Management

Les DSI face au dilemme de l'urgence permanente

Les DSI face au dilemme de l'urgence permanente
Faire face aux impératifs de la production et aux attentes des métiers, développer une vision stratégique, assurer le management de l'organisation : le quotidien du DSI relève de l'exercice de jonglage (Crédit : Yerson Retamal / Pixabay)

Pour le ou la DSI, assurer la production IT au quotidien reste un incontournable. Mais cet exercice imposé ne suffit plus. Les directeurs des systèmes d'information doivent apprendre à équilibrer leur agenda avec d'autres attentes : alignement des besoins métiers, réflexion sur les apports de la technologie à moyen terme, voire lancement de nouvelles activités.

PublicitéRépondre aux urgences sans perdre de vue la stratégie à moyen et long terme. Un dilemme que connaissent bien les DSI, confrontés à la nécessité impérative de faire fonctionner au quotidien la production - et de répondre aux crises éventuelles affectant celle-ci - tout en préparant l'avenir. Ghada Ijam, la DSI de la Réserve fédérale américaine, par exemple, affirme que, dans une journée normale, elle consacre 60 % de son temps à la planification stratégique et le reste à la gestion du quotidien. Mais comme le sait tout DSI, les journées peuvent être imprévisibles, et il faut parfois se mobiliser pleinement lorsque des événements inattendus ou des crises surviennent. « Il y a des jours où nous connaissons des incidents et où tout mon temps est consacré à faire fonctionner l'entreprise, explique Ghada Ijam. C'est le fondement de ce métier dont personne ne parle ».

Comme l'explique la DSI, gérer de front des impératifs opérationnels et des réflexions stratégiques fait partie du quotidien de tout DSI. Le passage d'un mode à l'autre étant en soi un exercice de jonglage, relève Ghada Ijam. Alors que l'attention de l'entreprise se focalise fréquemment sur les nouveaux projets stratégiques, les questions opérationnelles quotidiennes peuvent passer au second plan jusqu'à ce qu'une crise survienne. La DSI explique que son objectif est de faire reconnaître et valider, tant au sein de la DSI que dans l'ensemble de l'organisation, le maintien d'un équilibre permanent entre ces deux priorités.

Un numéro de jonglage permanent

Selon Peter Weill, chercheur à la Sloan School of Management du MIT et président émérite du Center for Information Systems Research (CISR), un centre de recherche spécialisé dans l'utilisation des technologies de l'information dans des organisations complexes, les DSI partagent en moyenne leur temps de la façon suivante : 40 % à la technologie, 25 % aux interactions avec leurs collègues, 17 % aux problématiques métiers (ESG, expérience client, marketing, services partagés, etc.) et 18 % aux interactions avec des clients externes ou des partenaires.

« Ce numéro de jonglage ne sera réussi que par ceux qui font preuve d'une flexibilité remarquable », explique Peter Weill. Pour ajouter à la complexité du poste, les défis viennent de toutes parts : pénurie de talents, pressions macroéconomiques, attentes métiers multiples quand elles ne sont pas concurrentes, difficultés liées aux changements de culture au sein de la DSI, dette technique sans oublier la pression mise sur les budgets IT.

Les recherches de Peter Weill indiquent également que les DSI des entreprises qui enregistrent les plus hauts niveaux de profit et de croissance passent deux fois plus de temps à gérer les problématiques métiers de l'entreprise que les organisations qui sont à la traîne. « Cette connexion aux métiers aide les entreprises les plus performantes à maximiser la valeur dégagée par la technologie », explique-t-il.

PublicitéDépasser son périmètre traditionnel

Le chercheur cite l'exemple de Zack Hicks, le Chief Digital Officer de Toyota North America, qui était en même temps PDG et fondateur de la société de services de mobilité Toyota Connected et, à ce titre, immergé dans les problématiques métiers. Selon Peter Weill, on attend désormais des DSI qu'ils aillent plus loin que leur périmètre traditionnel, en aidant à identifier et même développer de nouvelles activités découlant d'usages avancés de la technologie. « Pour cela, le DSI doit mieux comprendre les clients, ce qui n'est possible que par une collaboration plus étroite avec les métiers, qui aidera les deux parties à co-créer des solutions que le marché appréciera vraiment », souligne Peter Weill.

Pour Ghada Ijam, les DSI doivent avant tout changer d'état d'esprit, car les exigences du poste sont passées de la maîtrise technique à la gestion organisationnelle et au management d'activités. « L'accent est davantage mis sur les qualités de leadership que l'on attend de tout membre de la direction, couplées à une expérience et un bagage technologiques importants afin de définir, développer et mettre en oeuvre la technologie qui va aider l'entreprise à résoudre ses problèmes, explique-t-elle. Le DSI doit se comporter davantage comme un dirigeant d'entreprise, comme un PDG présentant une vue d'ensemble, plutôt que comme un simple technologue ».

Le profil de compétences idéal a donc évolué et mélange désormais capacités en gestion d'entreprise et connaissances de la technologie. « Ce qui fait la force d'un DSI, c'est d'être capable de reconnaître où se trouvent les angles morts de ses compétences, afin de venir greffer à ses projets des compétences supplémentaires en faisant appel à d'autres leaders de l'organisation », ajoute la DSI de réserve fédérale américaine.

La pression du résultat s'accroit

Le rôle du DSI a donc évolué vers celui d'un gestionnaire à même de comprendre comment la technologie peut apporter de la valeur à l'entreprise. « Et parce que la technologie est en train de devenir la façon dont nous faisons des affaires, il devient impératif que le DSI ait ce sens des affaires en plus de son bagage technologique », dit-elle, ajoutant que ce changement d'état d'esprit est également impératif pour justifier des investissements technologiques nécessaires à la croissance de l'organisation.

Par ailleurs, après une période marquée de renforcement des investissements numériques, en particulier dans la sécurité, l'IA et la data, les directions générales sont en attente de résultats. Pour Daniel Sanchez-Reina, analyste au sein du cabinet d'études Gartner, cette pression supplémentaire devrait pousser les DSI à transférer les activités tactiques à faible valeur à des partenaires pour se concentrer sur la livraison des nouveaux services. En veillant à en démocratiser l'usage dans toute l'organisation. « Ces services innovants sont les sauveurs des DSI, car les PDG sont impatients », explique Daniel Sanchez-Reina. Le DSI se mue alors en chef d'orchestre de la technologie à l'échelle de l'entreprise, afin de maximiser la valeur des usages de cette dernière.

Trouver des synergies entre les attentes des différents métiers

Mais, pour y parvenir, encore faut-il faire converger toute l'organisation sur des attentes communes, par exemple en matière d'expérience client ou d'objectifs de croissance. Chaque membre de la C-suite doit donc apporter sa contribution, afin d'identifier des synergies possibles. « Faute de quoi, les DSI feront face à d'importantes difficultés car chacune des initiatives qu'ils lanceront consommera des ressources IT de manière isolée et déconnectée, explique Daniel Sanchez-Reina. Et il faut instaurer des indicateurs clairs axés sur les résultats afin de vérifier que chaque métier contribue efficacement au résultat global. »

Selon Ghada Ijam, la transformation de l'activité économique par la technologie pousse également le DSI vers davantage de réflexion et de vision stratégiques, afin d'imaginer le renouvellement des pratiques commerciales de l'organisation. « Il s'agit de savoir si l'on peut prendre le temps de faire un pas de côté pour discuter de la façon dont nous allons faire des affaires demain, et quelle contribution les investissements technologiques peuvent y apporter, au-delà de ce qui est évident pour tout un chacun aujourd'hui », résume la DSI.

Partager cet article

Commentaire

Avatar
Envoyer
Ecrire un commentaire...

INFORMATION

Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.

Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire

    Publicité

    Abonnez-vous à la newsletter CIO

    Recevez notre newsletter tous les lundis et jeudis