Le rôle de la Fonction Informatique dans l'innovation de l'entreprise
Capgemini Consulting, à l'occasion de sa troisième enquête mondiale « CIO Survey 2008 », a rencontré et interrogé en face à face 395 DSI et dirigeants de sociétés françaises et étrangères, de tous domaines d'activité. Eric Monnoyer, Directeur associé, responsable France et Europe de la discipline Business & Information Strategy de Capgemini Consulting, nous a commenté les résultats de l'étude.
PublicitéInnovation métiers « La force de proposition des TIC sur l'innovation métiers est loin d'être éteinte, elle est même très active. Le volant innovation technologique est même de plus en plus important, ce qui place les DSI dans une position assez particulière », nous a confié Eric Monnoyer. D'ailleurs, 70% des DSI interrogés estiment qu'une direction informatique peut à la fois contribuer à l'innovation au sein de l'entreprise et gérer les services informatiques supports. Dans ces conditions, qu'est-ce qui freine l'innovation ? Les CIO interrogés s'entendent à reconnaître qu'une grande partie du frein provient de l'opérationnel, qui reste focalisé sur l'image de faire tourner l'usine de l'informatique, alors que l'innovation n'est ni opérationnelle ni à court terme. Pour autant, « le manque de moyens financiers n'est pas un problème, ni les prestataires externes. Le problème est dans l'entreprise... » Défis liés à l'innovation L'enquête de Capgemini pointe les plus grands défis liés à l'innovation dans la vision des DSI : - les problèmes opérationnels à court terme (52%) ; - l'insuffisance de moyens (37%) ; - les difficultés à recruter du personnel qualifié (35%) ; - le manque de soutien dans l'entreprise (25%) ; - la faiblesse de la collaboration entre la DSI et les autres services (24%). « La fonction informatique sera performante si elle parvient à se transformer pour participer à l'innovation sur les produits et services de l'entreprise dès leur conception. Porteuse d'innovation, la fonction informatique apportera dès lors une réelle valeur ajoutée pour le bénéfice de l'entreprise toute entière. » L'impact de l'externalisation L'enquête a lieu au moment où une grande partie de la chaîne de valeur informatique a été externalisée et remplacée par des outils standards du marché. Elle permet d'en mesurer l'impact dont les effets sont ressentis positivement par 72% des interrogés. De quoi offrir à la DSI la possibilité de libérer des ressources pour s'impliquer dans l'innovation. Les 'top innovators' Qu'est-ce qui distingue les DSI les plus innovants ? « Ce sont les gens qui excellent à l'opérationnel, qui sont de bons fournisseurs de services opérationnels, moins dans une relation de type client/fournisseur que de partenariat. Cela implique un système de gouvernance approprié, qui place IT et métiers dans le même bateau. Mais également de ne pas rester dans le modèle MOA/MOE. Il est préférable d'évoluer dans le modèle de travail IT Savvy du MIT. » L'enquête révèle les caractéristiques des entreprises innovantes : - Les relations doivent être efficaces entre la DSI et le reste de l'entreprise (94% contre 67%) ; - L'excellence des prestations de services informatiques de base (83% contre 56%) ; - La compréhension de l'informatique par les dirigeants de l'entreprise est essentielle (77% contre 38% pour l'ensemble) ; - Le rattachement direct au directeur général ou au directeur des opérations plutôt qu'au directeur financier (75% contre 53%) ; - Et le fait que des DSI se définissent comme les « partenaires des différentes entités de l'entreprise » et non comme « fournisseurs de services techniques » (88% contre 40% pour l'ensemble). Secteur public « Aujourd'hui, le secteur public a rattrapé les secteurs de pointe sur les IT dont ils ont fait un moteur de transformation. Dans le secteur public, le CIO se considère comme le numéro 2 dans l'innovation, à l'opposé de la place d'avant dernier dans le secteur privé ! Internet apporte les applications à disposition du citoyen, les IT sont considérés comme des outils de modernisation et de productivité. » Le contraste français Les résultats de la troisième enquête « CIO Survey 2008 » de Capgemini sont plus contrastés lorsque l'on évoque la France. « Les DSI français ne sont pas les plus leaders en matière d'innovation. MOA/MOE sont certainement trop ancrés dans la relation client/fournisseur. » Constatant que, parmi les DSI européens, les français sont les moins confiants sur la crédibilité du département informatique pour conduire l'innovation, Eric Monnoyer analyse : « Cette perception des DSI français reflète probablement les codes imposés par la distinction entre maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'oeuvre si spécifique à la France. » « La première difficulté est d'obtenir des informaticiens qu'ils parlent métiers, la MOE se préoccupant par trop de traduire le langage métier en langage informatique. Ici aussi l'innovation nécessite une structure de gouvernance appropriée. Et d'adopter la philosophie du risque contrôlé et du risque d'échec. Mais la culture informatique n'est pas une culture de l'échec... » A quand la fenêtre d'opportunité ? Eric Monnoyer s'est interrogé sur la fenêtre d'opportunité. Est-ce pour aujourd'hui ? Les nouvelles technologies, les mashups applicatifs, l'évolution sensible du poste de travail, forment une combinaison qui portent à le croire. La connaissance de l'internet, la mobilité, la relative autonomie dont disposent aujourd'hui les employés pourrait même le confirmer. Mais... « Est-ce que l'outil informatique mis à la disposition des utilisateurs est le bon outil ? » Réaliste, Eric Monnoyer s'interroge. « Il nous faudrait plus de focalisation managériale sur l'innovation dans les TIC. Mais les freins constatés, en particulier la pression du legacy et des coûts, entraînent qu'il n'y a pas beaucoup de transformations en cours transformations en cours ! » L'opportunité générationelle des 'Shadow IT' L'avenir est dans une nouvelle génération d'utilisateurs, capable d'innover en utilisant les outils informatiques sans l'aide de la direction informatique. « Cette génération des 'techno-natifs', aussi appelée 'Shadow IT' par les DSI, peut constituer une opportunité pour les directions informatiques », estime Eric Monnoyer. « Certaines organisations performantes savent en effet tirer parti de ce gisement de compétences pour accélérer l'innovation par l'usage : veille et conseil sur les applications critiques, tests et déploiements rapides, co-développement au plus près des priorités business. »
Article rédigé par
Yves Grandmontagne
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