Le grand pari de Johnson & Johnson sur l'automatisation intelligente

Trois ans après s'être engagés dans l'automatisation intelligente du colosse pharmaceutique, Ajay Anand et Stephen Sorenson de Johnson & Johnson reviennent sur leur objectif, faire gagner un demi-milliard de dollars au groupe à travers leurs initiatives.
PublicitéIl y a trois ans, Johnson & Johnson (J&J) a entrepris de déployer de l'automatisation intelligente dans l'ensemble de ses activités. Alors que la pandémie mondiale de Covid-19 commençait à se propager, l'un des plus grands fournisseurs mondiaux de produits pharmaceutiques, de dispositifs médicaux et de biens de consommation devait réduire ses coûts, accélérer ses tâches et améliorer la précision de ses principales opérations métiers. À l'époque, l'automatisation robotisée des processus (RPA) devenait populaire, les entreprises cherchant à utiliser des « robots » logiciels pour automatiser les processus d'entreprise basés sur des règles. Mais des entreprises comme J&J voulaient aller plus loin dans l'automatisation. En combinant la RPA avec l'apprentissage machine (ML) et l'intelligence artificielle (AI), ces pionniers ont cherché à automatiser des tâches plus complexes.
En 2021, Ajay Anand et Stephen Sorenson de J&J font un très gros pari. « La meilleure façon d'attirer l'attention de nos hauts dirigeants, nous semblait-il, était de miser sur un énorme impact, et comme en général, tout se chiffre en milliards chez J&J, il fallait mettre la barre très haut », a expliqué Ajay Anand, vice-président de la stratégie et de la transformation des services mondiaux du groupe pharmaceutique. Ajay Anand et Stephen Sorenson, vice-président senior des services technologiques, de la chaîne d'approvisionnement, de l'intégration des données et de l'ingénierie de fiabilité de l'entreprise, ont proposé de créer un conseil d'automatisation intelligente à l'échelle de l'entreprise, qu'ils présideraient en faisant la promesse de générer un demi-milliard de dollars d'économies au cours des trois années suivantes... Aujourd'hui, ce montant est quasiment atteint, au point que, comme l'a indiqué Ajay Anand lors d'une réunion récente, un membre du comité exécutif leur a demandé de doubler ce chiffre sur la base du rythme actuel.
Premiers obstacles à l'automatisation intelligente
Grâce au travail de l'Intelligent Automation Council, J&J applique désormais l'IA à tous les domaines, des processus opérationnels de base aux chatbots pouvant apporter une aide aux employés et aux clients, en passant par les algorithmes qui peuvent surveiller la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise et l'aider à s'adapter à des conditions changeantes - par exemple, un doublement de la demande de Tylenol dans les premiers jours de la pandémie. Mais quand Ajay Anand et Stephen Sorenson ont commencé à introduire de l'automatisation chez J&J, ils se sont rapidement heurtés à des obstacles. « Nous délocalisions et utilisions de la main-d'oeuvre bon marché et nous essayions de simplifier nos processus, mais il était très difficile de passer à l'échelle et il y avait beaucoup de turnover », relate Stephen Sorenson. « Nous devions constamment renouveler le personnel et les exceptions des processus nous compliquaient énormément la tâche. Il est difficile d'imaginer le nombre d'exceptions qu'il peut y avoir dans un processus tant qu'on ne l'a pas exécuté réellement ou que l'on n'a pas formé les gens à le faire », fait remarquer Stephen Sorenson. « Les exceptions peuvent ruiner des tâches apparemment simples, comme l'envoi de formulaires de confirmation. Une faute de frappe, un nouvel intitulé de poste, n'importe quoi peut envoyer ces formulaires directement dans la file d'attente des erreurs », illustre Stephen Sorenson. « Nous avons essayé de les automatiser et nous avons réalisé que les gens ne connaissaient pas leurs processus métiers aussi bien qu'ils le pensaient. Ils connaissaient leurs tâches et pouvaient faire passer le travail du point A au point Z, mais si l'on essayait d'automatiser ces tâches, très peu d'automatisations atteignaient leur but final », poursuit-il.
PublicitéIl n'a pas fallu longtemps pour réaliser que l'approche traditionnelle de la cartographie des processus métiers - s'asseoir avec les employés, comprendre comment ils font leur travail et enregistrer leurs tâches - n'allait pas donner à l'équipe d'automatisation ce dont elle avait besoin. Pour disposer d'une vue complète des processus opérationnels, J&J a fait appel à un outil d'exploration des tâches. « Dans un premier temps, nous avons travaillé avec un petit groupe d'employés prêts à collaborer avec nous. D'abord, nous avons pris en compte toutes leurs préoccupations en matière de confidentialité, puis nous les avons formés et nous avons installé cet outil sur leur bureau pour enregistrer l'activité réelle », explique Ajay Anand. « Au moment de lancer un processus spécifique, ils appuyaient sur le bouton d'enregistrement, et toute la séquence de travail était capturée sur l'outil. Nous avons fini par créer des corridors personnalisés avec toute la documentation associée ». Plutôt que d'interroger les employés sur le processus en amont, l'équipe a pris les enregistrements et les a examinés avec les employés, en leur demandant s'il y avait des variations non enregistrées qu'ils voulaient partager.
Adopter un état d'esprit axé sur le numérique
J&J a commencé à utiliser la RPA pour des tâches simples de processus d'entreprise comme le déplacement de documents, le remplissage de feuilles de calcul, l'envoi de messages clés, l'intégration de courriels, etc. La démarche s'est développée à partir de là. « Quand nous avons examiné l'ensemble de nos processus métiers, nous étions également très enthousiastes à l'idée de les repenser en adoptant un prisme numérique », confie Ajay Anand. Pour illustrer la nouvelle perspective de l'entreprise, il a cité l'exemple du processus de facturation à l'encaissement. Comme toute entreprise, lors de l'exécution de ce processus, J&J était parfois confronté à des erreurs ou à des litiges avec les clients. « En replaçant ces processus dans une perspective numérique, nous avons pu examiner les choses de bout en bout et rechercher non seulement les étapes que nous étions capables d'automatiser, mais aussi déterminer celles où l'on pouvait intégrer une certaine intelligence. Par exemple, essayer de savoir quels clients présentaient des risques de litiges potentiels, et commencer à prendre des mesures, de manière proactive », illustre Ajay Anand. En appliquant l'automatisation intelligente au processus allant de la facturation à l'encaissement, J&J a pu augmenter le recouvrement des fonds, réduire le taux d'erreur et diminuer le nombre d'heures de travail et d'argent dépensé pour aboutir aux mêmes résultats. Selon Ajay Anand, le coeur de l'esprit « digital-first » de J&J autour de l'automatisation intelligente peut se résumer aux trois E : expérience, efficacité et efficience. L'automatisation modifie-t-elle l'expérience des employés, des clients et des fournisseurs ? Rend-elle les processus plus efficaces et plus efficients ?
Un succès bâti sur de petites victoires
Selon Stephen Sorenson, l'équipe a appris que la clé du succès de l'automatisation était de commencer petit, de remporter des victoires et d'informer les gens des possibilités, comme c'est le cas pour de nombreux projets IT. « Notre credo a été de dire qu'il ne fallait pas tenter un 'home run' (NDLR Terme du baseball, désignant un coup sûr qui permet au frappeur de passer par toutes les bases d'une seule frappe, sans erreurs de la défense adverse), mais d'aller à la base, d'amener les acteurs sur cette base, d'avancer et de gagner des points par étapes », indique Stephen Sorenson. « Cette méthode a vraiment aidé les gens à se dire qu'ils n'avaient pas à se soucier de tout, qu'ils devaient juste automatiser ces quelques étapes et que nous pourrions ensuite voir vers quoi l'on pouvait aller ». Stephen Sorenson fait remarquer que les petites victoires ont aidé l'équipe d'automatisation à gagner en confiance, mais elles ont également généré des données qui leur ont permis de montrer que l'état d'esprit digital-first, machine-first, pouvait déboucher sur des résultats plus précis. « Si l'on y réfléchit différemment, on peut automatiser les étapes de manière plus précises et intégrer la détection, afin de déceler les problèmes là où les choses échouaient historiquement, ou même prévoir des étapes de réconciliation qui nous permettent de confirmer que les choses ont fonctionné depuis le début », partage Stephen Sorenson. Très vite, à mesure que la confiance s'installait, il ne s'agissait plus de convaincre les parties prenantes de la valeur de l'automatisation, mais de savoir ce que l'équipe pouvait faire d'autre. Ajay Anand note pour sa part que gérer les peurs en montrant des exemples aux pairs et aux partenaires a été essentiel. « Voir ces exemples les a vraiment inspirés », affirme Ajay Anand. « Pendant longtemps, certains ont eu peur que l'automatisation les prive de leur emploi. Et ils ont pu voir qu'en fait, elle permettait aux employés de consacrer leur temps à des tâches de plus grande valeur et qu'ils disposaient de plus de temps pour l'innovation ».
Article rédigé par
Thor Olavsrud, IDGNS (adaptation Jean Elyan)
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