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La DSI de Liberty Mutual Insurance veut que la compétence tech se diffuse dans toute l'entreprise

La DSI de Liberty Mutual Insurance veut que la compétence tech se diffuse dans toute l'entreprise
« Nous formons nos dirigeants aux principes fondamentaux de l’IA, à notre utilisation des modèles de données ou à notre approche de la dette technique », dit Monica Caldas, global CIO de Liberty Mutual Insurance. (Photo : Liberty Mutual)

Monica Caldas, global CIO de Liberty Mutual Insurance, a déployé des outils de formation et d'acculturation approfondie de toute l'entreprise aux technologies et de responsabilisation sur la data. Objectif : doper le déploiement de la technologie en démultipliant les compétences, au-delà du seul service IT.

PublicitéA la tête d'un service de 5 000 informaticiens, Monica Caldas, global CIO de Liberty Mutual Insurance, insiste sur l'importance d'une culture tech largement partagée pour la réussite des projets et de la stratégie IT. La DSI mise sur ainsi une acculturation en profondeur à la data et à l'IA entre autres, mais aussi sur une responsabilisation de chacun en matière de data.

CIO : Pouvez-vous nous donner un aperçu de la façon dont vous envisagez le rôle de l'informatique pour aider l'entreprise à être compétitive ?

Monica Caldas : Pour moi, la technologie a deux aspects : un défensif et un offensif. Côté défensif, la tâche n° 1 du service IT d'une compagnie d'assurance d'envergure mondiale comme la nôtre consiste à mettre en place des systèmes sûrs et stables, opérationnels pour nos clients, nos employés et nos courtiers 24h/24, 7j/7 et 365 jours par an. Et pour cela, nous devons disposer des compétences adéquates, concentrées et alignées sur les bons énoncés de problèmes. Côté offensif, il s'agit de déployer de nouvelles fonctions pour nous aider à nous différencier. À l'heure actuelle, nous nous demandons comment tirer parti de l'IA à plus grande échelle, par exemple. En tant que compagnie d'assurance, nous exploitons déjà l'intelligence artificielle depuis de nombreuses années, mais nous réfléchissons désormais bien entendu à l'IA générative pour responsabiliser nos employés, enrichir leur travail et les aider à progresser pour assurer des tâches plus complexes. Pour nous, l'attaque et la défense vont toujours de pair.

Cela commence avec la stratégie data que vous avez mise en place et qui repose sur la responsabilisation de chacun. De quelle façon avez-vous procédé ?

Pour une entreprise comme la nôtre, il faut absolument réaliser que les données sont un actif partagé, indispensable à chaque fonction. Que vous travailliez dans le domaine des sinistres, de la finance ou de la technologie, la data literacy est la pierre angulaire de notre responsabilité collective. Nous avons donc mis en place un programme de formation des cadres, complété par de vastes initiatives de formation à l'échelle de l'entreprise autour de notre compréhension des données. En démystifiant les data et en allant au-delà de leur nature abstraite, nous nous donnons les moyens de les exploiter efficacement. Chaque employé devient un gestionnaire responsable des données auxquelles nous accédons. Même si nous sommes encore en train de progresser, nous avons au moins pleinement établi le fait que nous partageons tous la responsabilité en la matière.

Pour cela, nous avons une approche en deux volets. Nous avons un data office qui s'occupe de la gouvernance, du data domain et de l'accès, et c'est une équipe qui ne dépend pas de l'informatique. Elle est organisée en groupes présents dans les différentes business units qui, ensemble, forment une communauté data à même d'exploiter toutes les capacités des données au service de l'entreprise. Du côté IT, nous nous occupons des aspects techniques : l'accès, les plateformes, les outils, les insights, les transformations, etc.

PublicitéNous réunissons ces deux éléments au sein de conseils exécutifs data, au niveau de chaque business units et au niveau de l'entreprise. Nous avons fait mûrir notre data literacy, ce qui aboutit à des conversations bien différentes aujourd'hui de celles que nous avions il y a peut-être cinq ans. Nous définissons le niveau de maturité nécessaire pour le domaine concerné et les datasets dont nous avons besoin pour tel ou tel problème. Et nous transmettons ce schéma de gestion de data à chacun des data offices. Nous avons par ailleurs modernisé la plupart de nos datawarehouses, mis en place de nouveaux outils et de nouvelles fonctions. Et c'est particulièrement intéressant alors que nous approchons de ce prochain point d'inflexion de la technologie qu'est la GenAI.

Vous avez également fait en sorte d'élever plus largement le niveau de compétence numérique de chacun dans l'entreprise. De quelle façon ?

Nous consacrons beaucoup d'énergie à nous assurer que nos compétences sont non seulement solides pour aujourd'hui, mais aussi prêtes pour demain. Et pour cela, je m'efforce de tirer parti du niveau de compétence en numérique de chaque employé, pour démultiplier l'impact de nos 5 000 techniciens IT sur le terrain. Il y a plusieurs années, nous avons lancé le programme de formation Executech, pour apporter une compréhension approfondie des principes fondamentaux de la technologie à nos dirigeants. Il aborde des sujets essentiels comme l'intelligence artificielle, notre utilisation des modèles de données, notre approche de la dette technique ou de la modernisation des systèmes existants. Nous y explorons l'essence de la data et les subtilités de l'ingénierie des données. Notre objectif est de rendre le dialogue sur ces sujets accessibles à tous afin d'accélérer notre capacité à générer un impact sur le business grâce à la technologie. La rapidité est devenue une composante majeure de notre travail. Or, ce savoir-faire technologique transverse crée une capacité de résolution collaborative des problèmes dans toute l'entreprise.

Vous avez été une des premières entreprises à parier gros sur l'IA générative. Où en êtes-vous ?

Sur le plan défensif, nous avons mis en place un comité directeur sur l'IA responsable. Cette équipe s'attaque aux risques induits par l'IA, gère le sujet dans toute l'entreprise, fournit des conseils, met en oeuvre la formation nécessaire et se tient au courant des changements réglementaires émergents. Simultanément, du côté offensif, nous avons lancé notre instance interne Liberty GPT, un environnement sûr pour l'apprentissage et l'expérimentation. J'espère arriver à ce que nos 45 000 employés testent Liberty GPT après leur formation, pour favoriser une compréhension intuitive du potentiel de l'IA.

Nous avons structuré notre approche en plusieurs phases. La première a consisté à organiser, à établir le cadre de base, à réunir le comité directeur de l'IA responsable, à identifier les limites du modèle, à établir des partenariats avec des tiers et à mettre en place notre instance interne tout en évaluant notre architecture technologique. La deuxième s'est concentrée sur l'élaboration de cas d'usage, la création d'un backlog de ces derniers, l'exploration des domaines d'allocation de ressources et l'identification des experts pour les tests et l'expérimentation.

Aujourd'hui, environ 18 mois après le début de l'aventure, nous en sommes à la phase trois. 25% de nos employés sont sur Liberty GPT et nous avons un backlog de plus de 200 cas d'usage priorisés, dont 10 en production. Tous concernent des fonctions transverses, pour la synthèse ou les questions-réponses par exemple, afin de ne pas dupliquer les efforts sur un même problème. Mais nous testons aussi la GenAI en ingénierie IT. Nous devons boire notre propre champagne ! Donc il s'agit de savoir comment nous imaginons cet outil au sein de l'équipe tech et quels processus dans notre métier devraient être pilotés par des machines et moins par des humains. Nous avons déployé des tests, expérimenté et réfléchi à la manière dont nous pourrions améliorer l'expérience d'ingénierie et ainsi travailler sur des parties plus complexes du cycle de vie de l'ingénierie.

Pour nous, la prochaine frontière sera l'architecture de référence. Autrement dit, comment tirer parti des LLM plutôt que des SLM et vice versa ? Comment penser la transformation des processus, et pas seulement des cas d'usage ponctuels. Je pense que nous sommes sur la bonne voie !

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