Tribunes

L'Etat islamique : un cas extrême de propagande sur les réseaux sociaux

L'Etat islamique : un cas extrême de propagande sur les réseaux sociaux
Le chef de l'Etat islamique (EI), Abou Bakr Al-Baghdadi, dont l'organisation a su maîtriser Internet et les réseaux sociaux pour sa propagande

Internet les réseaux sociaux jouent un rôle désormais majeur dans la communication et la promotion de l'image d'une organisation, qu'elle soit entreprise, ONG, Etat, groupe activiste et même désormais terroriste ! Le cas de l'Etat Islamique en est une illustration alarmante et inquiétante.

PublicitéPromouvant un panislamisme rassemblant tous les sunnites et le rétablissement du califat, l'Etat Islamique (EI) veut développer son influence le plus largement possible, en dehors des seules frontières de la Syrie et de l'Irak, et au-delà de ses relais locaux dans les pays voisins. Cette organisation terroriste très structurée a une stratégie de développement sophistiquée, dont internet et les réseaux sociaux sont un des supports essentiels. Et si, à travers l'usage qu'il fait du web, l'EI met à mal les valeurs fondamentales portées par Internet (égal accès au savoir pour tous, liberté d'expression, ouverture, participation et confiance notamment), cette stratégie propagandiste semble être un succès, vue la mobilisation qu'il suscite.

Idée 1 : Un mouvement structuré, avec un objectif politique clair et des ressources conséquentes

Affichant une volonté claire de se penser tel un Etat, l'EI est doté de structures qui se veulent gouvernementales et d'institutions permettant d'asseoir un pouvoir exécutif et judiciaire (la seule loi islamique étant applicable, il n'y pas d'institution législative). Composé majoritairement d'Irakiens et de Syriens, l'EI regroupe aussi des djihadistes venus du Maghreb, du Golfe, de la diaspora tchétchène, et des Occidentaux venus d'Europe, des Etats-Unis et du Canada. Au total, l'EI est un mouvement transnational qui possèderait un vivier de combattants estimé à environ 20 000 hommes et serait riche de près de 2,9 milliards de dollars, selon Alex Withing, Professeur de droit à la Harvard Law School.

Idée 2 : Une volonté expansionniste qui s'appuie en partie sur l'usage d'internet et des réseaux sociaux


Dans sa volonté d'expansion, au-delà des mosquées, des écoles et des prisons, internet est devenu un relais de diffusion incontournable de la propagande djihadiste, très écouté en particulier par les jeunes occidentaux musulmans et non musulmans, fortement connectés. Les terroristes ont fait évoluer leur discours pour le rendre audible par ces jeunes, qui se sentent déracinés et sans attache comme le note l'anthropologue française Dounia Bouzar. Twitter, Facebook, YouTube, Instagram sont ainsi devenus leurs plateformes privilégiées pour faire du prosélytisme, affirmer leur existence et leurs revendications, mais aussi pour se financer. L'usage d'internet est un des piliers de la stratégie de communication et de développement de l'EI, au service d'une propagande efficace, si l'on en juge par les milliers d'occidentaux qui s'engagent en son sein. Et c'est sans doute précisément pour ces raisons que la stratégie de l'EI sur internet fonctionne et est efficace : les images choquantes et violentes, ainsi que les messages qu'elles portent, font écho chez des jeunes esprits désenchantés et de plus en plus habitués à voir ce type de contenu radical circuler sur internet. Dans l'arsenal des armes à disposition des djihadistes, internet est une « arme par destination » comme l'observe Nicolas Arpagian, directeur scientifique de l'INHESJ (Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice), permettant à l'EI de fabriquer de l'information et de la publier à sa guise, via les canaux de son choix. L'EI organise et gère son cyberactivisme de manière quasi professionnelle, avec un chargé de communication dont la mission est de couvrir la communication de l'EI sur internet et les réseaux sociaux.

PublicitéIdée 3 : L'usage d'internet comme arme

Mais dans ce contexte où la menace terroriste grandit de manière inquiétante, et où la diffusion des messages appelant au djihad est facilitée par les outils du web, le rôle des médias et des hébergeurs et éditeurs de contenus, ainsi que celui des pouvoirs publics évoluent en se complexifiant. Les médias ne peuvent plus jouer leur rôle de médiateur de l'information aussi naturellement qu'auparavant, en partie parce que le canal de diffusion est devenu accessible à tout le monde. Avec peu de moyens (un ordinateur, une connexion internet et un smartphone), les individus deviennent leur propre média. La modicité du prix, la simplicité d'usage et l'impact transnational facilité par les référencements présentent inévitablement un très grand intérêt pour les groupes non institutionnels tels que l'EI. D'autant que Google, Facebook, Twitter et consorts ne sont juridiquement pas responsables des contenus publiés par les internautes sur leurs plateformes.
Attachés au principe fondamental de la liberté d'expression, ils ont pendant un temps privilégié ce fondement en retirant les contenus publiés a posteriori. Mais les attentats survenus à Paris entre le 7 et le 9 janvier 2015 imposent l'évolution de leurs pratiques en la matière, ainsi que l'intensification de la coopération internationale entre les différents pays, mais aussi avec ces grands opérateurs d'internet.

Une transformation numérique dangereusement réussie pour l'EI ?

Ainsi, l'EI tisse sa toile rapidement et efficacement... Une transformation numérique que l'on pourrait juger réussie (en comparaison à Al Qaida qui n'a jamais vraiment su exploiter ce nouveau canal), et qui pourrait poser question à certaines entreprises au vu de son efficacité... Internet donne un avantage considérable à celui qui veut être visible : avec un esprit numérique (comprendre comment fonctionnent les algorithmes, internet et le réseau), n'importe qui peut utiliser cet outil finalement rustique et simple qu'est internet, et l'EI l'a bien compris. Preuve, s'il en est, que Internet est un outil neutre qui sert les intérêts de qui l'emploie, même dans les fins les plus viles.

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