Le trafic d'influence sur les médias sociaux ne paye pas
De multiples fournisseurs proposent de doper l'audience sur les principaux médias sociaux, qu'il s'agisse de Facebook, Twitter, Youtube, Google+, Instagram et même Pinterest. Le business est faussé mais ces pratiques frauduleuses sont bousculées par la pression légale et l'action des réseaux sociaux eux-mêmes.
PublicitéFred Daniels lance un nouveau business, et a besoin d'une crédibilité instantanée. Il crée une page Facebook pour sa société, et se connecte ensuite sur Freelancer.com et embauche quelqu'un qui peut ajouter 5000 fans sur sa page le plus rapidement possible.
En moins de deux jours, ses « Likes » sur facebook ont augmenté d'un nombre à 1 seul chiffre jusqu'à 4500. Coût total de l'opération : 30 dollars. "Fred Daniels" est un pseudonyme. Le nom réel a été modifié afin d'éviter des répercussions sur Facebook. Mais cette histoire se répète des milliers de fois chaque jour sur chaque réseau social : Facebook, twitter, Google+, Youtube, Instagram et même Pinterest.
Cette course aux armements pour la popularité sur internet aboutit à des millions de faux fans, et des soutiens fictifs, dont beaucoup sont créés par des logiciels. On citera les services Fiverr, YoukileHits ou FanMeNow.
Fiverr coûte 5$. En une nuit, ce fournisseur indépendant a ajouté 20 000 vues sur une vidéo Youtube inconnue. Quant à YoulikeHits, il ne coûte rien et fonctionne à partir de points. Vous obtenez 150 points en vous engageant. 180 points permettent d'acheter 34 followers sur twitter dans les 24 heures. A peu près tous les comptes étaient d'ailleurs des arnaques pour du travail à domicile, des vidéos pornographiques, ou même des sites vendant de faux followers sur twitter.
Illustration D.R.
Pour sa part FanMeNow a apporté 700 fans sur la page Facebook créée pour cet article pour un coût de 15$. Presque tous les fans avaient des noms à consonance hispanique. A peu près 80% n'avait pas de photo sur leur profil, quasiment pas d'activité à côté de centaines de pages de « Likes ».
Même les sites déjà célèbres semblent avoir recours aux sites qui permettent de doper l'audience. En août 2012, la société StatusPeople, qui gère les médias sociaux, a passé en revue les comptes twitter énormément populaires qui utilisent un service qu'elle a développé et qui s'appelle Fake follower check (vérification des faux suiveurs sur twitter).
Selon StatusPeople, plus de 70% des followers sur twitter des 19 millions de fans du Président des Etats unis, Barack Obama étaient soit des comptes faux soit des comptes inactifs. Cette étude retournait globalement le même taux de faux pour les comptes twitter de Mitt Romney, Lady Gaga ou Justin Bieber.
Pour mémoire, Facebook a purgé le compte de Lady Gaga de 66 000 faux comptes le mois dernier. La gloire sur internet n'a jamais été aussi simple ni bon marché à acquérir. Il y a des tonnes de services qui vont ajouter des followers, des fans, des likes, des pages views, et encore plus sur les comptes des médias sociaux pour quelques dollars.
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Sur certains sites, les gens commercialisent leur support. Sur YouLikeHits, par exemple, on soumet des comptes sur certains medias sociaux que l'on veut promouvoir et l'on gagne des points en supportant d'autres pages.
On peut offrir, disons, 5 points à toute personne qui vous suit sur Twitter ou 10 points si on vous ajoute à un Circle de G+. Si cela vous semble trop de travail, vous pouvez acheter des points pour 0,3 cents ou 0,6 cents et les utiliser afin d'attirer des fans.
D'autres sites fonctionnent comme Amazon, on achète un certain nombre de supports et on attend qu'ils se montrent sur votre pas de porte virtuel. FanMeNow, par exemple, vend 500 réels fans sur Facebook pour 500 $ ou délivre 5000 vues sur Youtube pour 25 $. Voulez-vous que vos propres photos artistiques apparaissent sur la page des plus populaires sur Instagram ? Cela vous coûtera 250 $.
Faites une recherche via Google sur « Buy Facebook Fans », et vous trouverez des douzaines de services comme ceux-ci, sans compter tous les fournisseurs indépendants sur les sites tels que Freelancer, eBay, Fiverr etc. Quasiment tous ces services annoncent fournir de « réelles » personnes pour votre argent. Dans des tests utilisant plusieurs d'entre eux, cependant, des comptes de réels être humains étaient peu nombreux.
En fait, pratiquement tous les comptes achetés lors de l'écriture de cet article se sont révélés être faux. En signant auprès de YouLikeHits, 34 followers ont été ajoutée sur le compte Twitter de ce test. Sur FanMeNow, il y avait une vente de deux-pour-un, afin d'ajouter 700 fans sur Facebook pour uniquement 15 $. Bon, quasiment tous les nouveaux fans avaient des noms à consonance hispanique.
La plupart n'avait pas de photo sur leur profil et quasiment pas d'activité, à côté de pages entières de Likes. Afin de tester ces comptes, des messages ont été envoyés à 20 de ces comptes qui avaient pour leur part des photos et des amis, il n'y a eu aucune réponse. Sur Fiverr, pour cet article, il a été loué un fournisseur indépendant, appelé Richard Braggs, qui a ajouté 20 000 vues sur une obscure vidéo sur Youtube en une nuit - toutefois sans un seul commentaire - suggérant que le compte était artificiellement augmenté.
Richard Braggs (alias Richard Roles, Rich Sidari, Magic Rich ou Rich Rhythm) est le propriétaire de CodeNameSystems, un logiciel employé pour manipuler de faux comptes sur Facebook, Twitter, G+, Youtube et d'autres réseaux sociaux. Cela repose sur un vaste réseau de comptes zombies créé pour ce but, à partir de forums tels que BlackHatWorld.com.
Al Delgado, seul propriétaire de FanMeNow, a répondu récemment à Seth Stevenson, plus tôt ce mois-ci. Il affirme avoir acheté ces faux comptes depuis l'Inde. Des techniciens de ce continent ont mitonné ces personnes inexistantes, s'assurant juste que ces comptes ressemblent suffisamment à des non robots.
Dans un jour normal, Al Delgado affirme qu'il remplit 30 à 35 commandes, la plupart demandant de 1000 à 5000 followers. « De temps en temps, quelqu'un achètera un million de followers » déclare-t-il, « ce qui coûte 1300 dollars. Certains de ceux-ci vous en avez entendu parler. Je vends principalement aux musiciens, mais aussi à beaucoup de mannequins, acteurs ou stars du porno. »
Les grands réseaux sociaux n'apprécient pas ce genre de services qui viennent concurrencer leurs propres offres de services totalement légales. Difficile cependant pour twitter ou Facebook de stopper ce type de services de faux fans. Facebook estime déjà à 83 millions le nombre de faux comptes.
Le réseau social fait en sorte de mieux distinguer entre les efforts légitimes pour promouvoir certains comptes et les réseaux de bots, explique Mat Henley, dont le titre chez Facebook est tout un programme : e-Crimes Investigation & Intelligence Manager. Beaucoup de ces faussaires utilisent des malwares pour violer la loi, estime-t-il. Le réseau social travaille avec les autorités pour y mettre un terme.
Trouver des faussaires sur Twitter est plus difficile, estime un porte parole de Twitter. Il n'est pas demandé sur Twitter d'utiliser sa vraie identité. Sur Twitter, il y a 40% de comptes qui n'émettent jamais de tweet, difficile de faire la différence avec des comptes robots. Tout comme Facebook, Twitter passe en revue des peta octets de données en recherchant des anomalies afin de déclencher des poursuites légales quand cela est possible.
En avril dernier, Mat Henley a enclenché 5 actions au civil contre des sociétés qui vendaient des logiciels de spam sur Twitter. « Acheter des followers n'est pas très productif, » declare le porte-parole, « cela ne vous donne pas plus de poids, et cela place votre compte sous la menace d'être suspendu. » Google, pour sa part, n'a répondu à aucune question à ce sujet.
Tous ces efforts semblent toutefois avoir un effet. En juin 2012, YouLikeHits a annoncé qu'il ne commercialiserait plus de fans pour Facebook, après avoir reçu une lettre du réseau social. Le site CodeNameSystems est arrêté, et une note sur BlackHatWorld déclarait que les comptes créés sur Facebook étaient examinés.
D'autres sont en train de sortir de ce business. Cet été, la firme Web Media Experts a stoppé son site d'échange LikeSocialMedia, qui reposait sur un réseau de vraies personnes qui commercialisaient leurs « Likes » sur Facebook. « Il faut des contacts et non des Likes » a commenté Mike Nail, vice président des opérations pour cette société. Fred Daniels avait bien demandé de vrais fans.
Le plus étrange est que Fred Daniels n'a pas eu ce pour quoi il avait payé. Il a été identifié pour cet article via un fan mutuel, un de ceux qui avait été acheté via FanMeNow.
Article rédigé par
Jean Pierre Blettner, avec IDG News Service
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