Les appels au boycott sur le web peuvent être illégaux
Un promoteur vient d'obtenir la condamnation d'une cliente mécontente. Les hébergeurs ont eu leur immunité confirmée.
PublicitéUne cliente mécontente des retards incessants d'un programme immobilier a créé un site web pour d'une part raconter ses malheurs et d'autre part appeler au boycott des autres programmes du même promoteur en les désignant explicitement. Le promoteur a attaqué en justice sur le fondement du dénigrement et non de la diffamation. Le tribunal de grande instance de Paris a rendu un intéressant jugement le 25 janvier dernier (il vient d'être publié) sur un sujet auquel peut être confrontée n'importe quelle entreprise en litige avec un client.
Tout d'abord, la diffamation a été exclue tant par le demandeur que le défendeur. En effet, la réalité des malheurs de l'internaute ne faisait aucun doute. Simplement, l'explication tenait de difficultés d'un sous-traitant important.
Le tribunal a par contre relevé l'intention de nuire : « Tout tiers non concurrent de la société critiquée peut porter un jugement critique, la critique fût-elle sévère, dès lors qu’elle n’est pas inspirée par le désir de nuire, c’est à dire qu’elle ne comporte pas d’invectives ou d’appels au boycott notamment et qu’elle est objective et prudente ;(...) ».
Or les appels au boycott des autres programmes étaient, en l'occurrence, sans fondement et sans prudence. L'internaute était donc bien coupable.
Par contre, les hébergeurs n'ont pas été reconnus coupables. En effet, lorsque le véritable hébergeur au sens de la LCEN (Loi sur la Confiance dans l'Economie Numérique) a été averti, le site litigieux était déjà sans contenu et l'hébergeur n'avait donc pas à fermer un site au contenu potentiellement « manifestement illicite ». Le fournisseur des infrastructures (et notamment du serveur d'hébergement) à l'hébergeur réel était, quant à lui, d'entrée de jeu hors de cause, comme l'a rappelé le tribunal. Pour une action rapide, ce point du jugement rappelle aux entreprises qu'elles doivent saisir les hébergeurs réels des contenus, ayant le pouvoir d'agir sur les contenus, et non pas les fournisseurs d'infrastructures techniques revendues « à la découpe » par les hébergeurs, offreurs d'hébergements mutualisés.
Restait la question des dédommagements et sanctions de l'internaute. La procédure étant ici civile (et non pas pénale), le promoteur devait apporter la preuve d'un préjudice réel sur son activité. Il réclamait 150 000 euros sur la base d'une mévente dont il a été victime sur les programmes attaqués par l'internaute. Le site en cause ayant été en ligne très peu de temps et avec une audience minime, la preuve nécessaire n'a pas été rapportée. L'internaute n'a donc été condamnée qu'à un euro de dommages et intérêts. Les frais d'avocat (article 700 du code de procédure pénale) ont été laissés à la charge de chaque partie.
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Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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