Les datas sont stratégiques mais la tactique reste un problème

Les tendances Data et Analytics déterminées par Deloitte montrent l'importance des données mais leur usage reste problématique pour beaucoup. Les métiers, au delà du seul marketing, prennent d'ailleurs le pouvoir sur les datas sans toujours des idées claires sur les outils, les méthodes voire les objectifs.
Publicité« La plupart des dirigeants d'entreprises disent que la data est stratégique » a affirmé Reda Gomery, associé responsable Data et Analytics chez Deloitte, en présentant les tendances Data et Analytics déterminées par le cabinet. Il a tout de suite relevé : « si aucun ne dit que ce n'est pas le sujet en ce moment, beaucoup ne savent pas comment s'y prendre. » Les tendances définies par Deloitte sont issues des expériences des consultants, des retours qualitatifs des clients lors des ateliers du cabinet et lors d'enquêtes qualitatives auprès d'une quinzaine d'organisations professionnelles.
Déjà, une précision de vocabulaire s'impose et Reda Gomery a rapidement précisé : « la terminologie est riche mais le mot data fait consensus. » La Data, donc, n'est plus l'affaire de la seule DSI. De ce point de vue, la position défendue par Deloitte est proche de celle ayant émergé lors de la dernière réunion du CPI B2B. En l'occurrence : une nouvelle gouvernance de la data doit être mise en place, avec une nouvelle organisation. Une nouvelle direction dédiée, sous l'autorité d'un Chief Data Officer (CDO) peut être pertinente. « Le CDO a été créé là où le DSI n'a pas joué le jeu en termes de proactivité ou de réactivité, sans nécessairement qu'il soit en cause, simplement parce que trop souvent le DSI est devenu un gestionnaire de contraintes notamment budgétaires » a expliqué Reda Gomery.
Organisation, compétences et technologies
La création d'un tel service centralisé pour délivrer de la donnée aux métiers n'est cependant plus la tendance. Il y aurait même un certain retour en arrière vers une plus grande décentralisation, avec des correspondants data dans les directions opérationnelles. Au delà de l'organisation, deux autres sujets préoccupent les dirigeants d'entreprises. Le premier réside dans la nécessité de développer des compétences dans traitement des datas. La seconde est plus prosaïque : la technologie. Il est souvent nécessaire d'actualiser des plates-formes techniques qui peuvent parfois dater de jusqu'à vingt ans.
Il n'est pas nécessairement inadéquat de multiplier les technologies. Après tout, des technologies variées peuvent répondre à des usages variés. Mais elles doivent être harmonisées et les choix opérés un minimum coordonnés. Reda Gomery a soupiré : « nous constatons souvent que les entreprises disposent de bien plus de licences d'outils qu'elle n'en utilise réellement. »
Faire de la contrainte réglementaire une opportunité
Un fait déclencheur d'une remise en ordre de la gouvernance de la data est souvent la réglementation. Qu'il s'agisse du GDPR (Règlement européen sur la protection des données personnelles) ou des dispositions plus sectorielles (Bâle III, Solvency...), les contraintes peuvent être pesantes. Mais, si la contrainte réglementaire oblige à faire quelque chose, avec une consommation de beaucoup de ressources financières et humaines, autant en profiter pour tirer de la valeur métier des travaux opérés. Autrement dire : il s'agit de créer une opportunité à partir de contraintes. Mais un métier reste à créer : l'inventeur d'usages, d'utilité et de valeurs à des données qui s'accumulent.
Typiquement, connaître ses clients n'est pas une nouvelle nécessité. Mais les possibilités offertes aujourd'hui par les technologies permettent d'aller beaucoup plus loin. On peut enfin passer du marketing produit au marketing client. Cela dit, un frein important sera la demande de ROI. Calculer un retour sur investissement est souvent délicat. En harmonisant les moyens, en éviter les doublons d'actions, on réalise un gain sur l'efficacité qui peut parfois être mesuré sans trop de difficultés. Mais il est plus difficile de chiffrer la possibilité de prendre une meilleure décision ou de disposer d'un meilleur pilotage. De fait, il y a beaucoup d'échecs, de projets sans résultats mesurables. Parfois, des projets de Datalakes sont poussés comme jadis les Datawarehouses, sans usage défini et avec une préoccupation purement technique, voire dans le meilleur des cas pour échapper à un monopole du PGI sur les données (avec des licences onéreuses).
PublicitéLe marketing rattrapé par la finance et bientôt par la DRH
Parmi les métiers, le marketing a souvent été précurseur sur les autres directions. Mais, aujourd'hui, la DAF veut à son tour mettre l'accent sur les données. Il s'agit d'anticiper avec plus de précision le chiffre d'affaires, les marges, la trésorerie... Prédire au lieu de réagir, en fait. S'il existe de nouveaux démonstrateurs (POC, proof of concept), comme le calcul plus précis du risque de perte d'un client (churn), une difficulté peut être de basculer ensuite vers un programme à l'échelle de l'entreprise, d'industrialiser le POC.
Les métiers sont donc en train de s'équiper en outils et en compétences, par recrutement ou formation. Parfois, il est impossible d'obtenir simplement une information simple, par exemple le volume d'affaires avec tel fournisseur. Un projet peut être mené pour résoudre cette difficulté. Après le marketing et la DAF, la DRH émerge à son tour. Comme la DAF, la DRH possède son propre sous-système d'information : le SIRH. La DRH réalise donc de la People Analytics, par exemple pour rapprocher les besoins de mobilité et les postes disponibles.
Ne pas oublier la technique
Tout le potentiel de données disponible est mal exploité mais, malgré tout, tous les métiers veulent intégrer des données externes. « Il peut s'agir de se benchmarker ou, simplement, de connaître les tendances générales du marché » a supputé Reda Gomery. En retour, l'ouverture des données internes au bénéfice d'acteurs externes, l'open-data, se développe. Dans le secteur public, il peut s'agir d'une obligation. Ailleurs, c'est encore une attitude rare mais qui est parfois engagée pour une question d'image. Enfin, dans certains cas, c'est une obligation légale, par exemple l'ouverture des données bancaires aux FinTech.
La difficulté est alors de faire se parler des données de sources diverses, de créer des liens via le MDM (Master Data Management, les référenciels de données) pour les clients, les produits ou les salariés. Et apparaît alors la nécessité de sensibiliser tous les métiers à la qualité des données, pas seulement à la qualité dont le fabricant de la donnée a besoin mais celle dont les autres ont besoin.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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