Les 45 plus grands projets IT de l'Etat représentent 3,8 Md€ d'investissement
Si le suivi des grands projets IT de l'Etat par la DSI interministérielle atteint un de ses principaux objectifs - éviter les dérives budgétaires massives connues par le passé -, ce contrôle amont reste souvent contourné par les ministères.
PublicitéLa Dinum (Direction interministérielle du numérique) a publié fin novembre sa mise à jour du panorama semestriel des grands projets. Cette 19ème édition, qui reflète l'état des principaux projets IT de l'Etat en juin 2024, répertorie 45 projets majeurs au sein des ministères, des projets dont le coût dépasse les 9 M€, ce qui, depuis un décret d'août 2014, les contraint théoriquement à passer par un audit de la DSI de l'Etat en amont de leur démarrage. C'est trois unités de moins que six mois plus tôt, et même sept de moins qu'il y a un an. Ce recul ne se traduit pas sur l'investissement global que représentent ces initiatives majeures : ensemble, ces 45 projets pèsent 3,8 Md€ (coûts de construction des solutions et deux années de fonctionnement), soit environ 150 M€ de plus qu'il y a un an.
La durée moyenne des projets suivis est de 6,2 ans, un chiffre assez stable dans le temps et à peine inférieur à la moyenne affichée sur la première mouture du panorama des grands projets, en 2016. Si la méthode de la Dinum, visant réduire la durée et le budget de grands projets vus comme trop monolithiques et risqués, montre ici ses limites, l'encadrement de ces initiatives par la DSI de l'Etat a toutefois permis de ramener à 17,5% l'écart budgétaire moyen constaté entre l'estimation initiale et la facture finale. Contre près d'un tiers en 2016, lors de la première publication de ce panorama. En décembre 2023, ce dépassement budgétaire moyen était même tombé à 10,8%.
Un mastodonte à 900 M€, trois poids lourds à 200 M€
Dans ce total, avec un investissement de près de 900 M€ à lui seul, le projet de Réseau radio du futur (RFF) du ministère de l'Intérieur, lancé en octobre 2022 pour une durée de 8 ans, pèse très lourd. S'appuyant sur les infrastructures 4G et 5G des opérateurs de téléphonie mobile, ce réseau privé virtuel doit doter l'ensemble des services de sécurité et de secours d'un système de communication haut débit.
Ce mastodonte, qui entre progressivement en production, est suivi par trois autres projets à plus de 200 M€ : Mon Espace Santé, projet lancé en 2020 pour 4 ans visant à créer une plateforme de santé permettant à chaque citoyen d'accéder à ses données de santé et d'interagir avec les professionnels impliqués dans son parcours de soin, le SI-Samu, une modernisation des SI et des télécommunications des Samu et centres 15 lancée dès 2014 pour une durée supérieure à 10 ans, et, enfin, le projet facturation électronique du ministère de l'Economie et des Finances, initié en mars 2021 pour une durée supérieure à 8 ans.
PublicitéLa stratégie d'évitement des ministères
Surtout, ce 19ème panorama des grands projets de l'Etat souligne, en creux, la pertinence d'une critique adressée par la Cour des comptes à la DSI de l'Etat. Le dispositif d'encadrement des grands projets, censés passer par un audit de la Dinum préalablement à leur lancement, pousse les ministères à ne déposer leur dossier que tardivement auprès de la DSI de l'Etat. Cette politique du fait accompli - ou de « l'évitement », dans le langage de la Cour des comptes - se traduit notamment par l'absence de tout projet lancé en 2024 au sein du 19ème panorama et par le faible nombre d'initiatives ayant débuté l'an dernier (4 seulement). Par ailleurs, parmi les 45 projets figurant dans cette édition, un seul en est au stade préliminaire du cadrage (le Plan Réserve 2035 du ministère des Armées), contre plus d'une vingtaine en phase de conception/réalisation.
« Malgré les obligations qui incombent aux porteurs de grands projets numériques au sein de l'État de saisir pour expertise la Dinum, la mission de sécurisation de ces projets a toujours été plus ou moins contestée, souvent par des méthodes d'évitement, écrivait en juillet dernier la Cour des comptes dans un rapport. Alors que tout projet supérieur à 9 M€ requiert son avis, certains ministères ne l'ont pas sollicitée, ou trop tardivement pour des projets déjà très avancés. Dans ce contexte, les avis défavorables de la direction sont restés rares et les réserves émises inégalement suivies. » Illustration de cette stratégie : le projet NED (numérique en détention) du ministère de la Justice (132,5 M€ de budget) a reçu un avis favorable de la Dinum en novembre 2022... alors que le projet avait été lancé dès janvier 2018.
Article rédigé par
Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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