Management

« Les CNE nous permettent d'embaucher en gérant notre forte croissance »

Dans le cadre du grand débat actuel sur les CNE (Contrats Nouvelles Embauches), Ugo Haberman, directeur associé de l'éditeur de logiciels et prestataire de services Hippocad, apporte son témoignage.

PublicitéCombien Hippocad possède-t-il de collaborateurs et combien sont en CNE ? Hippocad a aujourd'hui 7 salariés dont 5 sont en CNE et recourt en plus à 5 ou 6 externes sous contrat de prestation de services en régie ou au forfait. Parmi ceux-là, nous bénéficions des services d'un quasi-temps plein au forfait. De fait, seuls les deux directeurs associés sont en CDI « normal » mais uniquement parce que, à l'époque de la création de la société, le CNE n'existait pas. En effet, parfois, nous avons connu des périodes où nous manquions de trésorerie pour payer nos salaires mais où nous étions cependant obligés de payer les charges sociales comme si tout allait bien. Nous récupérions notre salaire net seulement ensuite, lorsque la situation s'était éclaircie. Nous aurions préféré pouvoir « suspendre » notre contrat de travail (c'est à dire l'interrompre puis en conclure un nouveau quelques temps plus tard)... Pour quelles raisons recourez-vous autant au CNE ? La société a été créée en 2004 et nous avons conclu notre premier CNE en 2005, juste après la publication des textes le réglementant [l'ordonnance n°2005-893 adoptée en Conseil des Ministres le 2 août 2005 et entrée en vigueur le 4 août, NDLR]. Le CNE nous permet une grande souplesse pour notre recrutement, nous garantissant contre la forte variation d'activité, avec la possibilité de se séparer de collaborateurs si nous subissons une baisse d'activité. C'est un peu comme une assurance pour nous mais que l'on ne souhaite pas utiliser. Un licenciement économique d'un salarié en CDI suit en effet une procédure longue et compliquée. Les CNE nous permettent d'embaucher en gérant la forte croissance de notre jeune société. Le problème serait évidemment différent si l'entreprise était bien établie. Au bout d'un an de la période de consolidation [qui en fait deux, NDLR], on peut dire que la pérennité du poste est acquise. De fait, notre capacité de choix se résumait, lors de chaque embauche, à l'alternative CNE/CDD. Mais les CDD sont difficiles à renouveler, avec des délais d'attente avant de pouvoir conclure un nouveau contrat. Or il n'est pas rare qu'un client qui a commandé une prestation devant durer, par exemple, trois mois choisisse de prolonger son contrat aussitôt d'un premier mois, voire d'un deuxième. Si nous n'avions pas pu utiliser de CNE, nous aurions moins embauché. D'autant que nous sommes spécialisés dans le secteur sanitaire et social où les délais de paiement sont très aléatoires alors même que, en tant que prestataire, nous devons payer les salaires en avance du règlement du client. Mais plus nous grandissons, plus nous embauchons, plus nous sommes heureux ! Pourquoi ne pas simplement recourir à des sous-traitants, même indépendants ? Notre logique est celle du recrutement, c'est à dire des compétences en interne. En effet, les sous-traitants permettent de disposer d'une souplesse dont nous avons besoin mais en externalisant ses soucis, on externalise aussi son savoir-faire, c'est à dire sa propre valeur ajoutée... De plus, nous répondons à de nombreux appels d'offres où l'effectif salarié de la société est de fait un critère permettant de démontrer sa stabilité. La tentation, avec le CNE, n'est-elle pas cependant de licencier les gens avant la fin de la période de consolidation afin de pratiquement aussitôt embaucher quelqu'un d'autre et de bénéficier ainsi d'une nouvelle souplesse de deux ans ? Céder à une tentation de ce genre serait, du moins dans notre domaine, une parfaite stupidité. La plupart des éditeurs et des SSII que je connais sont d'ailleurs d'accord avec moi sur ce point. En effet, la personne embauchée n'est pleinement productive qu'au bout de plusieurs mois et va, au fil du temps, acquérir des compétences. Licencier cette personne pour en embaucher une autre, c'est repartir de zéro. Combien de CNE avez-vous conclu en tout et combien ont été rompus de votre fait ou de celui du salarié ? En tout, nous avons conclu 8 CNE. Nous avons du en rompre un durant la période d'essais normale, comme cela arrive en CDI. Et nous avons subi deux démissions. Heureusement, nous avons eu la chance que les démissionnaires aient accepté de nous accorder un court préavis auquel ils n'étaient pas tenus. De tels départs constituent un gros risque. Mais d'une manière générale, il faut toujours veiller à ne pas être dépendant d'un salarié donné, qui peut partir, tomber malade... Il faut toujours disposer d'une doublure pouvant assurer au moins l'intérim jusqu'à une nouvelle embauche et la mise au courant du nouveau titulaire du poste. Embaucher en CNE est-il un problème lors du processus de recrutement ? En entretien d'embauche, nous n'avons vu aucun blocage à ce jour à cause du CNE. Nous jouons cartes sur table avec les personnes que nous recevons. Que pensez-vous des récentes condamnations d'entreprises ayant utilisé des CNE qui sont dans les faits requalifiés en CDI en cas de contestation du licenciement durant la période de consolidation ? Il y a aujourd'hui un risque juridique à utiliser les CNE qui est difficile à accepter. Les entreprises signent des CNE en suivant strictement une ordonnance régulièrement promulguée et donc de toute bonne foi. Notre avocat nous a donné le conseil suivant : si nous devions licencier un salarié en CNE, nous devrions appliquer une procédure proche de celle suivie pour le licenciement d'un salarié en CDI, notamment, conformément aux dispositions générales du Code du Travail, convoquer à un entretien préalable le salarié et expliquer expressément la raison du licenciement.

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