Laurent Dirson (Nexity) : « nous faisons du cloud privé, du cloud public mais jamais d'hybride »

Le CPI-B2B (Club de la Presse Informatique B2B) a organisé un débat le 18 octobre 2017 sur la migration vers le cloud, avec le témoignage de Laurent Dirson, directeur Applicatifs Métiers et Production IT à la direction du Digital chez Nexity. Celui-ci a clairement expliqué l'approche de la société immobilière qui devrait aboutir au datacenterless en 2019. Mais cette apparente approche technique est en fait, avant tout, une nouvelle manière d'envisager le fonctionnement même de l'entreprise.
Publicité« Notre objectif est que, au 1er semestre 2019, nous n'ayons plus de datacenter » a affirmé Laurent Dirson, directeur Applicatifs Métiers et Production IT à la direction du Digital au sein de la société immobilière Nexity. Il a témoigné le 18 octobre 2017 lors du débat « Comment migrer sereinement ses applications vers le cloud ? » organisé par le CPI-B2B (Club de la Presse Informatique B2B). La migration massive vers le cloud de Nexity n'est pas un choix seulement technique. Ce choix est lié à une refonte importante de son organisation et de son approche.
Ainsi, il n'y a plus de DSI chez Nexity mais une « direction digitale » qui regroupe trois pôles : l'acquisition client et le marketing digital, les applications métier et la production IT ainsi que, enfin, les fonctions supports. Cette mutation est liée à une organisation autour des différents clients, particuliers, entreprises et collectivités. Pour Laurent Dirson : « Nexity ne sera jamais un spécialiste des infrastructures, nous sommes tournés vers les besoins métiers, l'exploitation des applications. » Plus globalement, la valeur différenciante de l'équipe IT de l'entreprise n'est pas sur ce qui est commun à tout le monde mais bien sur ce qui est spécifique, donc sur le service rendu au métier différemment des manières de faire dans les entreprises concurrentes. Les projets, chez Nexity, sont menés en méthodes agiles sur des « plateaux projets » avec co-localisation des responsables du projet tant côté métier que IT.
Trois manières de migrer
Mais toute entreprise établie a évidemment un Legacy. Il s'agit donc de savoir comment passer d'un Legacy on premise à un SI cloudifié. Trois grandes familles de méthodes ont été présentées par les intervenants. Chaque méthode a ses avantages, inconvénients et limites.
Le premier niveau de la migration est appelé Lift & shift (ou Rehosting). Le cloud se limite ici à un IaaS. Et les applications sont simplement changées d'infrastructures en restant globalement identiques, à d'éventuels détails près. La cloudification selon cette méthode est limitée et peu impactante mais simple et rapide. Le deuxième niveau est le replatforming. Les applications sont alors modifiées pour tirer parti de services managés (par exemple les bases de données) intégrés au service cloud choisi. Enfin, le refactoring consiste à tout suffisamment redévelopper pour profiter pleinement des services offerts par le prestataire de cloud.
Des refontes plus ou moins lourdes selon la pertinence financière et technique
Avec un objectif de suppression de tous les datacenters propres d'ici le premier semestre 2019, Nexity a dû adapter diverses démarches. L'objectif est de gagner en niveaux de services et en agilité. Sa préférence nette est pour le cloud public et donc une certaine radicalité dans la migration. Mais ce n'est pas toujours possible. Ainsi, certaines applications fonctionnent sous AS/400 (IBM iSeries puis System i5) et il n'existe pas de cloud public pour cet environnement. Nexity a donc choisi une migration chez Claranet dans un cloud privé. Une autre option est une refonte plus ou moins complète, ce qui nécessite du temps et du budget, projet passant donc sous les fourches caudines de la priorisation. « Nous regardons, application par application, s'il est ou non judicieux de gommer l'obsolescence technique » a mentionné Laurent Dirson.
A l'inverse, Nexity a pratiqué le Lift & shift pour une quarantaine d'applications aujourd'hui hébergées chez Amazon Web service. Laurent Dirson a observé : « le seul Lift & shift a permis de gagner en temps de réponse. » Il est vrai que le projet de migration applicative est associé à un autre chantier fondamental concomitant, le réseau, autant pour le siège que pour les agences. Le réseau est hybride avec un routage intelligent : des liens privés MPLS et de l'Internet. « Tout ce que l'on peut faire passer via Internet en évitant le MPLS, on le fait » a précisé Laurent Dirson. Boris Lecoeur, senior manager chez AWS, a relevé : « quand je suis arrivé chez AWS, je pensais que le temps de latence était le principal frein commercial pour nos offres mais, en réalité, la plupart des gros clients optent pour du direct-connect (lien réseau propre).
PublicitéHybride IT mais pas cloud hybride
Si Nexity pratique l'hybride IT, l'entreprise ne possède pas d'approche en cloud hybride. Laurent Dirson a insisté : « nous faisons du cloud privé pour certaines applications, du cloud public pour d'autres mais jamais de cloud hybride qui ne marchera jamais ». Pour profiter au maximum des services proposés par les prestataires de cloud, Nexity opte autant que possible pour le PaaS plutôt que le IaaS.
Mais une approche hybride du stockage est souvent nécessaire. Ainsi, lors du même débat, le spécialiste du stockage PureStorage, fournisseur de prestataires cloud autant que d'entreprises finales, a présenté son propre cas. Ce fournisseur dispose de 8 Po de données hébergées chez Amazon Web Services (AWS). Mais 1 Po est rapatrié en local sur des baies propres pour tout ce qui relève du Machine Learning. « Des échanges de données trop intenses sont rapidement beaucoup trop coûteux » a soulevé Gabriel Ferreira, directeur technique chez Pure Storage France.
L'architecte, le bâtisseur du cloud pertinent
Pour Laurent Dirson, l'architecte IT convenablement formé aux spécificités du cloud est indispensable à la cloudification des SI, précisément à cause des modèles économiques des prestataires. Il a ainsi appelé à la création d'un nouveau métier, « le FinOps, le financier des opérations ». Son rôle est de maîtriser les contrats pour optimiser les factures et surtout éviter l'explosion des coûts liée à un usage inutile de ressources onéreuses. Pour éviter de trop grosses catastrophes, tous les informaticiens de Nexity ont reçu une formation minimale à AWS. Plutôt que des forfaits, la cloudification amène de multiples micro-consommations à l'acte. Suivre ces micro-facturations et optimiser le budget constituent un métier nouveau nécessitant de saisir toute la chaîne informatique dans sa globalité.
Et, parmi les optimisations possibles, il y a l'infrastructure as a code. Le stockage ne coûte pas cher et peut donc être utilisé (presque) sans retenue, mais ce n'est pas le cas de la puissance de calcul. L'idée est donc d'allumer des capacités lorsqu'on en a besoin et de les éteindre sinon, par exemple en dehors des heures ouvrées pour les usages internes. « Par exemple, nous pouvons provisionner les plates-formes de développement seulement aux heures ouvrées et donc ne les facturer que lorsqu'elles sont utiles » a ainsi mentionné Douglas David, directeur adjoint de production chez Oxalide. Et, pour les développeurs, il s'agit de re-optimiser correctement leur code, comme à l'époque des micro-ordinateurs sans disque dur et avec 1 ko de RAM... La ressource est redevenue précieuse, même si l'échelle a changé.
Le cloud, futur Legacy ?
Ne plus rien avoir en local, tout dans le cloud, peut donc être séduisant mais il n'en demeure pas moins que, dès lors, la dépendance aux fournisseurs est d'autant plus importante. Le devoir du DSI est de limiter celle-ci pour permettre de garder la concurrence. Laurent Dirson a expliqué que l'approche varie selon les couches : pour les datas, aucune adhérence ; Pour les services courants, l'architecture est essentielle pour limiter l'adhérence ; Enfin, pour les services innovants, il s'agit d'optimiser l'emploi de tous les services proposés sans attendre que les fonctionnalités soient industrialisées et généralisées, donc d'accepter une certaine adhérence temporaire.
Mais basculer tout le cloud pour démonter un Legacy obsolète ne présente-t-il pas le même risque que les fameux Mainframes IBM il y a quelques années ? Incontournables... jusqu'au jour où on s'aperçoit qu'ils sont obsolètes, coûteux et difficiles à remplacer. Dans quelques années, qui dit que le cloud mis en place ne sera pas le nouveau Legacy ? Sur ce point très précis, Laurent Dirson se veut rassurant : « par définition, dans le cloud, on loue le service. Et c'est finalement l'opérateur cloud qui se charge de pousser le boulet de l'obsolescence en faisant évoluer son architecture et ses services. »
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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