Le gouvernement britannique peine à récolter les bénéfices de l'IA

Un rapport parlementaire énumère toute une série problèmes entravant le déploiement de la stratégie d'IA outre-Manche : pénurie de compétences, données erronées, projets pilotes cloisonnés et inquiétudes à long terme quant à la dépendance de l'administration aux fournisseurs d'IA.
PublicitéLe grand plan du gouvernement britannique pour l'IA dans le secteur public se heurte à des défis technologiques croissants, selon un rapport du comité parlementaire sur les comptes publics (Parliamentary Public Accounts Committee), constitué d'élus du parlement de tous bords.
Nombre de ces problèmes sont familiers à tous ceux qui ont essayé mettre l'IA en production au sein d'une organisation : des systèmes obsolètes, des données de mauvaise qualité et un manque chronique de personnel qualifié pour mettre en oeuvre la technologie. Mais au-delà de ces problèmes classiques, il en existe un autre qui pourrait s'avérer tout aussi épineux : le pouvoir monopolistique des fournisseurs de technologie qui contrôlent la technologie sur laquelle le gouvernement mise tant.
Quelques semaines seulement après la création d'un Service numérique du gouvernement (Government Digital Service) pour piloter l'IA, l'évaluation initiale du comité, sur les bénéfices réels de l'IA dans l'administration, est un rappel à la réalité qui donne à réfléchir.
Projets pilotes menés en vase clos
Le rapport identifie plusieurs sources de préoccupation, à commencer par les données de mauvaise qualité « enfermées dans des systèmes informatiques obsolètes ». Sur les 72 systèmes Legacy précédemment identifiés comme étant des obstacles, 21 n'avaient même pas encore reçu de financement pour remédier à ces problèmes au moment de l'analyse du comité, selon le rapport.
L'étude a également relevé un manque de transparence dans l'utilisation des données gouvernementales par l'IA, ce qui risque de susciter la méfiance du public et d'amener les citoyens à retirer leur consentement à l'utilisation de leurs données. Parmi les autres problèmes, citons la pénurie persistante de compétences en matière d'IA et plus généralement de numérique, lacune mentionnée par 70% des organismes gouvernementaux ayant répondu à une enquête du National Audit Office (NAO) en 2024. En outre, les services gouvernementaux mènent souvent des projets pilotes d'IA en vase clos, ce qui rend difficile le partage des bonnes pratiques, a constaté le comité.
« Le gouvernement a déclaré vouloir injecter l'IA dans les veines de la nation, mais notre rapport soulève la question de savoir si le secteur public est prêt pour une telle procédure, a déclaré le président du comité, Sir Geoffrey Clifton-Brown. Malheureusement, ceux qui connaissent les analyses passées de notre commission concernant l'architecture numérique franchement sclérosée du gouvernement sauront que toute promesse de transformation soudaine [de ce dernier, ndlr] est à prendre avec des pincettes. » L'enjeu est de taille. L'IA est souvent présentée par les ministres du gouvernement britannique comme la clé de la refonte de l'État, lui permettant de travailler plus efficacement et à moindre coût.
PublicitéL'oligopole de l'IA
Dans son rapport, le comité attire également l'attention sur le pouvoir de marché d'un petit groupe d'entreprises spécialisées dans l'IA. L'industrie technologique a tendance à devenir monopolistique au fil du temps, mais avec l'IA, cette situation s'est installée d'emblée, ce qui pourrait conduire à un verrouillage technologique et à des coûts plus élevés, entravant ainsi le développement à long terme de la technologie.
Selon l'Open Cloud Coalition (OCC), un groupe de pression récemment formé par de petits fournisseurs de services cloud soutenus par Google, les difficultés du gouvernement britannique avec l'IA reflètent ce qui s'est passé avec le déploiement du cloud à partir des années 2010, notamment le manque de concurrence.
« Ce rapport montre que la domination de quelques grands fournisseurs dans les marchés publics relatifs à l'IA risque d'étouffer la concurrence et l'innovation, tout en freinant la croissance, exactement les mêmes problèmes que ceux que nous avons observés avec les contrats de cloud », commente Nicky Stewart, conseillère senior de l'OCC. Le cloud et l'IA sont symbiotiques, fait-elle remarquer, et la domination de l'un ou des deux par un petit groupe d'entreprises technologiques, principalement américaines, risque de créer des monopoles auxquels il pourrait être difficile d'échapper.
Economies surestimées ?
« Sans réforme, le gouvernement restera trop dépendant d'une poignée de grands fournisseurs, ce qui limitera la flexibilité et l'accès aux technologies de pointe, tout en enfermant les contribuables dans des accords coûteux et restrictifs », reprend Nicky Stewart.
Sylvester Kaczmarek, directeur technique d'OrbiSky Systems, une entreprise britannique spécialisée dans l'intégration de l'IA dans les applications aérospatiales, reconnaît que la domination de quelques fournisseurs pourrait étouffer l'innovation, mais reste tout aussi sceptique quant aux prévisions d'économies de coûts apportées par l'IA. C'est toujours au niveau de la mise en oeuvre que les technologies font leurs preuves, fait-il remarquer. « Les économies sont-elles exagérées ? Très probablement, à court terme, dit Sylvester Kaczmarek. Il y a beaucoup de travail à faire avant qu'un déploiement fiable et à grande échelle de l'IA ne permette de réaliser des économies significatives en toute sécurité. »
Article rédigé par
John E. Dunn, Computerworld (adapté par Reynald Fléchaux)
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