L'indispensable co-innovation soulignée par le Cigref

Le Cigref a organisé un colloque le 25 septembre 2017 autour du sujet de l'open-innovation avec de nombreux témoignages, notamment de couples grandes entreprises / start-up.
Publicité« Ensemble, on gagne, seul on ne peut rien » a rappelé Bernard Duverneuil, président du Cigref, en ouvrant le colloque du 25 septembre 2017 consacré à l'open-innovation. Organisé par le club numérique des plus grandes entreprises françaises, le colloque était abrité par l'Orange Gardens de Châtillon. Il visait d'une part à présenter le dernier rapport du Cigref sur l'open-innovation, d'autre part à présenter des témoignages concrets de grandes entreprises ayant su s'appuyer sur des start-ups.
La co-création et la co-innovation sont indispensables et le Cigref a déjà longuement insisté sur le sujet plusieurs fois, notamment dans le cadre de son programme de l'entreprise 2020. Cette collaboration s'entend aussi bien avec d'autres entreprises bien installées qu'avec des start-ups. Et, bien entendu, la collaboration s'entend aussi au sein même de chaque entreprise. Il faut pour cela développer la transversalité, remplacer le modèle pyramidal par le réseau de noeuds autonomes.
Un rôle essentiel pour le DSI
Le DSI se doit, dans ce cadre, de contribuer à réinventer les modèles économiques, à créer de nouvelles offres. Bernard Duverneuil a insisté : « plutôt que de se contenter de répondre aux expressions de besoins, le DSI doit anticiper les besoins, anticiper les attentes des utilisateurs, mais pas vouloir créer de faux besoins. » La transformation des modèles économiques amènent les acteurs les plus improbables à devenir des fournisseurs de services numériques. Par exemple, le groupe d'équipements sportifs outdoor Salomon a ainsi créé une app pour que ses clients sportifs puissent se retrouver et exercer ensemble leur passion.
Cette transversalité promue par le Cigref a été mise en oeuvre par l'hôte du colloque, le groupe Orange, en s'installant dans son nouveau campus de 75 000 m² comprenant un incubateur pour les start-ups externes mais aussi les initiatives internes. Luc Bretones, executive vice-president du technocentre et de l'Orange Vallée, président du club d'anciens de grandes écoles, le G9+, a souligné les caractéristiques des bouleversements en cours. Il a ainsi cité aussi bien la transformation du rapport au travail avec la confusion grandissante personnel/professionnel que le rythme extraordinaire de l'adoption des innovations dans des pays qui sont tellement émergents qu'ils dépassent aujourd'hui l'Occident, notamment la Chine. Parfois, le bouleversement des modes de travail bouscule réellement les convictions les plus ancrées. « Il n'y a pas de concurrent avec qui on ne peut pas collaborer car on peut être concurrents le matin, co-opétiteurs le midi et partenaires le soir dans une démarche d'open-innovation » a ainsi proclamé Luc Bretones.
La co-innovation : comment avancer en tandem
PublicitéLe coeur du colloque était sans aucun doute la série de témoignages de couples constitués d'un représentant d'une start-up et du manager IT de grande entreprise ayant travaillé avec lui dans une démarche d'open-innovation. Trois couples se sont ainsi succédé, autant d'exemples de démarches avec chacune leurs spécificités.
Le premier couple était constitué de Pierre Pfennig (Data scientist de Dataiku) et Philippe Faure (VP stratégie numérique de Gemalto). Le groupe Gemalto est aujourd'hui riche d'un portefeuille importants d'activités en lien avec la sécurité mais demeure tout de même un fabriquant de cartes à puces. Son problème était purement industriel : il s'agissait de réduire le coût direct de la non-qualité en réduisant la quantité de rebuts mais aussi le coût indirect en lançant une production juste suffisante pour fournir la quantité commandée de produits sans surproduction une fois éliminés les rebuts. Plusieurs start-ups ont été rencontrées et un mode opératoire clairement imposé par Gemalto : pas de boîte noire technologique mais une collaboration transparente.
Gemalto a eu finalement recours au machine learning avec Dataiku, éditeur du couteau suisse des données, Dataiku Datascience Studio, qui s'appuie sur des technologies open-source telle que Hadoop. La start-up a mis en oeuvre un modèle prédictif-explicatif. Mise au point de façon itérative en trois mois, cette méthode s'est révélée plus efficiente que la méthode empirique utilisée jusqu'alors. De plus, l'explication étant plus rapide, les taux de rebuts peuvent désormais être anticipés et la production ajustée en conséquence. Toutes les données pré-existaient mais, globalement, étaient juste peu utilisées. Le projet a donc contribué à plusieurs transformations : premier déploiement Hadoop dans l'entreprise et développement de la culture de la donnée. De son côté, Dataiku a gagné une référence industrielle de premier plan.
De gauche à droite : Pierre Pfennig (Data scientist de Dataiku) et Philippe Faure (VP stratégie numérique de Gemalto)
La sécurité de l'entreprise ouverte en innovation ouverte
Le deuxième couple était constitué d'Apolline Aigueperse (Head of Cyber de CybelAngel) et de Mylène Jarossay (CISO de LVMH). Le grand groupe du luxe s'est retrouvé confronté au problème classique de l'éclatement de son système d'information, avec le mix perso/pro (fichiers emmenés sur des terminaux personnels...) mais aussi avec l'entreprise étendue à des partenaires. La sécurité périmétrique était donc, chez LVMH comme ailleurs, totalement dépassée. Le focus actuel est porté sur la détection de disponibilité de données confidentielles (notamment sur le « dark web », c'est à dire les hébergements peu indexés) afin de pouvoir prendre les mesures appropriées.
Présente dans la moitié des groupes du CAC 40, la start-up CybelAngel a pu prouver sa pertinence en un mois car, grâce à un POC d'un seul mois, « quand on cherche, on trouve, ce qui est très embêtant » comme l'a relevé Mylène Jarossay. Un mois a ensuite été nécessaire pour une mise en production. Bien sûr, les partenaires du groupe ont pu être des sources d'incidents (des données sensibles de production ont ainsi été exposées). Mais l'outil a surtout permis de faire de l'éducation à la sécurité en interne en se basant sur des cas concrets. En retour, LVMH a aidé la start-up à faire évoluer son produit.
De gauche à droite : Apolline Aigueperse (Head of Cyber de CybelAngel) et Mylène Jarossay (CISO de LVMH)
La sécurité aimée par les utilisateurs
Aider la start-up à développer son produit a aussi été un apport de la Société Générale vis-à-vis de Bufferzone Security. Au point que la première rencontre, en début 2015, a été un échec car le produit ne répondait pas aux attentes de la banque. Fin 2015, la nouvelle version a, cette fois, satisfait aux besoins. Et la banque a acquis les licences avant la disponibilité de la version définitive, permettant ainsi à la start-up de poursuivre son développement.
En l'occurrence, Bufferzone Security permet de créer une « bulle » isolée lors de la consultation de services en ligne afin d'éviter toute corruption du poste de travail. Même si l'utilisateur charge un fichier corrompu, le poste de travail ne sera ainsi pas atteint. Du coup, la Société Générale peut autoriser dans la « bulle » des services que, sinon, elle bloque. Par exemple, la DRH peut désormais consulter Facebook ou Linkedin dans le cadre de recrutements. Du coup, les utilisateurs sont ravis et réclament la solution qui leur permet d'accéder à davantage de services en ligne. Au départ, l'outil ne protégeait que contre les menaces entrantes. Or la banque avait besoin aussi d'un blocage de sortie des données confidentielles : c'est ce point qui a été l'objet de l'amélioration.
De gauche à droite : Israel Levy (CEO de Bufferzone Security) et Wilfried Lauber (Head of Security Programs Strategy and Architecture de la Société Générale)
Savoir travailler avec les start-ups
Les trois témoins de grandes entreprises, rejoints par une représentante de BPI France, ont également pu confronter leurs expériences sur une table ronde. Trois points forts ont ainsi été mis en avant.
Le premier concerne le rythme. Le rapport au temps est différent dans un grand groupe et dans une start-up. Le grand groupe doit donc apprendre à assouplir ses processus achats pour accélérer mais aussi pour acquérir des produits « en état futur d'achèvement ». Le processus exploratoire est essentiel dans une co-innovation entre start-up et grand groupe. BPI France travaille d'ailleurs en ce moment à une sorte de pré-contrat générique pour aider à encadrer cette phase initiale.
Cette différence de rythme amène aussi au besoin d'agilité partagée. Si le grand groupe doit s'adapter à l'agilité de la start-up, la start-up doit, en retour, aussi comprendre le grand groupe et sa complexité. Enfin, le point vital à toute démarche d'open-innovation est évidemment la confiance. Celle-ci se construit au jour le jour, quand les deux partenaires reconnaissent leurs compétences respectives et parviennent à construire jour après jour un projet commun.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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