aux employeurs et aux employés, notamment à travers une approche plus flexible du recrutement, un meilleur équilibre travail-vie personnelle, une productivité accrue, l'élimination du temps perdu dans les déplacements et la capacité de maintenir une distance sociale alors que la pandémie continue.

Mais un changement aussi important dans la façon de travailler a aussi des inconvénients, estime Amir Arooni, notant qu'un défi majeur est d'assurer l'inclusion de chaque employé, étant donné le « risque inhérent de déconnexion » entre les employés au bureau et les travailleurs à distance. « Il existe également un risque accru d'épuisement professionnel pour les employés entièrement distants qui travaillent sur des durées plus longues, et du côté des collègues ou du management, de manquer les signes de burnout, moins visibles lorsqu'ils sont à distance », ajoute-t-il. Le micromanagement est un autre enjeu délicat, note Amir Arooni, car certains managers qui ne peuvent pas voir leurs équipes ne maîtrisent pas encore le suivi des résultats. « Il faudra également des efforts conscients pour créer des cultures équitables et inclusives, qui ne favorisent pas les employés en interne par rapport aux employés distants et où tous les employés ont accès aux bons outils et technologies pour faire leur travail. Et enfin, il est probablement nécessaire de reconcevoir les espaces de travail pour accueillir à la fois les employés hybrides et les employés travaillant dans un bureau », note-t-il.

PublicitéTrouver le bon équilibre

Aujourd'hui, la plupart des entreprises s'attaquent aux mêmes questions et défis que Discover. Dans une récente interview pré-Omicron pour CIO.com, Sheila Jordan, directrice de la technologie de Honeywell, a évoqué la politique de travail hybride de son entreprise. Le groupe Honeywell, âgé de 140 ans, emploie 110 000 personnes pour fournir 3 millions de produits, dont une myriade de capteurs et de matériaux destinés aux bâtiments à vocation commerciale. En tant que grand fournisseur du gouvernement et de l'industrie aérospatiale, Honeywell doit respecter des exigences de sécurité plus élevées auxquelles de nombreuses autres entreprises ne sont pas soumises. La politique d'Honeywell comprend trois jours au bureau et deux jours hors du bureau « Le télétravail complet est probablement bon pour une petite partie de la population ; travailler à temps plein au bureau est également bon pour une petite partie de la population. Mais les gens ont besoin d'un certain niveau de collaboration et vous voulez fixer cette durée », explique Sheila Jordan. Pour celle-ci, les bureaux vont rester au centre de l'expérience de travail, même si le bureau devient un lieu de réunion externe et la maison devient le bureau quotidien. « Même si ça ressemble à cela, il y aura ce flux constant entre les deux », estime la directrice de la technologie.

Sheila Jordan est convaincue que les changements des modèles de travail provoqués par la pandémie ont un côté très positif : les technologies de collaboration telles que Zoom ont été un facteur d'égalité au sein des entreprises, instituant plus d'inclusion et de diversité dans les réunions, dit-elle. « J'aime le fait que tout le monde apparaisse dans un carré de la même taille. Lorsque vous regardez 20 ou 30 personnes lors de l'appel, vous pouvez voir qui ne participe pas et qui n'est pas engagé, et vous pouvez commencer à leur poser des questions pour voir et faire participer les introvertis », dit-elle. « Tout le monde occupe la même place, alors j'espère que si nous retournons au bureau, nous n'oublierons pas les participants à ces appels. »

Chez Jaguar Land Rover (JLR), basé à Whitley, au Royaume-Uni, les politiques de travail hybrides vont probablement perdurer, mais pour certaines catégories d'employés seulement, sans concerner par exemple les techniciens dans les usines qui assemblent les Land et Range Rover, explique Harry Powell, directeur des données et de l'analyse chez JLR. « Les gens aiment la flexibilité qu'offre le télétravail et nous avons la technologie pour le rendre possible », indique Harry Powell, avertissant que l'organisation hybride reste en test chez JLR et que davantage de données et de mesures doivent être collectées pour optimiser la productivité et la satisfaction des employés. Harry Powell, lui-même un télétravailleur, a le pressentiment qu'il y aura des difficultés avec le développement de produits dans une organisation hybride. « Je soupçonne que cela aura [un impact] sur l'innovation », déclare Harry Powell, qui, avec le DSI de JLR, rapporte au directeur financier. « Nous ne nous réunissons pas et ne discutons pas les idées de la même manière, n'est-ce pas ? Le travail hybride est transactionnel, pas conversationnel », fait-il observer. Le côté positif est que cette organisation hybride offre à JLR et à de nombreuses autres entreprises une meilleure carte dans la guerre des talents.

L'impact de la flexibilité

Naturellement, le point de vue des dirigeants concernant l'organisation hybride diffère probablement selon le secteur. Les groupes spécialisés dans l'immobilier commercial, par exemple, peuvent être moins enclins à promouvoir un modèle de travail hybride qui se traduit par des parkings vides au centre-ville. Pourtant, pour la plupart des entreprises, le modèle de travail hybride est là pour rester, déclare Penelope Prett, DSI d'Accenture. « Les entreprises ont compris qu'avec les bonnes ressources, les employés peuvent être productifs où qu'ils soient basés, et que proposer des options de travail flexibles peut créer davantage de fidélité chez les employés. »


Penelope Prett, CIO d'Accenture : « de nombreuses entreprises se rendent compte que les espaces de bureaux ne sont pas toujours essentiels. »

Dans un communiqué adressé à CIO.com sur ce sujet, Penelope Prett a mentionné les propres recherches d'Accenture, qui ont révélé que 83% des personnes pensent qu'un modèle de travail hybride est optimal. Ce rapport, intitulé « L'avenir du travail : productif partout », publié en avril, s'est appuyé sur une enquête auprès de plus de 9 000 travailleurs dans 11 pays. « Il n'est pas surprenant que des employés différents souhaitent travailler de différentes manières. Pour certains secteurs tels que la santé, il sera toujours nécessaire d'aller sur site, mais de nombreuses entreprises se rendent compte que les espaces de bureaux ne sont pas toujours essentiels », explique Penelope Prett, qui note que la nature du travail elle-même change et que former les employés sur les nouvelles technologies et les nouveaux processus est bien plus essentiel que de les faire retourner dans leur bureau physique.

« Pour les entreprises, cela signifie que les idées traditionnelles sur la façon de maintenir l'engagement des employés engagés peuvent ne plus être vraies », affirme Penelope Prett. « Pour une main-d'oeuvre hybride, un domaine qui devrait être prioritaire pour accroître à la fois l'engagement et la flexibilité est l'apprentissage de nouvelles compétences. Afin de rester compétitives et de se préparer pour l'avenir, les entreprises doivent développer leurs talents techniques rapidement et dans l'ensemble de l'organisation. », poursuit-elle. Selon la CIO d'Accenture, 85 % des employés interrogés ont toutefois déclaré avoir l'intention de rester longtemps dans leurs entreprises. Accenture, pour sa part, a toujours encouragé la collaboration à distance et les pratiques de travail flexibles, dit Penelope Prett. Par exemple, en l'espace d'un mois, les employés d'Accenture partagent environ 589 millions de messages de discussion, passent 1,2 milliard de minutes en échanges audio et 141 millions de minutes en sessions vidéo sur Microsoft Teams.

Des choix dépendant aussi de facteurs externes

Un analyste, cependant, rappelle aux DSI et autres cadres dirigeants que les décisions concernant l'organisation hybride peuvent être hors de leur contrôle. « Alimenté par la pandémie, le passage à un modèle de travail décentralisé et hybride est là pour le long terme. Et avec Omicron et le potentiel actuel d'émergence d'autres variants de la Covid-19, il est très probable que nous serons hybrides non seulement pour le travail, mais pour les événements professionnels pendant une longue période à venir », a déclaré Fred McClimans, analyste sur la technologie et l'équité chez Futurum Research. « Alors que de nombreuses organisations cherchaient à revenir le plus rapidement possible à l'ancien modèle de bureau, dit-il, l'accélération des initiatives de transformation numérique et le déploiement rapide d'outils collaboratifs ont rendu le modèle de télétravail et de travail au domicile beaucoup plus attrayant. »

Article de Paula Rooney / CIO États-Unis (Adaptation et traduction par Aurélie Chandèze)

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