Stratégie

La culture FinOps déborde du cloud public

La culture FinOps déborde du cloud public
L’expansion des SaaS, l’inflation des tarifs du logiciel ou encore le besoin de maîtriser les coûts de l’IA poussent les entreprises à étendre les pratiques FinOps au-delà du seul cloud public. (Photo : Tumisu/Pixabay)

Après avoir assis sa pertinence dans le contrôle des coûts et l'optimisation des ressources du cloud public, le FinOps s'étend à l'optimisation des cloud privés, du SaaS, des licences logicielles, de l'IA et même des datacenters traditionnels.

PublicitéLe FinOps est devenu omniprésents dans le paysage des entreprises l'année dernière, avec 75 % des organisations du classement Forbes Global 2000 qui ont adopté ces pratiques, selon IDC. Et bien que la maturité reste variable d'une organisation à l'autre, les grandes entreprises à l'avant-garde du FinOps poussent aujourd'hui ces méthodologies d'optimisation du cloud dans de nouveaux domaines IT, y compris comme un levier de maîtrise de la spirale inflationniste des coûts de l'IA.

Jeff Wysocki, DSI de la société minière Mosaic, a récemment embauché son premier professionnel FinOps à temps plein. « Nous sommes à 80 ou 85 % dans le cloud et, pour nous, le travail consiste à suivre de manière proactive ces dépenses, puis à éduquer les développeurs et les équipes data sur la manière d'utiliser les capacités du cloud de manière rentable », explique-t-il. Du classique, en somme.


Jennifer Hays, responsable de l'excellence en ingénierie de Fidelity Investments, société américaine spécialisée dans la gestion d'actifs. (Photo : D.R.)

En revanche, dans certaines grandes entreprises des services financiers, le rôle de FinOps s'est élargi. « Nous transférons les pratiques FinOps sur un périmètre de fournisseurs plus important », souligne Jennifer Hays, vice-présidente et responsable de l'excellence en ingénierie de Fidelity Investments. « Nous nous intéressons davantage au SaaS et au PaaS, et notre organisation technologique essaie d'utiliser certains des mêmes principes pour nos datacenters sur site. »

Une pratique qui existait avant même l'invention du terme

Pour J.R. Storment, directeur exécutif de la FinOps Foundation, organisation à but non lucratif qui développe les meilleures pratiques, la formation et les programmes de certification, le FinOps permet d'accélérer les mises en production, d'éviter les gaspillages et de prendre des décisions plus éclairées sur valeur des projets technologiques. De plus, de nombreuses entreprises pratiquaient déjà le FinOps bien avant que le terme même ne soit inventé.

Tigran Khrimian, responsable de l'ingénierie technologique à la Financial Industry Regulatory Authority (Finra), explique qu'il a commencé à développer les meilleures pratiques en la matière dès 2014. La Finra réglemente les courtiers en valeurs mobilières et exploite des systèmes d'information permettant de suivre un grand nombre de transactions. « Nous n'avons jamais vraiment adopté le terme FinOps, mais nous le pratiquons depuis le début », explique le CTO Avec plus de 70 services AWS, 150 000 instances de calcul et un exaoctet de données, le potentiel d'optimisation est important.

« Nous avons enregistré une moyenne de 612 milliards d'événements par jour en 2024 et avons connu des pics quotidiens allant jusqu'à 900 milliards, dit Tigran Khrimian. Lorsque vous traitez du Big Data, cela devient très coûteux, très rapidement, et nous avons donc dû former une équipe immédiatement. Nous avons mis en place des processus et des automatismes pour le DevOps, les opérations et les tableaux de bord afin de déterminer quels services ont été sous-utilisés et lesquels doivent être désactivés. »

PublicitéPour Shamim Mohammad, vice-président exécutif, DSI et CTO du détaillant de voitures d'occasion CarMax, le FinOps est avant tout un outil de contrôle des dépenses. « Nous avons désormais une vision plus précise de nos dépenses, explique-t-il. Cela nous permet d'être transparents et de rendre des comptes. »

Les pratiques FinOps évoluent au-delà des principes de base

Pour de nombreuses organisations, le FinOps se limite encore aux principes de base du contrôle des coûts du cloud. Lorsqu'il était directeur de l'innovation et DSI de l'Icann (autorité de régulation du nommage Internet), Ash Rangan explique que son organisation travaillait avec un seul fournisseur de services cloud, ce qui facilitait le suivi des coûts. Aujourd'hui, en tant que PDG du fournisseur de solutions SaaS DoubleCheck, il est confronté à des tensions entre ce que ses clients paient et ses prévisions de coûts générés par son propre usage de services cloud. C'est à son chef de produit qu'il incombe de résoudre ce problème. « Je ne dirais pas que nous avons un contrôle total [de ce sujet], mais nous pouvons voir ce qui est provisionné, quand et quels sont les leviers que nous pouvons actionner », dit-il.


Ash Rangan, ex-directeur de l'innovation et DSI de l'Icann aujourd'hui PDG de l'éditeur SaaS DoubleCheck. (Photo : D.R.)

Pour les grandes entreprises, c'est une toute autre affaire. Chez elles, le champ d'application du FinOps s'est déjà étendu bien au-delà des fournisseurs de cloud. Selon la FinOps Foundation, les entreprises de la finance, de la technologie, des télécommunications et de la vente au détail ouvrent la voie.

La Fondation répond également aux demandes de praticiens souhaitant étendre le cadre fourni par l'organisation à d'autres domaines de l'informatique, tels que les cloud privés, le SaaS, les licences et les datacenters on-premise. « Nous avons dû apporter quelques changements rapides à notre framework FinOps, explique J.R. Storment. Le FinOps commence à devenir l'épine dorsale du reporting sur les dépenses technologiques variables. » Cet intérêt est l'une des raisons expliquant le doublement de la communauté de la FinOps Foundation l'année dernière, pour atteindre 60 000 participants.

Une extension naturelle

De son côté, CarMax a mis en place une équipe interfonctionnelle, placée sous la responsabilité du DSI, qui utilise un grand nombre des principes énoncés par la FinOps Foundation. Mais cette organisation a développé son propre modèle, explique Shamim Mohammad. Bien qu'elle ne suive pas officiellement le framework de la fondation, « au fur et à mesure que ce dernier mûrit, nous le considérons comme un point de référence », dit-il. Et les principes du FinOps ne se limitent pas au cloud public ou au SaaS. « La plupart d'entre eux FinOps ont été appliqués à la gestion financière des technologies dans leur ensemble », ajoute le DSI.

Pourquoi cet intérêt pour l'extension de FinOps ? « Un gros utilisateur d'AWS peut avoir des milliards de petites charges en un seul mois, explique J.R. Storment. Après avoir géré ce volume de données pour le cloud, il est facile d'ajouter d'autres types de dépenses. » C'est l'une des raisons pour lesquelles, dans l'enquête 2025 State of FinOps de la FinOps Foundation menée auprès de 861 des membres de l'organisation, 65% d'entre eux ont déclaré que leurs pratiques FinOps sont également exploitées pour optimiser les dépenses SaaS, ainsi que celles relatives aux licences (49 %), au cloud privé (39 %), aux datacenters (36 %) et à l'IA (63 %). En outre, selon le rapport, 97 % des personnes interrogées investissent dans plusieurs domaines liés à l'infrastructure pour l'IA, ce qui renforce le besoin de contrôle des dépenses liées à ces développements.


J.R. Storment, directeur exécutif de la FinOps Foundation. (Photo : D.R.)

« En réponse aux changements de pratiques que nous avons observés dans les organisations matures, nous avons ajouté des champs d'application afin que vous puissiez, si nécessaire, appliquer les principes et capacités nés pour la gestion du cloud, au SaaS et au datacenters », confirme J.R. Storment. Pour gérer leurs coûts à grande échelle, les entreprises doivent être en mesure de réagir rapidement, et les pratiques FinOps devraient permettre de prendre des décisions d'optimisation sur une base quotidienne, et non trimestrielle. « Vous dépensez de l'argent à chaque seconde, vous devez donc être en mesure de prendre des décisions rapidement », explique Jennifer Hays.

Appliquer les leçons de FinOps pour contenir les coûts de l'IA

L'adoption et la croissance rapides de l'IA en entreprise ont entraîné des changements et défis importants. « Au cours des deux dernières années, l'un de nos domaines de prédilection [du FinOps] a été le contrôle des coûts dans l'espace IA/ML, souligne Jennifer Hays. Nous avons constaté une forte augmentation des usages et nous avons travaillé avec les équipes pour comprendre leur consommation et la gérer au mieux, mais je ne suis pas sûr que nous ayons encore assez d'outils fournissant le bon niveau d'information pour gérer efficacement la consommation dans cet espace. »

J.R. Storment ajoute que cette année, les praticiens du domaine réfléchissent déjà à la manière dont les FinOps peuvent optimiser les dépenses d'IA. Selon lui, la gouvernance des coûts dans ce champ passe du mot d'ordre 'dépensez tout ce dont vous avez besoin' à la question : 'dépensons-nous trop et quelle valeur obtenons-nous ?'

Les pratiques FinOps se concentrent donc à la fois sur ce qu'on pourrait appeler le FinOps for AI - l'optimisation de l'utilisation de l'IA - et sur l'AI for FinOps - l'exploitation de l'IA pour faire progresser les pratiques FinOps. Les efforts visant à appliquer les FinOps à l'IA n'en sont qu'à leurs débuts, car les modalités de facturation de ces services par les fournisseurs de cloud continuent d'évoluer. Les praticiens utilisent également l'IA pour s'entraîner sur de vastes ensembles de données de facturation et d'autres informations afin d'identifier de nouvelles possibilités d'amélioration de l'efficacité. La technologie peut aussi aider à suivre les progrès réalisés au quotidien par rapport aux budgets mensuels.

De nombreux outils, de nombreuses lacunes

Alors que les efforts en matière de FinOps continuent de s'étendre, l'outillage est devenu une priorité majeure, 34% des répondants à l'enquête de la FinOps Foundation citant l'investissement et l'outillage comme un besoin majeur des praticiens pour atteindre leurs priorités. Seul l'alignement organisationnel sur la culture FinOps apparaît plus important aux yeux des personnes interrogées.


Shamim Mohammad, vice-président exécutif, DSI et CTO du détaillant de voitures d'occasion CarMax. (Photo : D.R.)

Parmi les outils disponibles, quelques tendances se dégagent. IDC suit ainsi plus de 90 outils différents dans son rapport annuel Market Glance of FinOps, explique l'analyste du cabinet, Jevin Jensen. Le rapport cite Tanzu CloudHealth de Broadcom, Cloudability d'IBM (anciennement Apptio) et ServiceNow Cloud Cost Management comme les leaders du marché des plateformes FinOps, sur la base du nombre de clients actifs et de l'étendue des offres. « Ils fournissent tous des recommandations d'optimisation des coûts et des ressources multicloud, et ils ont tous des forces et des faiblesses différentes », explique Jevin Jensen. « ServiceNow est étroitement lié à son moteur de workflow Now Platform et à ses produits ITSM/CMDB. CloudHealth est étroitement assocé à la virtualisation et à l'automatisation IT que l'on trouve dans VMWare Cloud Foundation. Enfin, Cloudability est lié aux produits TBM d'Apptio et aux suites de gestion financière IT, y compris sur les prévisions. » Sur ces 90 outils, cependant, seuls quelques-uns sont capables de gérer les optimisations IaaS, les conteneurs et le SaaS. « Par conséquent, si les entreprises ont besoin de ces trois types d'outillage, il est probable qu'elles aient besoin de plusieurs outils », ajoute l'analyste.

Norme Focus : le retard des éditeurs SaaS

Jennifer Hays souligne que les entreprises ont besoin d'un front-end qui aide à maîtriser les coûts, et si les fournisseurs de cloud se sont beaucoup améliorés dans la fourniture de données de facturation cohérentes avec le cadre de spécification de la FinOps Foundation (appelé Focus) - et que les outils FinOps peuvent utiliser -, il en va tout autrement pour SaaS. « Les fournisseurs de SaaS ne font pas autant partie du mouvement Focus, et chaque fournisseur que nous rencontrons possède un modèle de consommation différent et présente ses informations de facturation de manière spécifique, ce qui se traduit par des leviers de maîtrise des coûts particuliers », explique Jennifer Hays. Heureusement, ajoute-t-elle, ils avancent dans la bonne direction. J.R. Storment indique que la FinOps Foundation s'attend à ce que d'autres fournisseurs de SaaS adoptent la spécification de facturation Focus au cours de l'année à venir.


Tigran Khrimian, responsable de l'ingénierie technologique au sein de l'autorité de régulation Finra. (Photo : D.R.)

Grande utilisatrice de SaaS, la Finra confirme que tous ces services sont tarifés de manière très incohérente, ce qui, selon Tigran Khrimian, complique la gestion de l'ensemble. Et même avec une telle abondance d'outils FinOps, les besoins dépassent parfois les capacités. Par exemple, les services AWS exploités par la Finra ont des méthodologies de tarification différentes pour le stockage, le calcul, le serverless, etc. Et il existe des réductions disponibles associés, par exemple, à un engagement sur des niveaux de dépenses spécifiques. « Nous ne pouvions pas trouver d'outil pour gérer tous ces paramètres, alors nous avons écrit du code pour intégrer la facturation AWS à nos systèmes financiers », explique Tigran Khrimian, ajoutant que l'équipe interne continue de construire tous ses tableaux de bord de reporting et ses outils de prévision.

Jennifer Hays décrit un autre défi : « le contrôle des coûts orientés vers les plateformes, comme Kubernetes, ceux relatifs au Machine Learning et à l'IA sur les principales plateformes de cloud est moins mature que celui lié au stockage, aux bases de données, etc. » Et ne vous attendez pas à ce que les vendeurs d'outils vous aident à maximiser la valeur de votre investissement FinOps, prévient Jevin Jensen. « De nombreux fournisseurs de solutions n'offrent pas de services professionnels pour vous aider à former votre personnel ou adapter vos processus FinOps », explique-t-il. La DSI doit donc se débrouiller seule si elle souhaite aller plus loin que la simple mise en oeuvre d'outils.

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