Tribunes

La pression sur les critères RSE dans les appels d'offres informatiques

La pression sur les critères RSE dans les appels d'offres informatiques
La présidente et fondatrice du cabinet AdVaes détaille les indicateurs RSE réclamés par les entreprises dans les appels d'offres IT (Photo : D.R.)

Les organisations donnent de plus en plus de poids aux critères de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans la notation des réponses à leurs appels d'offres informatiques. La réglementation les y pousse, mais aussi leurs investisseurs, leurs fournisseurs, leurs clients et leurs employés.

PublicitéLe secteur informatique n'échappe pas à l'enjeu majeur qu'est devenue la RSE lors de la vente de produits et services. Pour commencer, les obligations légales les poussent à adopter des mesures spécifiques en la matière (Loi REEN qui vise à réduire l'empreinte environnementale du numérique, Loi sur l'avenir professionnel qui instaure l'index d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dit "Index Pénicaud"...). Mais les entreprises subissent aussi une pression croissante de la part de leurs investisseurs, de leurs employés, de leurs fournisseurs, mais aussi de leurs clients. Ces derniers intègrent de plus en plus fréquemment des critères de RSE dans leurs appels d'offres. Dans certains cas, ces derniers représenteraient même plus de 20% de la notation finale.

La maturité des prestataires du numérique en la matière reste pourtant très variable tout comme leur capacité à produire les indicateurs de RSE demandés dans ce cadre, et en regard de l'objet du contrat mis en jeu. Le sujet est complexe, dès lors que les solutions proposées engagent toute une chaîne de partenaires pour lesquels les informations peuvent manquer. Le risque d'exclusion est accru en cas d'impossibilité à fournir les informations au niveau de granularité demandé et sans preuve de celles-ci.

Les critères de RSE dans les appels d'offre publics

Du côté de l'achat public, l'intégration de critères de RSE dans les appels d'offres est une obligation légale depuis 2006 en France. Les pouvoirs publics sont conscients du rôle crucial que les fournisseurs des administrations publiques peuvent jouer dans la diffusion du bien-être social et de la durabilité environnementale au sein de leur écosystème.

La Loi climat et résilience de 2021 donne 5 ans aux acheteurs publics pour intégrer des clauses écologiques. Elle rend aussi obligatoire la publication d'un Schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) pour les acheteurs publics réalisant des achats de plus de 50 millions d'euros hors taxes (cf. décret du 2 mai 2022).

L'article 13 de la Loi relative à l'économie sociale et solidaire de 2014 détermine les objectifs de politique d'achat comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l'intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique ainsi que les modalités de mise en oeuvre et de suivi annuel de ces objectifs.

Les Spaser comprennent divers domaines thématiques tels que la biodiversité, l'économie circulaire, l'égalité femmes-hommes, le numérique responsable, la protection de la santé, la sécurité et la qualité de vie au travail. Leur durée, généralement liée aux mandats politiques, s'étend souvent sur 3 à 4 ans, avec une évaluation annuelle pour la plupart.

PublicitéCes schémas s'alignent parfaitement avec le Plan National d'Action pour l'Achat Public Durable 2022-2025. Ce plan est destiné non seulement aux acheteurs, mais aussi à tous les intervenants impliqués dans le processus d'achat, tels que les élus, les décideurs et les acteurs économiques. Il leur fournit une feuille de route et des outils concrets pour aborder ces défis. Il leur permet de répondre aux exigences environnementales et sociales avec efficacité.

Une aide précieuse : les chartes, référentiels et guides de bonnes pratiques

L'Institut du numérique responsable (INR) a élaboré une charte du numérique responsable à destination des organisations engagées dans une démarche de ce type ou qui souhaitent en soutenir une. Cette charte peut servir de guide à tous les fournisseurs qui s'interrogent sur les critères à prendre en compte et les informations potentiellement attendues de leur part dans les réponses à appel d'offres. Les critères de RSE spécifiques au numérique, et généralement intégrés aujourd'hui dans les appels d'offres, y sont repris et déclinés autour de cinq piliers principaux : l'environnement, l'accessibilité, l'éthique, la résilience et les valeurs.

À commencer par l'évaluation des impacts environnementaux. Selon différentes sources, le numérique serait responsable de 3% à 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiale (GES). Mais il produit également des déchets (DEEE, plastique, etc.) et consomme des ressources en eau ou métaux rares, par exemple. Les efforts de réduction de ces impacts consistent à prolonger la durée de vie des équipements, à recycler, à réutiliser, à choisir des matériels économes en énergie, etc. Les appels d'offres peuvent aussi contenir des clauses techniques avec des spécifications particulières qui portent sur certaines caractéristiques des matériels, le caractère écolabellisé des équipements ou le pourcentage de composants recyclés.

Deuxième typologie d'indicateurs, ceux liés à l'accessibilité. Un numérique responsable est un numérique accessible par tout le monde, y compris par des personnes en situation de handicap. Cette démarche implique d'inclure les futurs utilisateurs dès la conception, d'adopter de bonnes pratiques, telles que celles proposées par l'alliance Green IT (AGIT), ou encore de s'appuyer sur les préconisations du Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA) prôné par les administrations publiques.

La troisième catégorie de critères concerne l'idée que les pratiques numériques doivent être éthiques, transparentes et rassurantes. Dans ce cadre, les appels d'offres peuvent demander des indicateurs en relation avec la protection des données, l'inclusion des personnes éloignées de l'emploi (défavorisées, etc.), la promotion de l'égalité femmes-hommes, etc.

Quatrième type de critères RSE, ceux associés à la résilience et au respect de normes communes pour collecter les données et évaluer les impacts du numérique. Et finalement, 5e et dernière catégorie, la création de valeur et l'innovation pour assurer le bien-être des individus dans la société et réduire ses impacts sur la planète.

Les certifications et les écolabels constituent d'autres informations utilisables pour documenter la politique RSE du répondant à l'appel d'offres en informant directement son client potentiel sur les propriétés et les spécifications d'un produit ou d'un service. On parle ici d'efficacité énergétique des bâtiments avec BREEAM, LEED, HQE, de sécurité des systèmes d'information avec ISO 27001 ou encore de responsabilité sociétale avec ISO 26000).

Vers un changement de paradigme ?

Les appels d'offres constituent un élément majeur pour la mise en conformité des entreprises aux enjeux environnementaux et sociétaux. Aujourd'hui, plus un fournisseur est engagé sur ces sujets et peut fournir des indicateurs chiffrés, plus il a de chance de remporter un marché. Cette tendance à intégrer des éléments de la RSE dans les appels d'offres va continuer à se développer en incluant demain plus de critères, peut-être un peu plus compliqués à mettre en avant et beaucoup plus engageants. Alors que la compétition entre entreprises du secteur du numérique se concentrait essentiellement sur l'innovation, le modèle économique et la prise de parts de marché, elles évolue maintenant vers une nouvelle perspective.

Partager cet article

Commentaire

Avatar
Envoyer
Ecrire un commentaire...

INFORMATION

Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.

Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire

    Publicité

    Abonnez-vous à la newsletter CIO

    Recevez notre newsletter tous les lundis et jeudis