Stratégie

La transformation digitale, une rupture nécessaire

La transformation digitale, une rupture nécessaire
Stacey Goodman, DSI de l’assureur Prudential Financial : « C’est aux directions IT de connaître le problème que le métier essaie de résoudre. »
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°195 !
Transformer les entreprises par le numérique

Transformer les entreprises par le numérique

A force de parler de transformation numérique du business, on aurait presque tendance à oublier que ce n'est pas qu'un buzzword de consultant. Eh bien oui, des entreprises se transforment grâce au numérique. Et la transformation se fait parfois du sol au plafond. Dans d'autres cas, c'est une...

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La transformation digitale change en profondeur la manière même dont une organisation apporte de la valeur à ses clients. Pour CIO États-Unis, des experts analysent cet impact et partagent leurs conseils pour s'assurer que l'entreprise emprunte une bonne trajectoire.

PublicitéLa transformation digitale, un terme global désignant la mise en oeuvre de nouvelles technologies, de talents et de processus pour améliorer les fonctions opérationnelles et satisfaire les clients, était déjà une initiative stratégique clef. Toutefois, durant la pandémie de Covid-19 son importance s'est encore accrue.

L'adoption des technologies numériques par les entreprises a gagné de trois à sept ans en seulement quelques mois, avec des organisations accélérant leurs efforts de crainte d'être dépassées par leurs concurrents, selon Laura Laberge, directrice des capacités digitales au sein du cabinet de conseil McKinsey. Qui plus est, la vitesse considérée comme la meilleure pour de nombreux cas d'usages il y a quelques années est aujourd'hui en deçà de la moyenne. À ceci s'ajoute une statistique inquiétante, selon laquelle 11% seulement de 1140 cadres dirigeants interrogés par McKinsey estiment que leurs modèles économiques actuels seront économiquement viables en 2023. Les 64% d'entre eux qui indiquent que leurs entreprises doivent bâtir de nouveaux modèles digitaux se comprennent donc aisément. Dans cet article, des experts rencontrés par CIO États-Unis discutent de la transformation digitale et proposent des conseils pour les leaders IT qui se lancent dans ces initiatives.

Définition de la transformation digitale

La transformation digitale implique de repenser la manière dont une organisation utilise la technologie, les ressources humaines et les processus pour bâtir de nouveaux modèles économiques et obtenir de nouvelles sources de revenus, en se basant sur les changements d'attentes des clients en termes de produits et services.

Pour beaucoup d'entreprises qui fabriquent des biens traditionnels, cela signifie construire des produits numériques, comme des applications mobiles ou une plateforme d'e-commerce. Pour y parvenir, elles doivent fonctionner à la même cadence que les éditeurs de logiciels, qui pour la plupart ont des modèles basés sur le produit, explique Nigel Fenwick, analyste au sein du cabinet de recherche Forrester. « Il y a davantage de valeur, du moins de valeur perçue, créée à travers le logiciel », affirme-t-il. Idéalement conduite par la direction générale, en partenariat avec les DSI, les DRH et les autres directions, la transformation digitale nécessite une collaboration transversale entre services, pour coupler des philosophies centrées sur le métier avec des modèles de développement rapide d'application.

Une stratégie pour la transformation digitale

Au cours des dernières années, les entreprises se sont lancées dans la transformation digitale pour se prémunir face aux ruptures potentielles émanant de concurrents existants ou de startups, mais le démarrage a été lent - jusqu'à la pandémie. Des distributeurs comme Walmart et Bed Bath & Beyond ont bouleversé leurs modèles opérationnels basés sur les magasins en passant à la livraison au coin de la rue et à d'autres options sans contact, pour aider les clients à récupérer leurs achats sans risques.

PublicitéDans le même temps, les leaders IT ont revu les priorités sur leurs feuilles de route stratégiques, beaucoup ayant adopté les logiciels cloud de collaboration vidéo et mis en place des outils de machine learning (ML) qui aident les entreprises à gérer la manière dont les produits circulent dans les chaînes d'approvisionnement. Toutefois, si l'on considère les éléments un par un, de telles implémentations ne facilitent pas la transformation. C'est plutôt la façon dont ces outils et d'autres solutions s'insèrent dans l'entreprise qui offre une meilleure vision sur les aptitudes digitales de l'organisation - et reflète ses priorités métier.

Exemples de transformations digitales

Carrier, un fabricant de systèmes de climatisation, de chauffage et de sécurité, cherche régulièrement à bâtir de nouvelles applications pour aider les gestionnaires de sites à automatiser la plupart des systèmes installés dans les bâtiments. Son dernier produit en date est Abound, une plateforme SaaS qui agrège des données sur la qualité de l'air intérieur et le taux d'occupation, fournies par les capteurs et systèmes en place, puis les transforme en information exploitable, comme le décrit Bobby George, directeur digital de Carrier. Celui-ci a piloté la construction de ce système, actuellement en phase pilote, qui tourne sur Amazon Web Services. Bobby George explique que la vraie valeur consiste à « s'abstraire de toutes ces données » provenant des systèmes de gestion des bâtiments en place, pour aider à en extraire du sens. Il espère que les clients seront prêts à dépenser pour utiliser ce service, générant ainsi une nouvelle source de revenus pour Carrier.

Parfois, le changement digital se résume à capturer les bonnes informations métiers et à les rendre actionnables. Quand la chaîne de restauration rapide Jersey Mike's a voulu savoir comment les clients interagissaient avec son application mobile, l'entreprise a utilisé des outils analytiques pour élaborer et scruter des indicateurs sur les membres de son programme de fidélité ainsi que sur ceux qui n'avaient pas encore rejoint ce programme, explique Kelly McGee, directrice du marketing digital de la chaîne de sandwicherie. L'équipe marketing a ciblé chaque cohorte avec des notifications personnalisées en mode push, ce qui a fait grimper de 43% les membres du programme venant chercher leurs récompenses, et entraîné une hausse de 38% des conversions à son programme de fidélité, avec à la clef un doublement des ventes en ligne selon Kelly McGee. Celle-ci précise également que le logiciel utilisé pour fournir les analyses est une solution d'Amplitude. « Nous pouvons suivre nos campagnes de promotions pour voir quels clients génèrent le plus de valeur vie (CLV) », indique Kelly McGee. « L'enjeu principal de ce projet est de fournir un contenu personnalisé à la bonne personne, sur le bon terminal et au bon moment. »

Quel parcours de transformation ?

Voici cinq étapes que les entreprises peuvent suivre pour favoriser le type de changement qu'elles souhaitent.

D'abord, aligner les résultats recherchés avec les objectifs métiers. Pour cela, il s'agit savoir quels résultats on souhaite atteindre auprès de ses clients. Stacey Goodman, DSI de l'assureur Prudential Financial, précise qu'il revient aux directions IT de connaître le problème que le métier essaie de résoudre et d'aligner leurs objectifs avec les résultats que le métier cherche à obtenir. « Les entreprises où j'ai travaillé et qui s'en sont bien sorties sont toutes alignées sur les enjeux métiers », observe-t-elle. La cartographie du parcours client s'avère un bon guide pour cette étape.

Ensuite, l'IT et les métiers doivent co-créer. Traditionnellement, on appelait les départements IT pour réparer les services en panne, souligne Julie Averill, DSI de la chaîne d'habillement Lululemon. Aujourd'hui, l'IT doit travailler en tant que cocréateur avec les métiers, afin de résoudre des problèmes et de fournir de la valeur aux clients. « Il faut que cela fonctionne dans les deux sens », note Julie Averill. « Les métiers ne peuvent pas simplement s'asseoir et demander de la technologie, ils doivent savoir ce qu'ils demandent. »

La troisième étape consiste à choisir des partenaires stratégiques. Pour réduire le temps nécessaire avant de fournir de la valeur, Nigel Fenwick prévient que les leaders IT ont besoin d'aide pour répondre aux impératifs numériques, qu'il s'agisse d'un cabinet de conseil des Big 5, d'un intégrateur ou d'une agence de design. Il conseille de miser sur ceux qui ont prouvé que leurs valeurs étaient les plus proches de celle de l'entreprise.

Il faut également repenser l'entreprise et les produits en fonction des résultats attendus par les clients. Cela peut signifier utiliser des solutions cloud pour accélérer le changement, ou adopter l'intelligence artificielle pour augmenter l'efficacité opérationnelle et répondre à des attentes clients qui évoluent, comme l'explique Nigel Fenwick. Les banques changent par exemple la manière dont elles fournissent des services d'assurance-vie et d'épargne aux clients en utilisant des canaux digitaux, illustre-t-il.

Enfin, les employés doivent à nouveau être formés au digital. Les entreprises qui cherchent à aligner leurs impératifs numériques avec les préférences de leurs clients doivent s'assurer que leurs employés sont sur la même page. Des entreprises de services financiers comme TransUnion et TIAA forment leurs équipes au cloud, à DevOps, aux approches CI/CD (Intégration et livraison continues) et à d'autres technologies et pratiques modernes pour se fortifier en vue du futur. « Pour pivoter vers un modèle d'entreprise digitale, le logiciel est devenu un actif stratégique. Il vous faut donc les mêmes capacités stratégiques qu'un éditeur de logiciel », pointe Nigel Fenwick.

Rôles et compétences pour la transformation digitale

Si les technologies émergentes et des processus refondus sont cruciaux, posséder les bonnes compétences au sein des équipes est un facteur essentiel pour toute transformation digitale. Les ingénieurs en logiciel, les spécialistes du cloud computing et les chefs de produits digitaux restent des rôles clefs pour les entreprises qui veulent fournir de nouveaux produits et services. Les leaders DevOps galvanisent le développement d'application. En réunissant développement et opérations, ils permettent aux entreprises d'enrichir en continu leurs solutions pour en accélérer la livraison.

Les data scientists et les architectes de données sont eux aussi en forte demande, alors que les entreprises cherchent à glaner des informations à partir de vastes masses de données, et que les transformations s'appuient de plus en plus sur l'intelligence artificielle et l'apprentissage machine. Les designers spécialisés dans l'expérience utilisateur (UX), les formateurs en numérique, les rédacteurs, les experts des stratégies conversationnelles, les analystes juridiques, les responsables de l'éthique et de la conformité et les gestionnaires d'environnements de travail digitaux closent le cercle des priorités en termes de talents.

Bien entendu, le leadership compte. De nombreux DSI ont ajouté le titre de directeur du digital pour décrire leurs attributions, tandis que d'autres se renomment simplement CDO. Parfois, les rôles de DSI et de CDO ont bifurqué de façon claire. Ces décisions reviennent classiquement au PDG. « Mais peu importe qui endosse la responsabilité de l'impératif digital, dès lors que celui-ci possède les compétences pour mettre la technologie au service de la croissance », ajoute Nigel Fenwick.

Les pièges de la transformation

Les transformations digitales prennent du retard ou même échouent pour plusieurs raisons, parmi lesquelles un leadership insuffisant, une déconnexion entre l'IT et le métier, un manque d'engagement des employés ou des opérations inférieures aux standards, selon une étude réalisée par le Capgemini Digital Transformation Institute et l'école de management MIT Sloan School. Mais les principaux coupables d'une transformation digitale qui déraille sont l'obsession pour un changement de type big bang, un focus sur les réductions de coûts en guise de driver métier et une incapacité à revenir au métier. « Les comités exécutifs et les cadres dirigeants parlent du digital et il existe une pression pour montrer quelque chose et obtenir des résultats, ce qui crée des attentes erronées sur la vitesse à laquelle les choses peuvent être faites et quand », observe Tyger Tyagarajan, PDG de l'entreprise de services numériques Genpact

Article de Clint Boulton / CIO États-Unis (Adaptation et traduction par Aurélie Chandèze)

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