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L'industrie automobile sera transformée par le véhicule connecté et le véhicule autonome

L'industrie automobile sera transformée par le véhicule connecté et le véhicule autonome
De gauche à droite : Thierry Le Hay (PSA Peugeot Citroën), Sébastien Amichi (cabinet Roland Berger) et Frédéric Bourcier (Windriver, filiale d’Intel).

Les modèles industriels et économiques de tous les acteurs de l'automobile (constructeurs, équipementiers...) sont bouleversés par la révolution en cours sur l'autonomisation des véhicules et le développement des services connectés dans les véhicules actuels. Et de nouveaux acteurs vont probablement surgir. Thierry Le Hay (PSA Peugeot Citroën), Sébastien Amichi (cabinet Roland Berger) et Frédéric Bourcier (Windriver, filiale d'Intel) en ont débattu.

PublicitéQui aurait pensé qu'un fabriquant de papier pour cigarettes deviendrait un acteur de l'automobile et le gestionnaire d'un parc de voitures électriques partagées, le tout avec une réelle logique industrielle ? Pourtant, le groupe Bolloré est bien derrière l'initiative Autolib'... Et des spécialistes de l'électronique grand public (Apple) ou du traitement des données (Google) s'intéressent aussi beaucoup au secteur. Oui, la révolution est en marche.
Le 15 septembre 2016, Thierry Le Hay (Responsable Pôle Advanced On Board Systems chez PSA Peugeot Citroën), Sébastien Amichi (Senior Partner au cabinet Roland Berger) et Frédéric Bourcier (Windriver, filiale d'Intel spécialisée dans les logiciels embarqués) ont débattu à l'invitation du dernier sur l'avenir de l'industrie automobile autour de la place du logiciel dans les futurs véhicules. Ils ont largement débordé du thème initial, se penchant beaucoup sur les évolutions de modèles économiques et industriels induits.

Acteur de l'automobile et donc du logiciel

« Hors tout changement de modèle économique, nous avons de toutes les façons besoin de maîtriser le logiciel pour maîtriser la sécurité de nos véhicules et les services connexes » a indiqué Thierry Le Hay. Le temps des « boîtes noires » achetées aux équipementiers est donc clairement révolu. Il est vrai que la place du logiciel est devenue majeure dans les véhicules et que la marche en avant vers l'automatisation totale (voir encadré) suppose de maîtriser les lignes de code nécessaire.
Il est par contre peu probable que les différents systèmes à bord des véhicules fusionneront. Le pilotage de l'injection suppose en effet de petits calculateurs très spécialisés et très rapides. Tout la gestion de la sécurité et demain du pilotage requiert un système spécifique relativement léger, excluant de fait un OS de type Linux beaucoup trop lourd, et surtout avec des preuves formelles de fiabilité. Enfin, pour toute la partie « entertainment » du véhicule, la problématique concerne plutôt les données personnelles et les innombrables mises à jour. Pour Frédéric Bourcier, « la question centrale est donc bien celle de la plate-forme logicielle ».

Les couches amenées à se croiser

Aujourd'hui les différentes parties de ce « système d'information du véhicule » ne communiquent pas et sont même physiquement séparées. L'« entertainment » est connecté tandis que le reste suppose un passage au garage pour être mis-à-jour. Mais demain cette séparation ne sera plus tenable. En effet, les fonctions informatiques agiront sur la conduite. Si on détecte un bug, une mise à jour s'imposera. Mais, comme l'a rappelé Frédéric Bourcier, « quand on mène une campagne de rappels, si la moitié des véhicules se présentent au garage, c'est déjà bien ; les autorités pourront-elles accepter que des véhicules dangereux circulent ? » De fait, une mise à jour forcée, donc par connexion, s'imposera sans doute.
Déjà, sur la Tesla, conçue à partir d'une page blanche, des apps qui se mettent à jour peuvent upgrader significativement les véhicules et tout est donc connecté. Ainsi, une application de gestion de la climatisation permet de mémoriser les goûts des passagers et même de déclencher à distance le déclenchement, via smartphone, pour que le véhicule soit à la bonne température quand le conducteur monte dans le véhicule.

PublicitéDe nouvelles approches

« Avant, nous réalisions des spécifications détaillées de centaines de pages puis nous achetions une boîte noire aux équipementiers » s'est souvenu Thierry Le Hay. Mais, aujourd'hui, pour la partie « entertainment », il a indiqué, « nous avons spécifié des expériences clients et nous avons choisi l'éditeur logiciel -Windriver en l'occurrence- avec du développement agile et nous avons spécifié le matériel séparément. » Des fournisseurs traditionnels tels que Valeo et Faurecia deviennent ainsi des fournisseurs de rang 2 derrière Windriver sur les nouveaux boîtier « entertainment ».
Les constructeurs automobiles sont structurés pour fabriqués des véhicules traditionnels. « Or l'organisation est toujours à l'image de l'architecture des systèmes » a relevé Sébastien Amichi. Comment, dès lors, créer les nouvelles véhicules avec des architectures radicalement différentes ? Il y a eu un large consensus des débatteurs sur une évolution des constructeurs au fil de l'évolution des véhicules traditionnels. Par contre, pour les nouveaux types de véhicules (comme les automobiles autonomes), la règle restera la création d'un business unit autonome. Celle-ci achètera la partie industrielle à sa maison mère mais sera une sorte de start-up interne.

Du logiciel partagé

L'importance du logiciel n'empêche pas des collaborations entre constructeurs concurrents sur sa conception. Ainsi, de nombreux constructeurs automobiles développent leur propre distribution Linux, différente d'Android, baptisée Genivi. Plusieurs constructeurs allemands ont racheté la cartographie Here à Nokia.
Les nouvelles versions de logiciels, au moins ceux ayant un impact sur la conduite, devront probablement suivre un processus d'homologation. Il existe déjà des normes pour la sécurité des véhicules. « Dans l'aérien, on procède par évaluation d'impact et circuit d'homologation mais, dans l'automobile, c'est beaucoup plus flou, d'autant qu'aux Etats-Unis il y a beaucoup d'auto-certification avec un processus homologué » a expliqué Frédéric Bourcier. Pour Thierry Le Hay, « les règles déontologiques des constructeurs, qui ne tiennent pas à être responsables d'accidents, sont souvent plus sévères que les lois. Mais comment prouver la sûreté d'une intelligence artificielle opérant en deep learning et logique floue ? »

Un marché mondial

Ce point va poser un sérieux problème dans un marché nécessairement mondial. « Si une fonctionnalité est livrée sur un véhicule vendu à un particulier, elle doit être opérationnelle partout » a indiqué Thierry Le Hay, « sur autoroute, en ville, en France, en Chine. » La conduite totalement autonome, à cause des règles de sécurité légales, n'est peut-être donc pas pour demain.
A l'inverse, des services tels que le taxi-robot peuvent être limités sur une zone définie. C'est donc rapidement moins complexes. Il reste à savoir qui pilotera réellement ce genre de projets. Sébastien Amichi a ainsi pointé : « le taxi robot peit bousculer tous les modèles économiques simplement parce que, non seulement, il sera moins cher que le taxi ordinaire mais aussi que la voiture privée. »
Défendant la place des constructeurs automobiles actuels, Thierry Le Hay a soutenu : « nous n'avons nullement l'intention d'être le nouveau fournisseur de vélos à JCDecaux pour Velib, d'être un fournisseur de matériel pour Google ou un autre, car nous voulons être les opérateurs de la mobilité. » Et la grande force des constructeurs traditionnels dans la bataille qui s'annonce est évidente : la puissance de l'outil industriel. Une plate-forme de construction d'automobiles en grandes séries ne s'improvise pas dans un garage de la Silicon Valley. Les retards croissants de Tesla avec les augmentations de quantités de véhicules livrés sont là pour le prouver.

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