Le projet Scribe de la police nationale étrillé par la Cour des Comptes
Un audit flash de la Cour des Comptes a été consacré au projet Scribe de la police nationale, constatant l'échec lié à un défaut de pilotage.
PublicitéLes logiciels de rédaction des procédures de la police (LRPPN ou LRP3) et de la gendarmerie (LRPGN) auraient dû être remplacés à compter du premier semestre 2020 par un logiciel unique, Scribe. Cet outil, gestionnaire de contenus suivant la procédure pénale de manière dématérialisée, est l'outil métier par excellence des forces de l'ordre. Lancé en 2015, le projet Scribe a été gelé en mars 2021 après un audit interne mené par le prestataire principal, Capgemini. Après un deuxième audit mené par Sopra-Steria de juillet à octobre 2021 sur la demande de la DGPN (direction générale de la police nationale), Scribe a été définitivement abandonné. La Cour des Comptes a récemment publié un « audit flash » sur le programme Scribe. Les magistrats dénoncent une accumulation de dysfonctionnements dans la conduite du projet.
Dès 2016, la gendarmerie s'était retirée du projet, préjugeant sans doute des errements qui aboutiraient à son échec. Car le principal reproche fait par la Cour des Comptes est bien l'absence de pilotage, à commencer par la définition effective des besoins et la description des irritants et manques des logiciels précédents. Côté maîtrise d'ouvrage, aucun cadre standard n'avait été défini pour la rédaction des spécifications fonctionnelles, d'où un document hétérogène peu exploitable. Certaines ont même été rédigées après-coup pour se conformer aux développements informatiques opérés ! Bref : à quoi devait servir le projet ? La question reste ouverte. De plus, au cour du projet, aucune maquette n'a permis de présenter une expérience utilisateur à stabiliser. Selon l'audit de Sopra-Steria, lorsque le projet a enfin été stoppé, l'avancement de la documentation du projet était estimée à 36 % s'agissant du cadrage initial, 33 % concernant l'expression des besoins et 46 % pour les spécifications fonctionnelles générales.
Un pilotage déficient
Au final, 13,28 millions d'euros de dépenses ont été comptabilisés entre 2016 et 2022 dont environ huit millions au profit de Capgemini en charge de l'assistance à maîtrise d'oeuvre. Le maître d'oeuvre interne, le ST(SI)² (Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure, hébergé au sein de la direction générale de la gendarmerie nationale) et la direction du numérique du ministère de l'intérieur (DNum) n'ont pas consacré les moyens suffisants au pilotage effectif du projet et, face aux première alertes (notamment issues de la direction interministérielle du numérique), n'ont pas réagi de manière pertinente. Selon le rapport de la Cour des Comptes, en réponse aux premières observations des magistrats, Capgemini a reconnu avoir « manqué au devoir de conseil et d'alerte ».
PublicitéLa Cour des Comptes a donc conclu qu'il convenait de relancer un appel d'offres et surtout de mettre en place, cette fois, un réel pilotage. Parmi les points essentiels, les magistrats réclament un directeur de projet unique au lieu de la dilution des responsabilités observée sur Scribe. La direction interministérielle du numérique a estimé le coût d'un nouveau projet devant aboutir en 2024 à trente millions d'euros, et destiné uniquement à la police nationale, un projet convergent étant jugé trop long à développer. Mais la Cour des Comptes a, elle, considéré que ce jugement n'était pas étayé. Elle recommande plutôt de se baser sur le logiciel utilisé avec succès par la gendarmerie pour créer un outil commun.
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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