Les 6 soft skills indispensables à tout DSI
Le DSI n'est plus seulement l'expert technologique le plus avisé de l'organisation. Son positionnement au coeur des enjeux des entreprises le pousse à développer des aptitudes propres aux dirigeants. Voici 6 compétences clefs à renforcer pour éviter de se voir reléguer à un rôle de responsable de fonctions support.
Publicité« Ce qui vous a amené ici ne vous amènera pas là ». Ce conseil de Marshall Goldsmith, coach pour dirigeants et auteur de best-sellers, n'a jamais été aussi vrai qu'aujourd'hui pour les DSI. Les compétences techniques, l'expertise en matière de direction informatique et la capacité à assurer la sécurité et le fonctionnement du réseau, voire à innover, ne suffisent pas ou plus à assurer la réussite des DSI d'aujourd'hui. « Lorsque nous réfléchissons à l'orientation que doivent prendre les DSI, nous leur disons de se considérer avant tout comme un cadre exécutif de l'entreprise, avant d'être le leader d'une fonction », dit Christie Struckman, vice-présidente de la recherche chez Gartner.
Comment y parvenir ? En partie, en renforçant des capacités qui semblent presque intangibles parce qu'elles n'ont rien à voir avec des compétences spécifiques. l ne s'agit pas d'aptitudes que l'on peut acquérir au cours d'un atelier. Certaines requièrent la plus insaisissable des qualités, l'intelligence émotionnelle.
1) La gestion des conflits
« Je ne connais personne qui se lance à corps perdu dans la gestion des conflits, note Christie Struckman. Pourtant, si une organisation est bien conçue et bien gérée, il y aura beaucoup de conflits. Il est souhaitable qu'il y ait une diversité d'opinions et de façons de penser sur la manière de faire les choses, mais il faut aussi qu'il existe un moyen de résoudre ces différends ». Les DSI, avec leur vision des priorités et des initiatives des différents départements, sont souvent les mieux placés pour ce faire, ajoute l'analyste. Raison pour laquelle les décideurs IT doivent être compétents en matière de confrontation constructive.
Cette nécessité s'est récemment imposée à Ian Pitt, DSI de Progress Software, lorsqu'il a passé deux heures dans une réunion d'équipe qui, selon lui, n'avait pour but que d'aplanir des conflits. « Je me suis retrouvé à devoir intervenir et à devenir une sorte de négociateur d'otages, jouant un rôle clé pour s'assurer que toutes les parties s'entendent, explique-t-il. Les ingénieurs veulent construire des produits. Les commerciaux veulent les vendre. Les spécialistes du marketing veulent rédiger une bonne histoire. Les juristes veulent s'assurer que nous faisons les choses correctement pour l'entreprise ». Inévitablement, ajoute-t-il, le service informatique devra gérer ces solutions ou les déployer, tout en veillant à la sécurité du réseau.
« Parfois, il s'agit simplement de faire preuve de diplomatie verbale et de trouver un chemin à travers ces différentes exigences pour finalement livrer une solution qui plaise aux clients, évite à l'entreprise d'avoir des problèmes et maintient le cours de l'action à la hausse », explique-t-il. Ainsi, même quelque chose qui semble aussi simple que la gestion des conflits a tellement de facettes différentes dans le monde des DSI qu'il est parfois difficile de s'y retrouver. « D'un autre côté, ajoute la DSI, cela signifie qu'aucune journée n'est particulièrement ennuyeuse ».
Publicité2) La conduite du changement
« La plupart des gens connaissent la gestion du changement, explique Christie Struckman. Si votre organisation essaie de vous faire utiliser une technologie différente pour effectuer une partie de votre travail, la gestion du changement consiste à s'assurer que vous en êtes informé, que vous avez le niveau d'efficacité nécessaire pour ce faire et que vous effectuez effectivement la transition. Il s'agit de vous aider à franchir les étapes d'une manière bienveillante et encourageante ». La plupart des grandes organisations disposent d'une équipe de gestion du changement chargée d'aider les utilisateurs tout au long de ce processus, ajoute-t-elle.
La conduite du changement est différente, et il s'agit d'une compétence de niveau DSI, dit-elle. « La conduite du changement consiste à vous inspirer et à vous motiver pour que vous deveniez des acteurs du changement. C'est beaucoup plus une question de communication. Il s'agit de naviguer entre les différentes parties de l'organisation. C'est de la codirection. »
Selon l'analyste, il ne s'agit plus seulement qu'un responsable informatique ou une équipe de gestion du changement dise aux utilisateurs : « Voici ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons ». Mais bien d'inciter une équipe à s'emparer d'une transformation, en lui donnant évidemment une direction stratégique.
Kelly Held, DSI de l'entreprise de logiciels de marketing Extu, utilise un autre terme : l'évitement des problèmes. « Je me suis décrit comme un résolveur de problèmes pendant la plus grande partie de ma carrière. Puis, au fur et à mesure que j'accédais à des postes de direction, je me suis mis à éviter les problèmes. A ces postes, vous avez la capacité de voir où vous allez, quels sont les problèmes qui vont se poser et comment les éviter. Les problèmes que vous n'avez jamais à résoudre sont beaucoup plus faciles à gérer... », ironise-t-il.
Un exemple concret : pendant plus de 25 ans, Extu était connu sous le nom de Incentive Solutions. Elle a acquis OneAffinitti en 2021, et l'entreprise combinée a pris son nom actuel en 2023. « Il y avait beaucoup de risques et de pièces en mouvement, se souvient-il. Il fallait se demander quelles étaient les désagréments qui pouvaient se produire lorsque nous changions de marque. Et comment faire pour que cela ne se produise pas ? ».
Kelly Held s'est réuni avec d'autres cadres supérieurs et a réfléchi aux problèmes potentiels. Ils ont mis par écrit tout ce qui leur venait à l'esprit, avec les solutions possibles. Une précaution salutaire. « Les problèmes qui sont survenus étaient ceux auxquels nous nous attendions, explique-t-il. Nous savions que les choses allaient être un peu mouvementées, mais elles l'ont été moins que prévu. »
3) L'esprit critique
Conserver une pensée critique a toujours été une compétence importante, mais elle l'est doublement dans le monde d'aujourd'hui, affirme Teresa Ramos, coach de cadres supérieurs et membre de l'Institut de coaching de l'hôpital McLean, affilié à Harvard. « Avoir cette compétence a toujours été un plus, dit-elle. Mais aujourd'hui, encore davantage : si vous posez une question à ChatGPT ou à Copilot, vous obtiendrez une réponse qui semble très logique, très raisonnable. Il faut alors faire preuve d'esprit critique pour savoir si la réponse est pertinente et s'il est véridique ou non ».
Pour faire preuve d'esprit critique, les DSI ont besoin d'une autre compétence clef : la capacité à poser les bonnes questions. « C'est le principe même d'une plus grande curiosité, explique Mike Shaklik, associé et responsable du conseil aux DSI chez Infosys Consulting. Les personnes qui savent écouter et synthétiser tout en écoutant posent de meilleures questions. Ils apprennent à attendre de meilleures réponses de leurs propres collaborateurs. Si l'on y ajoute l'intentionnalité, cela change la donne ».
Mike Shaklik a travaillé un jour avec une grande compagnie de croisières où le DSI a appris, en posant les bonnes questions, que les 48 premières heures passées par les passagers sur un bateau de croisière sont généralement celles où ils dépensent le moins d'argent. Pour augmenter les recettes pendant cette période, la compagnie de croisières a utilisé la technologie pour rationaliser le long processus d'embarquement, puis pour offrir des incitations ciblées telles qu'un traitement supplémentaire au spa pour les passagers qui s'y rendaient lors des premiers jours de la croisière. « Tout a commencé en posant les bonnes questions. »
4) La réflexion stratégique
« La plupart des organisations pensent que la réflexion stratégique a lieu une fois par an, à l'automne, lors d'un événement conçu à cet effet », explique Christie Struckman. « Or la réflexion stratégique peut avoir lieu dans toute l'organisation, tout au long de l'année et sur la base de différentes conversations. Cela signifie que les DSI et les autres responsables informatiques ont d'innombrables occasions de participer à ce processus. »
« Par exemple, au lieu de vous contenter du séminaire des cadres, vous vous adressez régulièrement à votre service financier, explique l'analyste. Vous découvrirez alors peut-être qu'il essaie de répondre à une nouvelle législation qui l'oblige à rendre compte des activités d'une manière différente. Il ne s'agit pas seulement de déterminer mécaniquement comment procéder. Il faut également réfléchir à l'impact de ces changements sur les résultats. Comment cela influencera-t-il nos investissements ? Et notre stratégie de fusions et d'acquisitions ? Cet élément devient une occasion d'accompagner le service financier dans cette réflexion stratégique et, idéalement, de trouver comment la technologie peut l'aider d'une manière ou d'une autre.
5) L'influence
« Dans l'environnement actuel, une grande partie du travail technologique ne se fait pas au sein de la DSI, explique Christie Struckman. Pourtant, les dirigeants attendent du DSI qu'il comprenne la cohérence de l'ensemble. » Comme les DSI n'ont souvent pas d'autorité sur les technologies en dehors de la DSI, ils doivent plutôt établir des relations et exercer leur influence sur les choix qui échappent à leur contrôle direct. « La confiance est un élément insaisissable, mais incroyablement puissant d'une relation qui peut vraiment ouvrir des portes », dit l'analyste du Gartner.
« Je pense que la génération de DSI très performants que nous voyons aujourd'hui est la première génération à être prête à devenir un DSI moderne », déclare explique Mike Shaklik (Infosys Consulting).
Selon lui, il y a quelques années seulement, le DSI était simplement le technologue le plus intelligent de l'entreprise. Puis, il y a eu une époque où les entreprises faisaient appel à des dirigeants non spécialisés comme DSI, même s'ils n'avaient que peu de connaissances techniques. Aujourd'hui, les meilleurs DSI ont passé du temps à se former à cette fonction. « Ils ont effectué des allers-retours entre le monde des affaires et celui de l'informatique. Et probablement, la plus grande compétence qui fait la différence aujourd'hui, c'est qu'ils sont incroyablement charmants et curieux ».
Le charme et la curiosité sont des qualités intangibles très précieuses, ajoute-t-il. « Ce qui permet à ces personnes d'être légitimes à leur poste, c'est leur capacité à établir avec l'entreprise une relation fondée sur les besoins de cette dernière, souligne Mike Shaklik.
6) Une aura personnelle
Les DSI avisés sont très attentifs à la réputation de l'IT au sein de l'organisation. « Il n'est pas nécessaire de se vendre de manière absolue et flagrante à chaque instant, précise toutefois Ian Pitt. Il s'agit de se concentrer sur les éléments qui sont importants pour l'audience à ce moment-là. Pourquoi devriez-vous faire confiance à cette personne en tant que DSI ?
Selon lui, les DSI ne sont pas assez nombreux à travailler sur ce sujet. « Il y a tellement d'équipes informatiques qui ont grandi à l'ancienne. Elles sont heureuses de s'asseoir dans un coin et de réparer les choses. En cas de panne, elles savent qu'elles vont se faire engueuler, mais elles n'essaient pas de corriger le tir », explique-t-il, ajoutant qu'elles pourraient se faciliter la vie si elles utilisaient une approche que les spécialistes du marketing appellent "rolling thunder" (faire rouler le tonnerre) : « Il s'agit d'annoncer constamment des bribes de bonnes nouvelles aux utilisateurs. Vous n'avez peut-être pas réalisé que nous avons modifié le système de téléphonie. Nous avons mis en place une nouvelle sécurité. Nous avons aidé ces équipes à commercialiser leurs produits ».
Une telle stratégie est le seul moyen de faire entrer les réalisations de l'informatique « dans l'esprit des gens », selon Ian Pitt. « Ainsi, lorsque vous aurez besoin de tout ce capital politique parce que quelque chose a mal tourné, les gens se souviendront de toutes les bonnes choses que l'équipe a faites. »
Il est tout aussi important de se forger une réputation à l'extérieur de l'organisation. « Les décideurs qui ne travaillent jamais en réseau, qui ne parlent jamais à leurs pairs, qui ne vont jamais à des conférences et qui ne sortent jamais dîner avec leurs collègues DSI - cette cohorte ne dépassera probablement jamais le point de vue d'un simple responsable informatique » , insiste le DSI de Progress Software.
Les DSI devraient également développer leur image de marque externe en participant à des panels ou en prenant part à des discussions avec d'autres responsables informatiques, ajoute-t-il. Certains apprécieront ce genre de choses, tandis que d'autres chercheront à les éviter, reconnaît-il. « Mais il est assurément bénéfique de se faire connaître, et on ne sait jamais quand on peut en avoir besoin. »
Article rédigé par
Minda Zetlin, CIO US (adapté par Reynald Fléchaux)
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