L'Europe imposera un passeport numérique des produits à partir de 2027
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En 2027, la réglementation européenne va imposer à de nombreux produits mis sur le marché européen un passeport numérique. Celui-ci comprendra des informations liées à l'impact environnemental du produit, depuis sa conception jusqu'à son recyclage ou son élimination. Objectifs : informer au mieux les opérateurs économiques, les consommateurs et les autorités de contrôle.
PublicitéLe 13 juin 2024, les instances européennes ont définitivement adopté le règlement (UE) n°2024/1781 établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'écoconception pour des produits durables, dit ESPR (ecodesign for sustainable products regulation). Celui-ci s'inscrit dans le cadre du Pacte vert européen et de sa stratégie en faveur du développement durable et de l'économie circulaire. L'objectif est d'améliorer la durabilité environnementale des produits et leur traçabilité de bout en bout, depuis la conception jusqu'à la fin de vie, en incluant le recyclage ou le réemploi. En informant mieux les consommateurs, les instances européennes ambitionnent de leur proposer des choix plus durables.
Le champ d'application du règlement ESPR est bien plus large que celui de la directive 2019/125/CE sur l'écoconception qu'il va progressivement remplacer. Alors que la première se limitait au secteur de l'énergie, le champ d'application du règlement ESPR s'étend désormais à la quasi-totalité des produits. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un règlement-cadre qui ne fixe pas directement d'exigences précises, mais un cadre pour les futurs actes délégués de la Commission qui préciseront les exigences à respecter en termes d'écoconception.
Un passeport numérique pour les produits mis sur le marché européen
L'une des mesures phares de ce règlement est le passeport numérique des produits. Une fois que le règlement ESPR sera applicable, la création de ce dernier sera nécessaire pour mettre les produits concernés sur le marché européen. Il contiendra un ensemble de données propres à un produit, et sera accessible de façon électronique via un QR code, du NFC, ou du RFID. Il sera lié de manière unique à un produit et constituera donc une identité fiable pour chaque produit mis sur le marché européen et permettra d'identifier les opérateurs économiques impliqués dans la fabrication, l'importation, la distribution, ou la revente du produit. Ce passeport numérique sera en effet accessible par tous les opérateurs économiques, les consommateurs et les autorités de contrôle. D'un point de vue opérationnel, son interopérabilité est au coeur des débats, car les parties prenantes doivent se mettre d'accord sur une structure commune d'accès aux données.
Un produit entrant dans le périmètre du règlement ESPR et ne disposant pas d'un passeport numérique ne pourra pas être mis sur le marché européen. Les fabricants, les importateurs et les distributeurs seront tenus de s'assurer que les produits qu'ils fabriquent ou vendent en détiennent un. Les revendeurs devront quant à eux veiller à ce qu'il soit facilement accessible pour les clients et les consommateurs.
Premiers éléments sur les produits concernés et informations requises
PublicitéLa liste des produits concernés sera publiée prochainement, probablement d'ici à la fin de l'année, par acte délégué de la Commission européenne. Pour l'instant, sont visés à titre prioritaire, les batteries et les produits électroniques (incluant les téléphones portables), les produits textiles (notamment les vêtements et les chaussures), les produits liés à l'énergie (incluant les dispositifs de chauffage, les chaudières, les pompes à chaleur, les dispositifs de production d'eau chaude et de chauffage des locaux, les ventilateurs, les systèmes de refroidissement et de ventilation ainsi que les produits photovoltaïques), mais également le fer, l'acier, l'aluminium, les pneumatiques, les détergents, les peintures, les lubrifiants, les produits chimiques, et les meubles y compris les matelas.
Les informations obligatoires qui devront figurer sur ce passeport seront également précisées dans un second temps par la Commission européenne. À ce jour, l'annexe 3 du règlement ESPR prévoit que le passeport numérique inclura notamment des informations sur le produit relatives :
- à sa performance environnementale, y compris son indice de réparabilité et de durabilité, et son empreinte carbone ou environnementale ;
- à l'optimisation de sa durabilité ;
- aux possibilités de démontage, de réemploi, de reconditionnement, de recyclage ou d'élimination du produit à la fin de sa vie ;
- aux substances préoccupantes présentes dans le produit ;
- au fabricant, l'importateur et tout autre opérateur de chaîne économique et de distribution ;
- à la documentation et les informations relatives à la conformité ;
- aux manuels d'utilisation, instructions, avertissements ou informations de sécurité.
Dans un souci de cohérence, les informations obligatoires seront adaptées à chaque produit et au secteur d'activité.
Quelles conséquences pour les entreprises ?
Les entreprises devront donc s'assurer qu'un passeport numérique des produits existe et qu'il comporte toutes les informations requises. Mais elles devront également vérifier que celles-ci sont authentiques, fiables et vérifiées conformément aux exigences établies dans l'acte délégué spécifique à la catégorie de produits correspondante. Une copie de sauvegarde du passeport devra être conservée par un prestataire de services de passeport de produits tiers. Enfin, une copie du support de données ou de l'identifiant unique de produit devra être mise à la disposition des distributeurs et des places de marché en ligne qui vendent le produit correspondant.
L'application des dispositions du Règlement ESPR sur le passeport numérique sera progressive selon les produits. La Commission européenne a fermé sa phase de consultation publique le 10 décembre 2024 en vue de la préparation de ses actes délégués pour préciser le régime qui sera applicable. Des expérimentations et tests sectoriels devraient avoir lieu courant 2025. Les actes délégués ne devraient être publiés qu'à la fin de l'année. L'application concrète du passeport numérique devrait débuter à partir de 2027, en fonction des catégories de produits.
L'impact possible de la directive « omnibus »
L'étendue des obligations d'information prévue par le règlement ESPR demeure à ce jour incertaine. Par communiqué de presse du 29 janvier 2025, la Commission souhaite procéder à une simplification réglementaire et administrative. Selon la Commission, une proposition « omnibus » simplifiera la publication d'informations en matière de durabilité et réduira la charge administrative qui pèse sur les entreprises et notamment les PME. La proposition « omnibus » devrait être dévoilée par la Commission le 26 février 2025, et est susceptible d'impacter le passeport numérique.
En tout état de cause, si le passeport numérique des produits peut être perçu comme une nouvelle contrainte réglementaire, il est une source possible d'opportunités pour les acteurs du marché. Les données présentes dans le passeport pourraient par exemple être utilisées pour personnaliser les offres, améliorer l'expérience client, se différencier d'un point de vue concurrentiel ou encore aider à la prévention de la contrefaçon en garantissant une authenticité des produits.
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Benjamin Greze, Avocat à la cour, associate Pinsent Masons France LLP
Benjamin Greze est titulaire d'un master 2 de l'université de Toulouse Capitole et d'une spécialisation "LLM in intellectual property and information law" du King's college de Londres. Il assiste les entreprises françaises dans toutes leurs problématiques transactionnelles, précontentieuses et contentieuses relatives à l’IT sur un large éventail de sujets tels qu'internet, le commerce en ligne, le secteur des jeux et des paris, les données personnelles, la cybersécurité, le droit de la consommation, ainsi que les contrats IT et le droit commercial.
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