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Le DSI d'Adidas joue aussi gagnant avec le marketing numérique

Le DSI d'Adidas joue aussi gagnant avec le marketing numérique
Jan Brecht, DSI du groupe Adidas. Photo : Adidas.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°95 !
Gérer sa carrière et se former : le numérique au coeur des défis

Gérer sa carrière et se former : le numérique au coeur des défis

Se former tout au long de la vie est une nécessité, notamment dans tous les métiers du numérique où les technologies évoluent rapidement. Mais si le numérique est ainsi la source d'un problème, le numérique est aussi une solution. Les nouveaux outils du Digital Learning s'appellent en effet MOOC,...

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Oubliez les batailles de territoires que l'on rencontre dans d'autres entreprises entre des responsables du marketing et de l'informatique. Chez célèbre fabricant de vêtements sportifs Adidas, l'approche du marketing numérique est construit sur une véritable alliance entre les deux disciplines. Nos confrères américains ont interrogé à ce propos le CIO du groupe.

PublicitéComparativement à la même manifestation sportive huit ans plus tôt, la Coupe du Monde 2014 a marqué une grande différence pour les entreprises du domaine sportif dans al manière de gérer leurs opérations de marketing comme l'a expliqué Jan Brecht, CIO d'Adidas. Celui-ci nous a accordé un entretien au siège mondial d'Adidas à Herzogenaurac en Bavière.

Il interroge : « En 2006, la dépense marketing a été presque entièrement portée sur la télévision et la presse écrite ; mais si vous regardez la coupe de 2014 au Brésil, la grande majorité de la dépense marketing est numérique. Alors, que faut-il pour que l'entreprise rencontre autant de succès dans le monde numérique qu'elle avait dans le monde analogique? »
Dans une interview accordée à IDG News Service, l'agence de presse du réseau IDG auquel est affilié CIO France, Jan Brecht a parlé d'une part de la façon de construire une stratégie de marketing numérique réussie, d'autre part de sa méthode pour aider les autres directions de l'entreprise à aller de l'avant.

IDG : Que voyez-vous comme les facteurs les plus importants de son implication dans le marketing numérique ?

Jan Brecht : Je dirais qu'il y a trois domaines. L'un est l'équipe. Le second est la façon dont vous parlez aux consommateurs. En effet, via un support imprimé ou la télévision, vous pratiquez un monologue. Le passage au dialogue interactif est un changement fondamental dans le mode d'action. Et le troisième point est la technologie, qui a elle-même également parcouru un très long chemin. Si vous revenez à la Coupe du Monde 2006, les smartphones n'existaient pas alors que le monde d'aujourd'hui est presque impensable sans eux.

IDG : De quelle façon les choses étaient-t-elles différentes à la Coupe du Monde 2014 ?

Jan Brecht : Nous avons mis en place une plaque tournante pour les médias sociaux dans l'un des centres névralgiques du football, le stade Maracana à Rio de Janeiro. Non seulement nous mettons nos équipes là-bas, mais nous avons partagé l'endroit avec une équipe de rédacteurs de Google. Nous avons eu une coopération très étroite avec eux.
Nous avons joué sur toutes les plates-formes de médias sociaux pertinents, c'est à dire pas simplement Facebook et Twitter, mais tout ce que nous pouvons utiliser pour se connecter. Et nous n'avons pas seulement envoyé des messages, mais nous avons aussi écouté.
Chaque jour, nous avons eu un rapport des tendances sur les médias sociaux pour nous révéler les retours d'évaluations sur les médias sociaux. Chaque jour, nous avons mesuré les rediffusions de nos messages sur Twitter et les messages postés sur Facebook, à travers des milliers voire des centaines de milliers de messages.

PublicitéDonc, tout d'un coup, toute votre communication passe d'un monologue au dialogue. Nous avons certainement gagné cette Coupe du monde d'un point de vue marketing. Nous avons ainsi obtenu une part de voix de 22% plus élevée que n'importe quelle autre société [dans le domaine du sport] durant la Coupe du Monde. Même notre ballon de football a suscité des tweets. Cet objet a des millions d'adeptes.
Grâce à notre plate-forme de médias sociaux, qui a vraiment interagi avec le consommateur, nous avons gagné cette Coupe du Monde d'un point de vue marketing.

IDG : Parlons des équipes. Comment les informaticiens de votre DSI ont-ils travaillé avec le groupe venant de la direction marketing ?

Jan Brecht : Nous étions très honnêtes avec nous-mêmes. Les techniciens de la DSI étaient conscients qu'ils n'avaient probablement pas la créativité qu'il faut pour diriger une campagne de marketing réussie. Et, de la même façon, l'équipe marketing avouait aussi honnêtement qu'elle n'avait probablement pas les compétences techniques pour traduire sa créativité en un produit évolutif et sécurisé. Après quelques discussions, nous avons décidé d'intégrer pleinement les deux équipes. Nous appelons cela l'équipe de l'expérience numérique, avec la double perspective d'une part de la création numérique et d'autre part de la technologie numérique.

L'équipe est dirigée par une seule personne, qui relève à la fois du directeur marketing et du DSI. Et cette équipe ne peut pas trancher si elle appartient au marketing ou à la DSI. Nous avons rendu ce changement effectif à partir du 1er Novembre 2013, et je pense que c'était probablement l'étape la plus importante pour réussir.

En effet, c'est ce qui a jeté les bases qui ont, ensuite, évité d'avoir tous les doigts pointés vers eux : « Oh, l'équipe de la DSI ne conçoit pas de trucs créatifs, les gars de marketing sont incapables d'obtenir quelque chose d'évolutif, tout va à vau-l'eau. » La règle est qu'il faut une seule responsabilité de bout en bout aussi bien pour la création que pour la partie technique. Aujourd'hui, tout est basé sur la technologie, tout est sur les médias sociaux. C'est pourquoi vous ne pouvez pas faire sans elle, mais vous ne pouvez certainement pas plus agir sans créativité. Il en résulte que constituer une équipe mixte est ce qui est le plus important.

IDG : C'est tout de même compliqué pour le chef d'équipe de dépendre simultanément de deux directions. Comment résolvez-vous les conflits avec avec la direction marketing ?

Jan Brecht : En lui parlant. Je pense que l'organisation adoptée est logique mais tout dépend toujours des gens qui sont en postes. Il a fallu un certain temps pour que les attentes soient réalistes des deux côtés. Nous avons également mis un processus beaucoup plus structuré autour des campagnes. Par exemple, les informaticiens de l'équipe conjointe font maintenant partie de ceux qui choisissent les agences de création. Il en résulte que, dès le début, il y a une barrière sur la qualité.

Du coup, c'est un peu plus strict au début, mais vous gagnez beaucoup de temps à la fin. A l'inverse, selon les anciennes pratiques, la mise en oeuvre est envisagée seulement une fois que le travail de création a été fait. La méthode actuelle rend le travail commun beaucoup plus simple, avec moins de conflits ou de débats entre DSI et direction marketing. Et nous nous entendons bien, donc cela facilite les choses.

IDG : Selon vous, quels sont les changements technologiques les plus importants qui vont arriver ?

Jan Brecht : L'image que je utilise toujours en interne, non seulement avec les informaticiens mais aussi la direction, est le célèbre génie dans la bouteille. Pendant des décennies, l'informatique était géré d'une manière qui en tant que CIO, vous aviez une bonne bouteille, votre datacenter et vos applications, vous mettiez un bouchon dessus, et vous essayiez d'en garder le contrôle autant que vous le pouviez. Cela amenait évolutivité, fiabilité et sécurité. Si je regarde la façon dont nous gérons aujourd'hui notre informatique, si je regarde les smartphones des consommateurs des produits Adidas, les règles ont complètement changé. Au total, les consommateurs ont probablement un million de fois ou mille milliards de fois plus de puissance informatique que tout ce que j'ai jamais eu dans mon datacenter interne. Le génie a quitté la bouteille.

Alors, comment puis-je non seulement m'assurer que je garde mes applications et mes entrepôts de données sous contrôle, mais aussi réellement tirer parti de la technologie qui est dans les mains du consommateur pour les amener à s'engager pour la marque ? Et c'est quelque chose que la DSI a besoin de désapprendre et de réapprendre complètement parce que, encore une fois, nous n'avons plus sous notre seul contrôle la technologie. Le génie n'est plus dans la bouteille mais nous avons besoin de nous y connecter.

Je vais juste vous donner deux exemples pour bien vous faire comprendre. Pour commence, la chaussure numéro un est la ZX Flux, qui est une chaussure associée à une application, qu'on trouve aussi bien sur iTunes d'Apple que sur la boutique Android. Prenez une photo avec votre smartphone, n'importe quelle image que vous voulez (un contenu approprié) et vous pouvez alors la projeter sur votre chaussure. Nous faisons cette chaussure pour vous, et vous aurez l'image que vous avez pris avec votre smartphone sur vos chaussures.
Prenons un autre exemple, appelé Snapshot. vous pouvez taper sur ou lancer une balle, et votre smartphone permettra de mesurer la vitesse à laquelle vous avez jeté votre coup de pied ou celle de la balle. Encore une fois, c'est de l'interaction, pas seulement un envoi de messages marketing quelconque. A l'inverse, vous impliquez les gens avec la marque grâce à la technologie. Et ce n'est pas de la technologie que nous avons achetée mais bien la technologie qui est dans les mains du consommateur.

IDG : Un autre défi pour les DSI travaillant avec la direction marketing est de naviguer dans la vaste gamme d'outils vendus pour le marketing numérique. Préférez-vous développer en interne ou acheter à l'extérieur, et quels sont les fournisseurs intéressants ?

Jan Brecht : Nos outils sont surtout d'origine externe. Le rythme auquel les start-up bouge c'est très difficile à suivre en interne. Alors vous devez vous en remettre aux outils disponibles sur le marché, notamment pour l'analyse de médias sociaux et celle des données. Il y a de nouveaux outils chaque trimestre. Rien que pour analyser les médias sociaux, nous en avons probablement essayé au moins huit ou dix. Nous avons toujours eu le meilleur outil à chaque moment, mais il y a un autre outil encore mieux six mois plus tard. Cette situation est radicalement nouvelle.
Ce que je peux aussi vous dire, ce est, en général, ce ne sont pas les entreprises bien établies, les grands acteurs de l'industrie de l'IT, qui font les produits qui nous intéressent. Mais, à l'inverse, les pures startups sont généralement un peu trop fragiles pour une entreprise de notre taille. Ce dont nous avons besoin, ce sont des entreprises en mesure de corréler nos données et qui sont solides. Par exemple, il y a SAS, une entreprise avec une expérience dans les statistiques. C'est une entreprise de taille moyenne, innovante, apte à réaliser des corrélations de données, et ce sont des gens avec qui il est agréable de travailler. Ils sont assez agiles pour s'adapter, pas aussi lents que les grands acteurs historiques de l'industrie IT, mais ils ne sont pas aussi volatiles ou fragiles que la première start-up des environs.

IDG : Au-delà du marketing numérique, quels sont les autres domaines où vous voyez que la technologie contribue à la croissance d'Adidas?

Jan Brecht : Un domaine est le football aux Etats-Unis. Aux États-Unis, vous avez toujours besoin de statistiques sur le sport. Ainsi, le baseball est piloté par les statistiques. Donc, une chose que nous avons faites avec la Major League Soccer aux États-Unis est d'équiper de microcapteurs les semelles de chaussures afin de collecter toutes sortes de mesures sur le terrain. C'est un exemple de technologie prêt-à-porter. Celle-ci intéressera aussi la personne qui voudra s'entraîner pour le prochain marathon. Elle disposera d'un plan de formation individuel assisté par la technologie portable que nous proposons. C'est un champ d'activité qui ne facilite pas les affaires actuelles mais qui créé un nouveau marché car on peut vendre ces produits.
Et, en plus de mon poste de DSI, j'ai aussi la responsabilité de la chaîne d'approvisionnement mondiale pour le groupe Adidas. Nous sommes à la recherche de synergies entre la DSI et la logistique. La bonne vieille technologie RFID qui a été étudiée pendant des décennies dans la plupart des entreprises mais presque jamais mise en oeuvre au delà de projets pilotes a un énorme potentiel. Si vous êtes en mesure de suivre votre produit à partir de sa fabrication jusqu'à sa vente, tout au long de la chaîne logistique, il y a de fortes chances de réduire de réduire le besoin de fonds de roulement, d'augmenter les ventes à prix fort et la disponibilité des produits, etc.
Quel est le rôle de la DSI dans cela ? L'activité des technologies prêtes-à-porter est normalement dirigée par des chefs de produit, parce que ce sont des produits que nous vendons. Mais la DSI fait tout le développement mobile et back-end. Et ce qui relève du RFID est également piloté par la DSI. Je pense que maintenant nous sommes au point sur ces étiquettes RFID qui acquièrent tout d'un coup un sens même pour des articles à bas prix tels qu'une paire de chaussures.
Nous l'avons prouvé avec notre marque Neo où le RFID a aidé de manière significative à améliorer la disponibilité des produits dans le magasin. Par conséquent, nous cherchons maintenant à étendre cette technologie sur une plus grande échelle.

IDG : Que cherchez-vous en ce moment lorsque vous embauchez du personnel informatique ?

Jan Brecht : La plus grande opportunité en ce moment, non seulement chez Adidas mais aussi dans la plupart des entreprises, est probablement de vraiment changer la culture de la décision, en la rendant pilotée par les données. Je suis le premier à reconnaître l'importance de l'intuition, mais, s'il vous plaît, assurez vous que vos décisions s'appuient sur des données. Et, sur ce point, vous voyez une grande différence avec les entreprises qui ont l'avantage d'être nées assez tard pour que le pilotage des décisions par les données soit dans leur ADN comme Google, Amazon, Zappos, Zalando ou les éditeurs de jeux en ligne.
Si vous avez une longue histoire, vous devez introduire un changement culturel.
Revenons donc à la question des talents. Trouver des data-scientists est probablement le plus difficile en ce moment car c'est encore une compétence rare. Les data-scientists doivent maîtriser les outils statistiques autant que les connaissances techniques tout en ayant la compétence pour appliquer leur à votre contexte économique.
Donc, soit vous prenez une personne qui maîtrise votre secteur économique, soit un spécialiste en analytique, et vous les formez dans les outils statistiques. Ou vous pouvez prendre quelqu'un qui a été formé dans les outils statistiques et lui enseigner votre modèle économique. Il est extrêmement difficile de trouver en une seule personne les deux typologies de compétences en dehors de votre propre entreprise. Être capable de lire et de comprendre les données, puis l'utiliser pour ce que j'appelle l'analyse prédictive, est probablement l'une des plus grandes opportunités que nous ayons.

Article original de Elizabeth Heichler (directrice éditoriale d'IDG News Service) traduit et adapté par Bertrand Lemaire.


Article original sur CIO.com

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